L’ALCHIMIE DES ALGORITHMESPETER CONSENSTEINDOMINIQUE RAYMOND
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FORMULES, la revue des créations formelles, est une revue indépendante créée en 1997 et publiée par les Presses Universitaires du Nouveau Monde et DigiArt Press, Inc. avec l’aide originelle de la Melodia E. Jones Chair de la State Universityof New York.Adresse électronique :formulesarcadewebmaster@gmail.com Facebook: https://www.facebook.com/Larevueformules/Adresse internet :http://formulesarcade.net/Fondateurs /Founders :Jan Baetens et Bernardo Schiavetta Directeur-gérant /Executive Editor :Jean-Jacques ThomasConseilderédaction/PeerReviewers:JanBaetens,PhilippeBootz, AnneF. Garréta,AlainSchaffner,LucileHaute,Virginie Tahar,PeterConsenstein, Mireille Ribière, Paula Klein, Dominique Raymond, Jean-Jacques ThomasResponsabilité graphique / Graphic Editor : Jennifer Ward, DigiArt Press Nous tenons à remercier Nikita Iziez pour la contribution de sa conception unique de la couverture de ce numéro.
Borough of Manhattan Community College CUNY Graduate Center
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The State University of New York
RaymondQueneau,Directeurlittérairede Gallimard,membreduprestigieuxComitédelecturede cet éditeur, Grand Conservateur de l’Ordre ‘Pataphysique, écrivaincélèbre,scénaristedefilmàsuccès,dramaturge, chroniqueurradiophonique,co-fondateurdel’Oulipoet personnageimportantdelascènelittéraireetartistique françaisependantplusdetroisdécennies,onlesait, nourrissait une passion pour la science et en particulier les mathématiques.Alasuitedesestravauxcommencésen 1965surlesnombreshyperpremiers,le6mai1968,par l’intermédiaired’AndréLichnerowicz,ilprésenteune notescientifiqueàl’AcadémiedesSciencesdeParis, consacrée aux « suites s-additives », c’est-à-dire les séries
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de «suites S de nombres entiers positifs strictement croissants».Commenousl’indiquePaulBraffortilne fautdoncpass’étonnersilafondationdel’Oulipoavait pour but central énoncé de «développer des thèmes littérairesenutilisantdesstructuresmathématiques».En 1974,danslarevueL’Éducation,FrançoisLeLionnais, autre co-fondateur de l’Oulipo renchérissait :«On appliquelesmathématiquesàlaphysique,àlabiologie, auxscienceséconomiques,àlalinguistique.C’estma convictionqu’onpourraitlesappliquer,avecfruit,àla littérature,etquec’estlàlavocationprincipale–de l’Oulipo».Lagénérationdenouvellesformeslittéraires étaitprésentéeavanttoutcommeunproblème mathématiquededistributiondescombinatoiresdes élémentsverbaux.Onconnaîtlessystèmesrépétitifsqui ontserviàcréer,entreautresleS+7ettoutlesystèmede calculsquiaservidebaseàlaréalisationdutexteCent millemilliardsdepoèmesdeQueneausuivid’unlong manifestedelittératureexpérimentalparLeLionnais. DanslesdernièresannéesdesavieQueneaus’est passionnépourlaréalisationde«textesautomatiques» généréparordinateuràlasuitedestravauxdeJean Baudot,Lamachineàécrire.Queneauétendmêmecet intérêt pour la création automatique à d’autres domaines
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humanistesetdansunenotesavanteàlabiographiequ’il lui consacre, Michel Lécureur, insiste:«en musique, Queneauasuivi,dèsledébutlesrecherchesdemusique algorithmiqueentreprisesparlacompagniedesMachine Bull». Les spécialistes de Georges Perec se souviennent quelorsdesonpremiervoyageauxEtats-Unis,celui-ci s’arrêteàl’UniversitéduMichigan,àAnn Arbor,pour observeraulaboratoireinformatiquedeKennethL.Pike, les travaux entrepris en matière de génération automatique des textes littéraires dans le cadre deses recherches surles principesgénératifsdelatagmémique.En1981,s’établit l’ALAMO(Atelierdelittératureassistéeparla mathématique et les ordinateurs)1fondé en juillet 1981 par deuxmembresdel’Oulipo,PaulBraffort.Jacques Roubaud,en1992,seproclamaittoujoursunoptimisme enverscettemodalitédeproductionlittéraire.Demême, PascalGresset,danssonessai«Pourunelittérature immatérielle », confirme qu’une telle littérature saura «tirer pleinement parti de toutes les richesses de l’immatérialisation de contenus concrétisés», tels que «immatérialité,instantanéité, complexité communicabilité,disponibilité,générativité,prolixité, mobilité, fluidité, adaptabilité, collectivité impersonnalité, multiplicité, interactivité ». Une littérature numérique
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abolira ainsi «toute barrière, ignorant qui la lit, oubliant qui la produit dans unperpétuel mélange des genres.» Ainsi cela deviendra «une littérature dupillage méthodique,duvolsystématique,empruntant sonbienoù bonluisemble,conscientedelapropriétécollectivedes langues». Notre temps est-il toujours aussi optimiste envers la production littéraire assistée par l’informatique ? Est-ce toujours l’espoir d’une panacée àcette littérature personnelle,balbutiantlesfictionsmonochromesaucœur sec et aux contours répétitifs dans l’exiguïté des exigences du marché?Dansunarticlerécentsurlesrapportentrela littératureetlabandedessinée,JanBaetenssouligneque toutrécemmentlerecoursauxmoyensdigitauxaeuun impactconsidérablesurledéveloppementdesarts graphiques,nonseulementpourcequiconcernela productiondesréalisationsgraphiqueselles-mêmes,mais surtoutpourcequiconcerneleurdiffusioncar,comme l’étudient Benoît Epron et Marcello Vitali-Rosati, les «algorithmes commerciaux»àla disposition de tous en cetâgedunumérique,ontmisfinaumonopoledes douaniersprofessionnelsqui,traditionnellement, contrôlait le flot limité de la production.
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Etpourtant…hierencore,MariaRessa,areçule Prix Nobel de la paix,parce qu’elle a dénoncé le caractère nocifettoxiquedelapuissancedesalgorithmescomme générateurs de répétitions informatiques :«Nous sommes entrésdansl’èredesautoritarismesnumériques».Depuis laparutiondeTheCulturalLogicofComputation,de DavidGolumbia,lesrecherchesenscienceshumaines danslemondeanglo-saxonsemblentciblerlalogique algorithmiquecommelenouvelennemiàdénoncerdans toutessesformesprotéennes.DeDavidBerlinski,The AdventoftheAlgorithm,àlarécenteétudedeShoshana Zuboff,TheAgeofSurveillanceCapitalism,dansles domaines de l’organisation sociale, politique, financière et culturelle,onassisteàunecondamnationapparemment globalementorchestréedecenouveauMolochqui coalesce en Big Data. Ignorant les différences, assignant à touteformederéalitéuneunitédetraitement,négligeant lesparticularismesetlessingularités,lamachine algorithmique,aurythmeautomatisédèssesrépétitions, dessineuneuniformitéquicontribueauconformismede rigueur.Instrumentdemanipulationintellectuelleet idéologique rendue banale par l’immense disponibilité des moyens véhiculant les réseaux sociaux et les vagues
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d’influencedépourvuesdedetoutelégitimitémoraleou économique,lapuissancedel’algorithmedistribuele mensonge,l’illusion,lapropagande,l’endoctrinement addictif,souslecouvertd’unbénin,clémentetartificiel effetderéel.McKenzieWark,dansundesesderniers textes,CapitalisDead,proposequelecapitalismearrive àsa fin tout ensuggérant que ce quisuivra est pire. Selon elle, les deux classes sociales dominantes sont les hackeurs dresséscontrelaclassevectorielle,c’estàdirecelleset ceuxquicontrôlent,sansfrontièresnationalesou idéologiques,lesvecteursdel’information.Déjà nombreuxsontceuxquiélèventl’ordreoccultedes hackersaurangdeseulerésistancelégitimecapablede nousprotégerdelatyranniedeBigDataetdenous restituer des zones de liberté et de libre pensée.Alchimie des algorithmesIlyal’alchimiequenousconnaissonstous,celles des «maudits», Rimbaud et Artaud, aspiration à la science fulgurale,àladivination par la foudre du discours, mais,aujourd’hui,onnepeutignorerlesensqu’adonné Glissantàcemotenclamantque«lepoèmeestunedes matrices alchimiques du réel »poursuivant ainsi
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l’alchimie solennelle deSenghor quiaassignéàcemotla transfigurationmagiquede«toutunréelquifrappeaux vantaux dumonde»et qui, dans le mouvement des fleuves etlesassautséoliensdelabrousse,entrouvreunefenêtre sur l’inconnu. Donc les questions se posent:de quelle «alchimie»s’agit-il?cette alchimie des algorithmes, se rattache-t-elleàcellequiprendun«A»majusculeetqui dépassetoutefrontièrematérielleettemporelle,ou faisons-nousfaceàlanaissanced’unealchimietoute autre?l’alchimie des algorithmes crée-t-elle oubien éclate-t-ellelesbulles(sociales,politiques,ethniques) dans lesquelles nous vivons ?Comme la langue l’était pour Ésope ou l’atome pour l’aprèsNagasaki/Hiroshima,l’alchimiealgorithmique, aujourd’hui, peut êtreenvisagéecomme la meilleureou la pire des choses. Cette ambiguïté rencontréedans les essais théoriquesetméthodologiquedenotresociété,plus particulièrementcentréesurlesquestionsdecréation littéraire,artistiqueetperformative,constitueralamatière deréflexionetdedébatsdescontributionsaunuméro23 de la revue FORMULES.
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Possibles directions de rechercheSur la base du thème central de l’«alchimie des algorithmes»les travaux qui suivent mettent en évidence descarrefoursmultiplesetmulti-dimensionnelsde l’importancedunumériquesurlestravauxdefiction littéraire,artistiqueetperformative.L’impactet l’historiquede‘bigdata’surlaproductionartistiqueainsi quelesméthodesd’analysedeshumanitésnumériques sont interprétées et analysées. Deux articles s’adressent au computationnalismeetauxrésultatsdesalgorithmesdans lesjeuxvidéosetavancentdesréponsesauxquestions concernant les artistes:sont-ils le produit du «Big Data » oubienacceptent-ilsdeselaisserséduireetd’inventerde nouveauxmodesdeproductiondecetype?Comprend-on mieuxmaintenantla créativitédesnouvellesmodalitésde cette productionlittéraire numérique ouest-cemaintenant lecontraire?LescontributionsdecenumérodeFormulesreconnaissentquenousentronsainsidansunenouvelle étapedespossibilitésartistiquesoùunedimension technologiquedelacontraintedepublicationetde diffusionimpose,demanièreopaque,sespropres contraintesintellectuellesbiensouventsouscouvertde contraintes techniques (numériques) uniformisantes. Cette
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tyranniesournoise,agressiveoupassive,expliciteou maquillée,estredoutablecar,souventignoréepar l’utilisateur,elleimposeuneco-signatureinsidieuseà toute fiction (à toute expression artistique et à tout marché artistique)outentatived’inventaired’information.Qui perdetquigagnefaceàcetautoritarisme?Quityrannise qui? S’agit-ildu «wokisme »qui s’impose sur les réseaux sociaux oubien, plus confusément, de la classe vectorielle qui dessine une «vérité»opportuniste calquée sur ses propresbesoinsdictésparlescirconstances?Nousavons mis àdécouvert ce qui résulte lorsqu’un texte gouverné par unecontraintechoisiesansinfluence numérique setrouve modifiéeparunalgorithmepréexistant.Enoutre,ces textesrévèlentquelamanipulationdesdiscoursetdes images sous la férule deBig Data entraine la mise en place d’unensemblemarquéidéologiquementmaislaquelle? Danslaréalisationdetoutefiction,detoutspot publicitaire,detoutechroniqued’information,la distributiondesactantsbaséesurdescritèresdesexe,de race,d’inclinaisonsexuelle,d’originegéographique,de particularismelinguistique,porteenelleundiscours d’escorte apparemment exclu, mais néanmoins facilement réintégrédansl’interprétationdel’ensembleoffertaux lecteurs.trices, auditeurs.trices, ou spectateurs.trices.
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Lorsqueceschoixélémentairestouchantlescomposantes delapiècesontrégléspardesalgorithmescommerciaux gouvernésparlesimpératifsglobauxdesloisdumarché, lacréationindividuelledoitseplier,consciemmentou non, à cette surdétermination numérique.Quecesoientlesartsplastiques,lasculpture,les dessins animés ou la littérature, que cette production soit à contrainte,formelleouexpérimentale,qu’elles’adresseà l’environnement,auracisme,àlajusticesociale,ouau genre(gender),ilyaunrisquequecetautoritarisme s’impose sur la production et ainsi sur l’organisation de la penséecritiqueetcréative.Touteproductionartistique nouvelle,formelleouàcontraintes,ousimplement expérimentale,atoujours défié les normes de l’expression. Aveclacroissancedel’emploidu‘bigdata’ainsiqueles méthodesd’analysedeshumanitésnumériques,avec l’intelligenceartificielleetl’informationqueGoogle, Facebook,Instagram,LinkedInainsiqued’autres compagniesnumériquesàvocationglobalefournissent aux maisons d’édition, aux musées, aux salles de spectacle etauxpublicationsprivéesoupubliquessurinternet,ces instancesformatricesintermédiairesnejouentplusde rôles neutres et abstraits.
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Danslecasmalhonnêtedesensemblescréatifs produits dans le seul but d’imposer des modèles impératifsdecomportementfascisésdictésparlesrésultatsobtenus parlessystèmesanalytiquesdescomportementssociaux, touttravaildeproductionintellectuelleestperçucomme unetentatived’établirunconformismesocialmoutonnier contrôléparlesinstancesd’uneéliteautonominée.Dans ce cas extrême de «société du spectacle»orchestrée par lescontraintesalgorithmiquesimposéesoùdomineune éthique utilitaire de l’après-vérité, et où toute performance estfoncièrementunmondedel’illusionetdelafiction édulcorante, les forces du refus singulier dans les «cabanes »des «territoires extérieurs »comptent de nombreux partisans qui élèvent l’ordre occulte des hackers aurangdeseulerésistancelégitimecapabledenous protégerdelatyranniedeBigData.Est-cequecefrais mondeanti-conformistedelacontre-utilisationdu numériquelaisseapparaitreaujourd’huidesœuvres inédites et inouïes porteuses de zones de liberté et de librepensée?Etsi, pour nos contributeurs,elles existent quelles sont les formes innovantes (tyranniques ? destructrices ?inhumaines ?) qui les caractérisent ? Quellespartiesdenossociétéssontlesplusvulnérables? Pourquoi ? Existe-t-il,à ce jour, quelque part, un mode de
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production artistique important capable de contrer «efficacement »l’impact et l’emprise multiforme des algorithmesetdeBigDataoutrequeleshackers,oules hacktivistes ?
Alchimie : de kimiya, dérivé d’un mot égyptien signifiant« terre noire » Art magique oupseudo-science, l’alchimie revêt un caractèremystérieuxquireposeessentiellementsurle processus de transformation –de transmutation –des métaux, considérés par les adeptescomme des organismes vivants,aumêmetitrequelesanimauxetlesplantes.Les métauxrégressentetévoluent,ilssontperfectibleset susceptiblesdepasserd’unétatimparfaitàparfaitgrâceà lapierre philosophale. L’alchimiste, comme Maria, Albert leGrand,ouParacelse,2n’estpas(qu’)un·e chercheur·euse d’or; c’est moins le résultat sonnant de ses recherchesquil’intéressequeleprocessusquimèneàla panacée.
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DèsleMoyenÂge,périodefastedel’alchimie,on distinguedeuxversantsdel’artscientifique,soit l’alchimieopérative,axéesurlesméthodesetles composantes des matières premières –tout ce travail d’identificationdesmatièresad’ailleurspermisune avancée certaine dansle champ scientifique–et l’alchimie spéculative, axée sur la métaphysique et la symbolique. Ce versantpermetdetisserdesliensentrelafranc-maçonnerieetl’alchimie,quipartagentunvocabulaire semblableselonAlainQuéruel.3Dansuneperspective pluscontemporaine,soulignonslesallianceslittéraires entrel’alchimieetla’Pataphysique,quecesoitpar l’intermédiaired’unpersonnage,commeledocteur Faustroll, d’une œuvred’imagination,commeVoyagesen kaléidoscoped’IrèneHillel-Erlangeroud’unecritique comme celle de Brunella Eruli, qui«étudie les mécanismescréateursdeJarryàtraverslesfiltresde l’alchimie et de la déformation. »4Le 10 octobre 1982, une quinzaine d’agriculteurs se fontscribesetpoètes,enlabourantunepartied’unchamp de Saint-Ubalde, dans la région de Portneuf au Québec. Ils tracentausollesmots«Texte Terre Tisse», auvolantde leurs charrues. L’ensemble s’étalera sur un mile, soit 1,6 kilomètres et des poussières sur la longueur et deux
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arpents en largeur, puisque chaque lettre mesure 91 mètres delongpar 76 mètres de large:gigantesque performance deland art orchestrée par Jean-Yves Fréchette, enregistrée dansLelivredesrecordsGuinness,visibleuniquementà vol d’oiseau ou via un intermédiaire, comme une photo.
d’artistescomposéd’IsabelleGagnéetStefanBuridans, aliasSven.L’écriture pédestre est doncconnectée:les données géolocalisées des marches en lettres cursives sont extraitesetreproduitesdansuneœuvreWebinédite diffusée en temps réel dans la vitrine du Centre de création numériqueTOPOàMontréal,puisdisponiblesousun autreformatethébergéesurlesitedeTOPO.Ausol, aucune trace :le texte est apparent pour l’internaute seulement.Loind’êtreunereproductionetplusqu’une actualisation,lepassaged’AgrotexteversL’Arpenteur manifeste une réelle transmutation alchimique qui ne peut fairel’économiedelatechnologienumérique,dansses moyenscommesafin.Nousanalyseronsleprocessus,en nousarrêtantsurlesprocédés,lesidéesetlesconditions nécessairesàlatransformation.Cefaisant,nous envisageronsl’alchimieopérativedecettetransmutation, baséesurlesprocéduresetlesopérations,commeune versioncontemporained’untravailauGrandŒuvretel quel’entendaitFrançoisLeLionnais,ingénieurchimiste deformationetco-fondateurdel’Oulipo.Lorsd’une réunionquirelançal’Ouvroirdepeinturepotentiellele6 janvier1981,LeLionnaisprésenta,pourlapremièreet unique fois, ce qui deviendra le « Tableau aux 1000
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colonnes » :Cequejeproposed’appelerleGrandŒuvrede l’Oupeinpo,c’estuntableau,nonpasuntableau peint par unpeintre maisun tableau avec des lignes etdescolonnes[…]Disposonsdanslestêtesde lignes –horizontales –ce que j’appelle les éléments constitutifsdupein[…]Entêtedescolonnes– verticales–quelquesélémentsstructurauxsimples.Danslelivredel’Oulipo,j’aiproposéquelques structuresmathématiquesquisontdestêtesde colonnespossibles.Endéveloppant,onpourraiten énumérer environ un millier.6Silesoupeinpiensontalimentédebiendesfaçonsce tableau,nousverronsquel’exploitationqu’offreBleu diode des performances artistiques de Fréchette yparticipe toutautant,déterminantainsid’autresrepèresdans l’interprétationdelapotentialitédunumériqueetdeses algorithmes dans le domaine des arts plastiques.Alchimie opérativeÀquelques variantes près, selon les alchimistes depuis Albert le Grand, le processus de transmutation
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opèreenquatreétapes:ladéstructuration,lapurification, laréductionetlafixation.7DansL’Arpenteur,quatre espaces/lieux/territoires sont impliqués :le champ de Saint-Ubalde,lequartiergénéraldeFréchette,leCentre d’expositionTOPOetl’œuvreWeb.Surchacund’eux, une étape semble avoir été franchie.Déstructuration : au champOutre le fait que l’espace naturel, le champ de Saint-Ubalde, soit le même qu’en 1982, ce qui demeure enraciné dansL’Arpenteur–etquiillustrelapartdecréativitéet d’originalitédecesprojets–c’estbienl’usageduchamp commesurfaced’écriture.Or,cettesurfacedevienttout autre en même temps :la matière première subit la déstructuration.D’abord,laterreestmoinslabouréepar quinzemachinesagricolesquefouléeparuneseule personne. L’écriture se devait d’être cursive, car connectée par la technologie GPS Freehand,8chaque pas laissant une tracesurlapageWeb.Enplusdecettenécessité, remarquonsquecetyped’écrituretendàreprésenterle traitdelamainquiformedeslettresattachées,alors qu’inversement,latypographied’Agrotexterappelle l’empreintedelamachineàécrire,régléeaumillimètre près.
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Penchons-nous sur le contenu. De «Texte Terre Tisse»ilne reste presque rien, sauf une référence intertextuellepour qui connaît le titre de la performance mécanique :« agrotexte », le poème pédestre tracé par Fréchette lors de la marche spéciale du 10 octobre 2022.9
expression fameuse dont on aretiré les traits d’union: «Toujours créer sur le champ»; référence aux actions concomitantesdel’écritureetdelamarche:«Pasàpas oumotàmot»;autoréférence,carlepoète-arpenteuruse parfoisduJe,toutentravestissantquelquesprincipes philosophiques pourtraduire ses actions :«Je marche donc j’écris ». Rien, donc, n’est laissé au hasard. Fréchette aconçu ses poèmes en amont, les a calibrés pour l’écriture auchamp,puisilabalisél’espaceafind’obtenirdes repères.Unparallèlenoussembleparticulièrement intéressantàfaireiciaveclemarcheuroulipien.Dansson étude,Marcherauhasard,MorganeCadieu10décortique différentes pratiques et représentations de la déambulation danslaproseduXXesiècle,aumoyendelanotionde clinamen(déviationaléatoire).Lejeuduhasardetde l’antihasardluipermetdecompareretdedistinguerles fondementsesthétiquesduflâneurbaudelairien,de l’errancesurréalisteetdeladérivesituationniste.Le marcheuroulipienproduitsonpropreespace,génèresa topographie par la mise en place d’une procédure.LesnarrateursdePerecneselaissentpasaller:ils contrôlentlehasardsystématiquement,ils construisent des stratégies d’évitement ou de
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production,ilsexprimentleurvolonté.Debordest ducôtédel’observation,Beaudouin,Garrétaet Perec,delaproduction.Lafiguredel’arpenteur oulipiensembleainsis’êtreconstruitecommeune réactionàl’errancesurréalistemâtinéededérive situationniste. (Nous soulignons.)Sil’arpenteuroulipienn’hésitepasàdévierdela contraintefortequ’ils’estimposée,clinamenvolontaire quidénotelelibre-arbitredumarcheur,lamoindre déviationdansleparcoursdeFréchetteconduitaumieux àlacoquille,aupire,àl’illisibilité.Laraisonestsimple: leprogrammeapourbutd’obtenirunrésultatfiguratif, unesuccessiondelettresetdemotsquiformentun monostiche.Lesdéambulationsoulipiennes circonscriventleurpropreespace,maiscelui-cin’estpas nécessairementiconique,représentatifd’uneimage quelconque,commeleprésupposeletravaildesartisans duGPSArt.Celadit,l’arpenteur,qu’ilsoitmembrede l’Oulipoounon,participeaufiletàlaconstitutionde l’histoirelittérairedumarcheur,toutcommeleflâneur, l’errant ou le promeneur solitaire.Ensomme, la déstructuration opérée au champ est conséquente dupassage esthétique de la production d’une
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œuvre de Land Artàune œuvre de GPS Art: déstructurationopérationnellecomptetenudu changementdel’agenttraceur,matériellecarl’empreinte despassurlechampnelaisseaucunetracevisible, contrairementauxcharrues,etlinguistique,puisquele texte «Texte Terre Tisse», et toute la charge interprétativequiendécoule,sontraturésauprofitd’une poésienouvelle,interprétableàl’aunedetoutleprojetde L’Arpenteur.Purification : au quartier général de Jean-Yves Fréchette La phase de purification alchimique se compose de plusieurs procédés qui visent l’élimination d’éléments jugés hétérogènes :dissolution, liquéfaction, digestion, distillation. Pour L’Arpenteur, nous l’associerons àla digestion et la distillation des nombreuses données, qui ont lieu au quartier général de la manœuvre pédestre, soit lamaison de Jean-Yves Fréchette.Depuis1982,lamaisondeFréchetteconstitueune sorte de camp de base oùtout sejoue :à la fois lieu d’élaborationetdeconceptiondesperformances,parfois témoindirectdecelles-cietfinalement,espacede conservation,puisquenombred’archivesysont emmagasinées. Ces trois fonctions sont activées dans le
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casquinousoccupe.Lequartiergénéralsertd’abordà Fréchette,quireçoitdespropositionsdetextesdelapart duduocomposéd’IsabelleGagnéetSven,etlesaffine ensuite :Bleudiodem’aremisuneséried'enveloppesque j’ai décachetées avantchaque séance d’écriture. J’y trouvaisunepartiedemoninspiration.Cefutun beau clin d’œil àma toute première performance de 1980:Plissouspli.Ensoi,leurproposition constitueaussiuneespècedelivreobjetinteractif, commePlissouspli,maisenpluscoloréet esthétiquementmoinsaustère.Chaquejour j’ouvraisuneenveloppe.Ilyavaitdesindices,une phrased'amorce,maisaussidespictogrammesqui m’invitaientàrésumerlasituationmétéooumon humeur du jour. Sur ces feuillets, j’intervenais, pour commenter, accepter o u refuser l a proposition quim’était faite.Puisj'obtenaisuntextequeje recopiaissurmafeuillederoutequimependraitau coupendanttoutelamarche.Jem’yréférais constamment pour évaluer la progression du texte et décidersurlechampdesstratégiesdemarchequi étaient autant de stratégies d’écriture.11(Nous soulignons.)
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Eninscrivantlaperformancedansunelogiquede transmissionduWebetdesGPS,lequartiergénéral s’impose aussicomme témoin,unlieu de captation ou de relayagedesdonnéesenprévisiondeleursélection.Plus précisément,lequartiergénéralpermetdetéléchargerles informations captées par les caméras, notamment une Arlo installéesurlegaragevisantlechamp,ainsiqueparle droneetlesmontresaupoignetdeFréchette.Lequartier généralpermetaupoètearpenteurdese(re)poser, d’obtenir une vue d’ensemble du poème produit, de porter unregardanalytiquesurlerésultatfinal,deledigérerencomparantlaconformitédutextevirtuelsurécran avecle plan sommaire tracé sur papier avant la performance, après avoir lu les indices de Bleu diode. Le péditexte n’est donc jamais visible en temps réel au moment de la marche dans lechamp:lesmontres enregistrentle parcours qui seralu aprèscoup,auQG,lorsquelaperformancedujoursera terminée.Par ailleurs, pour L’Arpenteur, Bleu diode arevisité plus largement les travaux phares de Fréchette –Agrotexte biensûr,maisaussiPlissouspli–grâceàcettecaverne d’AliBabaqueconstituelequartiergénéral.Photos, documents d’époque, brouillons, critiques et autres
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artefactsdesnombreusespratiqueslittéraires, performativesetnumériquess’yretrouvent.Bleudiode, pourquilamémoireetlesarchivesfonctionnentcomme desleitmotivs,avaitdoncl’embarrasduchoix.Etce choix,lasélectionquiaétéfaitepourl’amorcedela performance,pourl’expositionoupourl’œuvreWeb, témoigned’unedémarchedepurificationpar écrémage et distillation,puisquel’objectifestdetirerl’essencedu travaildeFréchette. Autrement,ladistillationopèreaussi littéralementdanslamesureoùBleudiode,enfaisant transiterlesdocumentsd’archivesdematièresolideà matièrevirtuelle,accomplitleprocessusquiconsisteà séparer les différents éléments constituant unliquide ou un solide et à les recueillir sous forme gazeuse.Réduction : au Centre d’exposition numérique TOPO La phase de réduction, parfois appeléetransformation, agit par séparation, parincinération ou par sublimation.Laréduction,encequinousconcerne,sera bienentendupriseausensfiguré,etnousnousservirons justement d’une figure de rhétorique pour l’illustrer :la métonymie.«Procédédelangageparlequelonexprime unconceptaumoyend’untermedésignantunautre concept qui lui est uni par une relation nécessaire » (Le
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Robert),lamétonymiesenommesynecdoquelorsque cetterelationnécessaireestdel’ordredelapartiepourle tout12,quiappelleainsi,etentreautres,unmécanismede réduction.LeCentredecréationsnumériqueTOPOsesitueà Montréal,àplusde220kilomètresdeSaint-Ubalde.Ila pourmissiond’accompagnerlesartistesenleur fournissantoutils,moyens,espacedeproductionetde diffusiondesprojetssouventcollectifsetversésdansles artsnumériques.PourL’Arpenteur,TOPOresteunatout majeur:d’une part, il héberge l’œuvre Web sur laquelle nousnouspencheronsdanslaprochainesection,d’autre part, grâce à la Vitrine, unespace d’exposition situé au rez-de-chaussée,ilreprésente,defaçonréduite,condenséeet temporaire,letravaildeFréchetteetdeBleudiode.Du9 septembreau30octobre2022,laVitrineprésentait,dans uneconfigurationmétonymique,lequartiergénéralde Fréchette :
passé et le présent sont ici amalgamés par la présence concomitanted’objetssymboliquessoulignantles performancesantérieuresdeFréchette(ordinateurdes années1980,afficheAgrotexte,etc.)etd’objets autoréférentiels,utilisésdoncdanslecadredela performancede2022,commelesfichescoloréesdePlis sousplioulesnombreuxmoniteursrécents.Notonsàcet égardtroisactionsquipermettaientauspectateur/visiteur desaisirentempsréelcequiseproduisaitaumême momentàSaint-Ubalde.D’abord,IsabelleGagnéetSven intervenaientàl’intérieurmêmedel’espacecuisine,pour ydéplacer,ajouterousupprimerdesobjets,parexemple, lesphotosdestracéscolléessurlefour,ungestequi suggèrelepassagedupoètearpenteurdanslarégionde Portneuf. De plus, un moniteur diffusait jour et nuit ce que captaitlacaméraArlo,installéesurlecoindugarageet pointantverslechamp.Enfin,unautreécrandiffusaitle tracéGPSdespéditextesproduitsparFréchetteentemps réel.Ainsi,touteslesperformancesauchampde2022 auront été diffusées au moins une fois.Lefonctionnementdetypemétonymiquedela pièceetdesesartefactss’apparenteàuneexposition muséale classique:le champ de Saint-Ubalde, le quartier général de Fréchette, les projets de 1982-2022 sont ici
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réduitsàleurplussimpleexpression,dansunlieuqui condensetemps,territoires,manœuvresartistiques. Espacereprésentatif,certes,maisnonstatique,mobile, compte tenu des allées et venues d’Isabelle Gagné et Sven; lapièceexposéedanslaVitrinedeTOPOrappelleainsi, outrelesalléesetvenuesdel’artisteauchamp,l’idée mêmedelaperformancemouvante,uniqueetàdurée déterminée.Fixation : l’œuvre WebLafixation,quatrièmestadeduprocessusde transmutation,permetdefairetenirensembleet solidementdeuxélémentsdemanièredurable,aumoyen d’unagentfixateuretàtraversdifférentesopérations comme la fermentation, la multiplication oula projection, quistabilisentlesconstituantsvolatils.Lesperformances agrotextuellesde1982etpéditextuellesde2022, indépendantes et volatiles parcequ’il s’agit de manœuvres artistiques momentanées, profitent d’un agentfixateur qui non seulement les pérennise, mais les amalgame :l’œuvre Web.Nouvelencodage,nouveauterritoire,nouvelle interprétation,lesiteoffreunesynthèsedestravauxde Fréchette, alimentée par la perspective de Bleu diode sur
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cesmêmestravaux.D’unepart,sesuccèdent aléatoirementsurlapaged’accueildesimagesd’archives récoltées au quartier général du performeur, notamment de nombreusesphotos.Ellessontici«remixées»,c’est-à-dire recoloriées, modifiées par l’ajout de texte et d’un effet glitch13àlignesirrégulièresouonduléesquimeubleles transitionsentrechaquephoto.D’autrepart,encliquant surl’icônedumarcheur,unenouvellepages’affichepour l’internaute,quiassistealorsàunedesperformances péditextuellesdeFréchette.Toutefois,cen’estpasun enregistrementvidéoquinousestprésenté,maisplutôtle tracéGPSissulaperformance.Etcetracéapparaît lentement sous nos yeux, lecture lente qui se fait pas àpas, aurythmeréeldelamarcheauchamp.Entrelesdeux capturesd’écranils’estécouléplusdevingtminutes pendantlesquelleslessignesapparaissentsurlapage commeparmagiecomptetenudel’invisibilitédel’agent traceur.
Ledispositifincitelalectureàémettredifférentes hypothèsesquantautextequiseraaffiché,lesquellesse confirmentounonaufuretàmesurequeleslettressont formées.Rarementletempsdel’écritureetletempsdela lectureaurontétéaussiéquivalent.Lalenteurpermeten plusd’explorer,d’analyser,d’interprétertoutcequi supporteletracésurlapage,enparticulierl’imagede fond,quirestestablependantletracémaischangesila page est rechargée.L’œuvreWebfixedoncAgrotexteetL’Arpenteur sur plusieurs plans. Elle se constitue elle-même en archive, parlamatièresource(certainspéditextesde2022, certaines images de 1982) qu’elle rend disponible sous une autreforme,etce,jusqu’àladisparitiondusite,siellea lieu.L’artperformanceestpardéfinitionéphémère:le tempsd’uneexpositionestcompté,circonscritpardes dates de début et de fin, tandis que l’existence d’une œuvre Webn’apasdeduréelimitée,àmoinsd’avoirété programmée comme tel, ou que l’équipement (matière sur disquedur,parexemple)sedétériore.Deplus,l’œuvre Webfixeensemblelesdeuxperformancesetlesfait fondreenuneseule,commel’illustrentlesdernières capturesd’écran:photoduchamplabourésurlaquellese superpose le tracé nouveau qui permet la lecture
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simultanéedesmotsde1982etde2022.Finalement,la fixation permet la répétition :l’internaute consultera l’œuvreautantdefoisqu’illesouhaite,parfoisunpoème nouveauseratracé,parfoisnon,maiscefaisant,il dupliquel’acteperformatifqui,enréalité,n’aeulieu qu’une seule fois.Le Grand ŒuvrePour conclure, nous allons proposer quelques pistes interprétativesquel’analyseduprocessusalchimiquequi atransforméAgrotexteenArpenteurafaitressortir.En plusd’inverserlescodescommunsqu’ilestcoutume d’opposerdansl’étudedesartsnumériques–tangible/ intangible, matériel /virtuel, inspiration / programmation, pérenne/éphémère–c’esttoutelalogiquebinairequi sembleicimétamorphoséeenunelogiqueplurielle d’hybridationetd’incorporation,oùcequis’opposeet s’exclutgénéralements’amalgameicispécifiquement. Rappelonslamissionduduo:«Bleudiodeconçoitdes dispositifsquiintègrentl’artduremixcommeélément d’intrusionperturbateur,oùlefacteurhumainagiten algorithmeimprévudansunenvironnementtoujoursplus automatisé. »14L’oxymore,« algorithme imprévu »,
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revisiteladéfinitiondel’algorithme,laquellecomporte certesunepartd’aléatoiremaisprésupposeune programmationquiévacuel’imprévisibilité.Le détournement est accentué par l’identification du «facteur humain»comme unalgorithme potentiel.L’humain, être de chair et d’os, se transforme ici en composé virtuel. Dans L’Arpenteur, Fréchette constitue ce «facteur humain »qui «agitenalgorithmeimprévu»,parleprogrammequ’il s’estfixémaisdontlerésultatcomporteunebonnedose d’imprévisiblecomptetenududomaineperformatifdans lequels’inscritsonart.Latransformationopèreaussisur l’oppositionmatériel/virtuel,qu’ilesttentantetcommun decorréleràl’oppositiontangible/intangible.Cequiest matérielpeutêtrevu,touché,manipulé,cequiestvirtuel relèvedudomainedel’abstrait,dupotentiel.En incorporantdessignesd’AgrotextedansL’Arpenteur,le projetmatérialiseenlarendantautrementtangiblela performance, tout en prolongeant sa durée de vie par cette existencenouvelle.Plusencore,enretournantàSaint-Ubalde,maisenfaisantcettefoistransiterlesnouvelles performancesparlatechnologieGPS,leprojetréaffirme une matérialité autre, oùle champ se confond avec l’écran.Sans en avoir l’intention, Jean-Yves Fréchette et Bleu diode auraient donc travaillé au Grand Œuvre, tel
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qu’onnommelaréalisationdelapierrephilosophale,et peut-êtreont-ilstrouvél’élixirdelonguevie,àmoinsque l’œuvreWeb,unjour,nedisparaisse…elleaussi.15La magiealchimiquequecetarticleatentéderessortir s’appuiemoinssurlessymbolesetautressignes d’occultismequesurlesopérationsetprocédésayant permis la réalisation de L’Arpenteur. Nous avons tiré parti de la conception du Grand Œuvre de François Le Lionnais, ingénieur chimiste de formation. Dans son tableau, le «Grand Œuvre »en question n’est nifigurénireprésenté: ils’agit bel et bien d’un tableau opérationnel, qu’il est aisé d’alimenter des constituants de L’Arpenteur :Opérations Déstructuration Purification RéductionFixation
L’ArpenteurLe champ Le quartier général
La Vitrine TOPO
L’œuvre Web
Comme quoi l’étude des procédés,àl’inverse de ce qui est généralement admis, permet parfois de faire apparaître une certainemagie,sanspourautantpercerquelconque mystère.
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Références numériques https://www.agencetopo.qc.ca/wp/events/event/larpenteu r-bleu-diode/http://topo.art/arpenteur/ https://www.bleudiode.com/ https://www.facebook.com/bleudiode https://www.youtube.com/watch?v=WEsh1t8IlGs :Geneviève ALLARD, Terre trace tangible, de l'Agrotexte à l'Arpenteur, court-documentaire, 2022. https://www.nathanrae.co.uk/gpsart https://gpsdrawing.info/en/works/peace-on-earth/
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NOTES1JeremercieJean-YvesFréchette,IsabelleGagnéet StefanBuridansaliasSvenpourleurtempsetleurs réponsesauxquestionsquiontservilaréflexion.De même,jeremerciePeterConsensteinpoursalecture attentive et David Nadeau pour les pistes suggérées.2Maria (IIIesiècle). Connue aussi sous d’autres noms, dont MiriamProphetissaouMarielaJuive,Mariaestune alchimiste réputée pour cet axiome :«Undevient deux, deux devient trois, et dutroisième vient le premier comme lequatrième».Onluiattribuel’invention,àtoutlemoins l’usagedecertainsappareilsquiserventaujourd’huidans les laboratoires de chimie ou au quotidien, comme le bain-marie.Albert le Grand (1193-1280). Ànoter que L’influence d’un livre,considéréparplusieurscommelepremierroman québécois,metenscèneCharlesAmand,unpersonnage adepteouphilosophe,suivantlesprincipesetsubissant l’influence du Petit Albert.Paracelse(1493-1541).Célèbreauteurprolifique, médecin,filsdemédecinsensibleauxélémentsdela nature, versé dans l’alchimie et sa métaphysique.3Alain QUÉRUEL, L’alchimie, Eyrolles, 2013.
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4AlfredJARRY,GestesetopinionsdudocteurFaustroll, pataphysicien,Paris,Fasquelle,1911.IrèneHILLEL-ERLANGER,Voyagesenkaléidoscope,Paris,Georges Crès,1919.BrunellaERULI,Jarry,imostri dell’immagine,Pisa, Pacini, coll. Saggi critici, 1982, citée dansAlfredJarry–LeColin-Maillardcérébral,thèsede doctoratde Julien SCHUH, Université Paris IV-Sorbonne, 2008, 17.5Lenomduduofaitréférenceàlalumièrebleueque dégagelesécrans,eux-mêmesconstituésdediodes électroluminescentes.6DansOupeinpo.Dupotentieldansl’art,Seuil,2005 (1981),13-14.Pourunaperçudestravauxdel’Oupeinpo liés au Tableau, voir cette reproduction :
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7Citépar AlainQUÉRUEL,opcit.47.Dansunenote, Quéruelprécise sa source:«Dans la traduction d’Albert leGrandproposéeparAlbertPoissonpubliéeàla bibliothèque Chacomac (1891), on peut lire:1/ décomposer; 2/ laver; 3/ réduire; 4/ fixer », 104.8Àmainlevée,delamêmemanièrequeNathan Raeetà l’inverse d’une technique de connexion point par point, en mettantledispositifGPSenpauseetenleredémarrantà différentsendroits,techniqueprivilégiéeparl’artiste japonais Yassan pour PEACE on Earth, 2015.9Pourclorel’événementcommémoratifdu10octobre,le public(parents,amis,organisateursde1982,cultivateurs de l’époque) était invité à marcher sur le champ pour tracer «Agrotexte ».10Paris, Classique Garnier, coll. «Études de littérature des XXeet XXIe siècles », n° 82, 2019, 79.11Communication personnelle. Avec l’aimable autorisation de Jean-Yves Fréchette.12Il existe d’autres variantes que la partie pour le tout, comme le genre et l’espèce.13Ilyalieudesedemandersileglitchpourraitêtre considérécommeunclinamennumérique.Erreurdansle système,leglitchsedistinguedubugenceciqu’il constitue une défaillance qui résulte d’un
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dysfonctionnementinterne,plutôtqu’undéfautde protectioncontreunévénementextérieur.Ainsi, provoquer un«effet glitch », c’est faire dérailler le système de manière intentionnelle.14https://www.bleudiode.com/consulté le 19 décembre 2022.15La question de la pérennisation de l’œuvre numérique est un enjeu majeur qui pourrait faire l’objet àelle seule de tout unarticle. Je fais ici un clin d’œil à la performance de LopLop, Million,à laquelle aparticipé TOPO, soit la destruction d’un million d’œuvres numériques créées pour l’occasion, entre le lundi 22août 2022 et le samedi 3 septembre, 17 h. https://www.agencetopo.qc.ca/wp/events/event/million-loplop/
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Hartwick College (Oneonta, New York)
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ThefirstcommunicationsoftheOulipoclearly indicatethatthegrouplookedforwardtoworkingwith computerstoexplorepotentialityinliterature.Inhis minutesfortheOLiPo’smeetingon22December1960 (onemonthbeforethegroupdecidedtocallitself OuLiPo), Jacques Bens declares as «TOP SECRET »that twomemberswillseekthesupportoftheinformation technologycompaniesIBMandBULLto«tenter d’utiliserdesmachinesélectroniquespourdifférents travauxd’analyselittéraire.»1In«LaLiPo»(first publishedin1961bytheCollègede‘Pataphysique) FrançoisLeLionnaisdeclaredtheOulipowould systematicallyandscientificallysearchfornewwaysto writeliterature«enrecourantauxbonsofficesdes machinesàtraiterl’information.»2Duringhisinterview with Georges Charbonnier in 1962 Raymond Queneau
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anticipatedthattheOulipowoulddiscovernewwaysto createliteratureforotherwritersbyleveraging computation:«Naturellement,ilfaudraitqu’onaitdesmachinesqui travaillentpournous.Celavavenir.Celaviendra,nous l’espérons,puisquecesmachinesexistent,autants’en servir. »3InLaLittératurepotentielle(créations,ré-créations,recréations),publishedin1973forabroad audience,theOulipodoesnotelaboratemuchontheir enthusiasmforcomputers,otherthanabriefbuthelpful explanation from Le Lionnais of how computer languages enable humans tocommunicate with machines.4Amorecomprehensiveandtheoretical investigationofusinginformationtechnologytoexplore potentialityappearswiththe1981publicationofAtlasde littératurepotentielle.The volume contains asection on « Oulipoetinformatique»withcontributionsbyPaul FournelandPaulBraffortondemonstrationsofOulipian combinatoryworks(suchasQueneau’sCentmille milliardsdepoèmes)adaptedasinteractivecomputer programs.5Italo Calvino speculates onusing computers to helpwriterssortthroughcombinatorialcomplexitiesand find an esthetically appropriate solution.6Most significant,
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however,istheessayon«Unsystèmeformelpour l’algorithmiquelittéraire»(USFAL),wherePaulBraffort offersadetailedexplanationofhowcomputer programming can help writers specify the constraints they use.7USFAL,alongwiththecompletecomputerprogram writtenbyBrafforttogenerateMarcelBénabou’s aphorisms,providesatutorialforprogrammingina computerlanguageandenablesthereadertoexperiment with code tosee how itworks to make texts.The Atlaswas republished in 1988 with a new essay by Braffort on«Formalismespourl’analyseetlasynthèsedetextes littéraires »(FASTL), whichreplaced the one on USFAL.8The Atelierde Littérature Assistée par la Mathématique et les Ordinateurs, orthe ALAMO, hadbeen formed in1981 as «une organisation sœur (ou fille) de l’Oulipo »focused ondevelopingcomputerapplicationsforgenerating literarytexts.9Braffortusesmuchoftheessaytogivea reportontheeffortsoftheALAMOtodeveloptoolsso thatwriterscandefinealgorithmsandeventuallyproduce works. Abandoningthe computerprogramming tutorial andanyreferencetoaspecificprogramminglanguageor concreteexamples of code,Braffort outlinesanambitious theory of literary structure combining Chomskian
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linguistics with the axiomatic reasoning of the Bourbaki group of mathematicians.FASTLrepresents the final attempt bythe Oulipo to understandhowcomputationrelatestopotentialityin literature.10Eventhoughthe ALAMOincludedOulipians suchasBraffort,Bénabou,PaulFournelandJacques Roubaud,theOulipoitselfdidnotexploretheuse informationtechnologyasithadimaginedinitsearly days,anditmovedtootherpursuits.TheOulipomadea conscious(and,sofar,unreversed)decisiontoavoid computation as a means for exploring potentiality.TheUSFALandFASTLessayshavereceivedvery littlescholarlyattention,despitetheirfocusonhow computerscouldbeusedtoanalyzeexistingstructuresin textsandsynthesizenewwaystowrite.Howdothese essaysdiffer?WhydidFASTLreplaceUSFAL?How doestheshiftfromUSFALtoFASTLreflectanevolving understandingoftheuseofalgorithmsingenerating literarytexts?Andfinally,arethereanylessonstobe learnedaboutcurrentresearchonartificialintelligence fromtheOulipianforayintousingcomputationasatool for reading and writing literature?
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Unchanging principlesBraffortbeginsUSFALandFASTLwithnearlythe samepreamble,recallingthefirstwordsfromMarxand Engel’sManifestooftheCommunistPartyandtherefore announcinganotherOulipianmanifestoalongsidethose written by Le Lionnais:Unspectrehantel’OuLiPo:celuidela formalisation.Avantmêmequel’éternellebrigade eûtquittél’immanence,lespèresfondateurs évoquaientunlaboratoireoùlelangage mathématique,puisl’outilinformatiquedevraient fournir une contribution essentielle.11InFASTLhemodifiesthisonlyslightlywith«lespères fondateurscaressaientleprojetd’unlaboratoire.»12In bothcaseshesuggestsaplacewhereindividualswith technical skills work with theories and equipment to make literature.Thisnotionofalaboratoryalignswellwiththe ouvroir,orworkplacewhere,traditionally,women gatheredtosewgarmentsandwhichtheOulipoadopted toconveyasenseofcollaborativeartisanship.13The Oulipo has always been understood as a collective, but
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Braffortemphasizestheimportanceofmathematicsand computersasthenecessaryandreciprocalmeansfor codifyingandimplementingformaldefinitionsof literatureamongacadreofskilledworkers:«Certes,ily fautdesmoyens(sansdouteinformatiques)etsurtoutdes ouvriers […]. »14ToacertaindegreeBraffortmaintainsaconsistent approachtoformalizationindevelopingUSFALand FASTL.Thekeytoaneffectiveformalizationfor specifying literary constraints is a system of notations that allow for the symbolic representation of–les entités sur lesquelles on raisonne –les opérations àquoi elles seront soumises –les relations qu’elles pourront entretenir –la syntaxe à laquelle obéiront les symboles représentant entités et relations15Thisisamathematicalsystemthatremovesambiguity concerninghowentitiessuchaswordsarearranged accordingtopreciserules.Entitiesneednotbelimitedto wordsonly,andthisisthepowerofformalization.The abstractionaffordedbyasystemofnotationsallowsfor other kinds of entities (such as letters and phonemes as
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well as whole verses and paragraphs) toundergo the same operationsandrelationsfollowinganestablishedsyntax: «Quinerêveraitquelepalindromeusuel(delettres)pût servir de modèle à unpalindrome de syllabes, de mots,… depersonnagesetmêmed’événements.»16Thereis clearlyanambitionwithintheOulipotoextend formalizationbeyondlettersandwordstoencompassand control broader dimensions of literature.ForBraffort,theOulipo’seffortstoformalize potentialliteraturewillrequire«unprocessusitératif» based on «approximations successives. »17One reason for thistrial-and-errorapproachisthatwritershave traditionallyreliedonnaturallanguagetoexpressthe constraints they use, but natural language does not possess anadequatedegreeofrigorandspecificity.Inborrowing frommathematics,theneedforprecisionindefiningand applyingformalstructuresincreases.Moreimportantly, however,isensuring thattheformal language achieves its intended purpose. Le Lionnais had already recognized that programmingcomputerstoperformtasksrequired considerable labor:Savoir parler correctement à une machine — c’est-à-dire lui indiquer tout ce qu’elle devra faire pour
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accomplirlamissionqu’onluiassigne—est[…] unart… et une corvée fastidieuse. Les occasions de setrompersontinnombrables,et,aucuneintuition ne nous guidant dans cetravail, on ne peut éviter les erreursqu’auprixd’uneattentionetd’unepatience peucompatiblesaveclaprimesautièrementalité humaine.18BydevelopingUSFALandthenFASTL,Braffortexpects implementationchallenges.Aformalsystemfor instructingamachinetorecognizeandbuildaparticular linguisticpatternwillencounterunforeseentechnical challenges.Formalizationwillrequireadaptationtothe constraintsofagivenmachineandplatform.Despitethe challenges,Braffortbelievesthatwithperseverancethe literary programmer will ultimately impose his will on the machine and instruct ittoproduce desired output.Braffortanticipatestheeventualcataloguingof literaryconstraintsthroughaprogramminglanguagethat can both definea structureand verify thatatextmeetsthe necessaryconditionsforthestructure,callingaconstraint onformalizedwritingaprescriptum,andrelatingthis methodofformalizationtomathematicsandpredicate logic: « nous associerons un système de prescripta de la
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mêmefaçonquelesmathématiciensdéfinissentune structuremathématiqueenénonçantlespostulatsquien spécifientlespropriétés.»19Aprescriptumwillcodifya particular constraint as an expression that can be evaluated ultimatelyasaBooleanvalueof «true»or«false».Aprescriptum for a palindrome would evaluate as «true »if theprescriptum,asacomputationalfunction,receivedas inputasequenceofcharactersthatremainedthesame when the sequence was reversed.Theresults ofusingcomputationtosupportliterary creationwillbuildontraditionalcategoriesfortextsand leadtoanewformofcreativity.USFALandFASTLboth promiseto«rendreexpliciteslesjeuxdecontraintesdont unauteurnesauraitsepasser,afind’yrendrepossibles calculsetdéductionsrigoureuses.»20Braffortproposes calling this literature «non jourdanienne,»inreference to MonsieurJourdainfromMolière’sLeBourgeois gentilhommewho,wantingtobecomeamanofletters, learnsthat« Toutcequin’estpointproseestvers;ettout cequin’estpointversestprose.»21Braffortinsiststhat« la frontière qui s’y dessine n’est plus entre poésie et prose, maisentretextesquasiamorphesettextesàfortes contraintes.»22Withconstraintsrigorouslydefinedfora computer, their application will lead to new possibilities:
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Leformalisme,etl’histoiredesSciencesnousle montrebien,n’estpasuncarcan.Sil’onréussità surmonterl’ariditéparfoisexcessivedessymboles, onconstatequelaconcisionquirésultedeleur emploiestpourl’imaginationunstimulant irremplaçable.23BothUSFALandFASTLimagineanewwaytowrite literaturerequiringtheuseofcomputation. Workingwith a machine involves manipulating asymbolic language that mayseeminitiallyimpenetrable,butpatient experimentation can lead to a technological proficiency in expressingoneself,openingnewpossibilitiesforliterary creation.USFALBraffort’sinitialattempttooutlineatheoryof formalization for the Oulipo responds to a recognition that everything the Oulipo has discovered exploring new ways towriteverse«demeuraitmodesteencequiconcernela complexité des structures nouvelles que l’on proposait. »24 What is needed is a system of formalization that not only
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describesconstraintsbutalso«[permette]lecalcul.»25 Braffortfindsasolutioninthecomputerprogramming language APL, developed inthe 1950s byKenneth Iverson whohadtaughtappliedmathematicsatHarvardbefore joiningIBM. APLstandsfor«AProgrammingLanguage »andaccordingtoIversonitisintendedto«beconcise, precise,consistentoverawideareaofapplication, mnemonic,andeconomicalofsymbols.»26APLconsists ofnon-Latinsymbols,veryoftenbasedonGreekletters, withprecisemeaningsforentities,relations,and operationsthatmustfollowastrictsyntax.InUSFAL Braffortoffersanextensivedemonstrationofhow APL symbolscanbeusedtodescribeprocessesfor manipulatingcharacterdata.Here isasamplefrom which the reader can infer what the notation means:3 ‘PAUL’PAUM 32‘OULIPO’OULI PO21M O
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L3 ‘PAUL’L21 M P ‘PAUL’LUAP27With numerous snippets of code the reader can reproduce onacomputersystem,USFALeffectivelyservesasa programmingtutorialfor APL.Braffortrecognizesthat« cettelongueénumérationdessymbolespeutlasserle lecteur»butheurgesthereadertoreturntotheexamples hedemonstratestofullyunderstandandmakeuseof them.28ThroughAPL,USFALimplementssimple structuresforbuildingmorecomplexstructures.After presentinghisprogrammingtutorial,Braffortimagines howAPLcouldbeaugmentedtofacilitateliterary creation.Hedescribesabstractlyasetofglobalvariables forlinguisticresources.Theseresourcesincludean alphabet,alistofphonemesrecognizedbyspeakers,a lexicon,alistofsyntacticcategoriesthatrepresentthe rules of correct sentence formation, and a list of semantic
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categoriesthatrepresenthowsentencesaremeaningful. Braffortdoesnotpopulatetheselistswithvaluesbecause thelistsarespeculative:henotesthat«pour[…]la description des contraintes algorithmiques de la littérature […] il ne sera pas nécessaire, en général, que les objets en questionsoiententièrementspécifiés.»29Healso anticipatestheeventualdevelopmentoffunctionsfor transformingsequencesofphonemesintowords(thus transcribingatext)andfortransformingsequencesof wordsintophonemes(thuspronouncingatext).30Once fullydeveloped,theseresourceswouldbeimmediately available for processing. APL lends itself particularly well tothissetupbecausetheprogramminglanguageis designedtobeusedinwhatisreferredtoinAPL programmingasaworkspace(orwhatBraffortcallsan« environnement»)thatofferstwoprocessingmodes:the evaluationofobjectsconsistingofnumbers,characters, andvectors/matricesofnumbersandcharacters;andthe definitionoffunctionsthatcanbestoredandinvokedas neededtoperformoperationsonobjects.Together,these processingmodes enable one bothto test how wellacode snippetofAPLformalizesliterarystructureandtostore encodedformalizationsfortheeventualgenerationof texts.
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USFALthusaffordsanelementalsystemof formalization: it provides basic operations for simple data, allowingtheprogrammertoconstructmorecomplex linguisticstructures.In1981Iversonexplainedthatan effective programming language should not only allow for theexecutionoftaskswithacomputerbutalso«[make] possibleprecisethoughtexperiments»through«thelack ofambiguity.»31ForIverson,aprogramminglanguage should deploy «notation as a tool of thought »that, among other benefits, enables the programmer to create code that suggestsapplicationsforotherpurposes.32Braffort’s criteriaforeffectivenotationinUSFALandFASTL(in particular,prescripta)followIverson’sthinking,butthe implementationofAPLforUSFALmanifestsconcretely aformalizationthatcanleadtoinvention.Hereis Braffort’s function inAPL that defines a palindrome:[0]Z PALINDROME X [1]Z /X= X33Ifapalindromeisasequenceofobjects(forinstance, letters)thatreversesitselfatitsmidpoint,asymbolic representationofthisstructureshouldsuggestwaysother objects can be sequenced similarly and precisely. If
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symbolic notation can be used to invent new structures for specificobjects,thosestructurescanindicatenew possibilities for other, perhaps unimagined, objects.34Inadditiontothepalindrome,Braffortprovidesin USFALseveralexamplesofprescriptathatformalize literary constraints. These prescripta include APL code for testing if two words rhyme, if a text contains two quatrains andtwotercets,ifeachversecontainstwelvesyllables, andif thetextfollowsan ABBA ABBA CDC DCD rhyme scheme.Theprescriptacanbecombinedtodefine formally a sonnet:[0]Z SONNET X [1]Z1 14 = 1 X[2]Z2 ( ⊤ S ) =1412 [3]Z3(TYPO X) = 4040303[4]Z4 RIME /S (1 458;) [5]Z5 RIME /S (2 367;) [6]Z6 RIME /S (8 10 12;) [7]Z7 RIME /S (9 11 13;) [8]Z Z1 Z2 Z3 Z4Z5 Z6Z7 35
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Thecodeforthesonnetshowshowformalizationis elementalinUSFAL.Postulatesthatensurethetext containsexactlyfourteenverses(line[1])withtwelve syllableseach(line[2])canbeexpressedusingthe symbolsin APL,butmorecomplicatedconstraintslike stanzastructureandrhymingschemesrequiretheirown prescripta(orwhatprogrammerstodaywouldcodeas subroutines)thatcanbeformalizedseparately.Prescripta canevendefineformsthattransgressclassicalstructures: «onvoitsanspeinecommentexploitercettetechnique pourspécifierformellementl’ensembledesrèglesdela prosodie usuelle. » Même le conseil de Verlaine « préfèrel’impair » s’exprime en prescripta :2 | ⊤X = 1»36 The code examples in USFAL serve as proof of theconceptoftheprescriptum,butelsewhereintheAtlas Braffort offers a more substantial formalization of literary constraintsforimplementationwithacomputer.The section«Proseetcombinatoire»includesanentire programwritteninAPLforgeneratingaphorisms accordingtothemethodoutlinedinMarcelBénabou’s «Unaphorismepeutencacherunautre.»37Bénabou providesalistoftemplatesforaphorismswith placeholders for nouns, such as « A est la continuation de
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Bpard'autresmoyens.»Healsocompileslistsofnouns onecaninsertinthetemplates,suchastheantonyms« amour »and «haine. »Generating new aphorisms requires procedures fornot only selecting a template and nouns but alsoassuring grammaticalcorrectness. All thesetaskscan beexplainedeasilyasanalgorithminnaturallanguage, butBraffortseekstodosothroughaformalnotationthat assuresintentionality and precision. The algorithm cannot generateallpossibleaphorismsbecausethereareno completelistsofpossibletemplatesandnouns,butitcan produce aphorisms exhaustively with the data supplied by the programmer.Braffortwritestheprogramsothatthelettersina user’snamedeterminetheselectionoftemplatesand nouns.Hereiswhathappenswhenauserinputs«PAUL BRAFFORT» (see Figure 1):
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[FIGURE 1] PaulBraffort’s aphorisms. Source: APLX.Itisbeyondthescopeofthisarticletoexplainindetail howtheprogramworks.Theambitiousreadercanenter the program into a current APL interpreter such as APLX 38 and study how the symbolic notations facilitate the
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definitionofstructuresfortemplates,nouns,andother dataneededtogenerateaphorisms. AppendixIcontainsa minimally transcribedversion of Braffort’s program39that runsonAPLX.Thisisthemostelaboratepublished computerprogramwrittenbyamemberoftheOulipofor theOulipo.Braffortassertsthattheprogrampublishedin theAtlasprovides«uneanalysetoutàfaitcomplètedes procéduresmisesenjeu[pourdonner]aulecteuruneidée précisedesrapportsentrel’informatiqueetletraitement dulangagematriciel. »40He supports this claim inUSFALwith documentation on how he wrote the program in APL, allowingthereadertoverifythecodetoseehowitworks as an operationalization of literary formalization.FASTLByreplacingUSFALwithFASTLinthe1988 editionoftheAtlas,theOuliporenderedBraffort’s programforgeneratingaphorismsimpossibleto understand.InFASTLBraffortmentions his earlier use of APLbutclaimsthat«lescommentairesdeslecteurset notrepropreexpériencenousontconduitàmodifier considérablementnotreapproche,aumoinsencequi concerne la formalisation. »41 The changes to
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formalizationintroducedinFASTLreflectaneffortto reconcileanunderstandingofgenerativegrammarwith theaxiomaticreasoningoftheBourbakimathematicians. FormalizationinFASTLisnecessarilyhierarchical,with theexpectationthatlow-levellinguisticpatternswillbe reproduced at higher levels. The choice of postulates at the foundationofaxiomaticreasoningrepresentsaconscious esthetic choice for creating texts. It will be evident inwhat followsthatsuchachoicecanoverdeterminethe constraints and limit the performance of algorithms.BraffortreviseshisassessmentoftheOulipo’seffortsatformalizationbyclaimingthateverythingthe Oulipohasdiscovered«neproposaitguèredestructure nouvellevéritablementcomplexe.»42Theproblemstems from the differencebetween formal languagesand natural languages.Despiteadvancesininformationtechnology (Braffortiswritinginthemid1980s),computer programminglanguagescannotadequatelycapturethe complexityofnaturallanguages.Literatureoftenexploits reflexivity inlanguage but a system of formalization must avoidcircularity.43Whatisneededisasystemof compellingartificesaddedtonaturallanguagethatenable writerstoexploitnaturallanguageinformalizableways. Such artifices are not new in human efforts to create
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knowledge:«toutcequicontribueàprésenteretà interpréter le monde qui nous entoure […] forme unjeu de telsartificestoutcommecesoutilsparticuliersquenous offrentlestechnologies––ycomprisl’informatique.»44 Braffortclaimsthatalleffortstomakesenseoftheworld ultimatelyinvolvemetaphorandanalogy.Theseartifices relyonisomorphismsbetweendifferentwaysofknowing andestablish«desanalogiesdestructures.»Theuseof metaphorsandanalogiesservesas«unalgorithme universelderationalisation—etmêmedeformalisation. »45PartoftheshiftfromUSFAL(whichdeployeda programminglanguagetodescribeanylinguisticpattern) toFASTLinvolvesaninitialassertionthatformalization must be based on recurring patterns.By placing recurrence as a condition for an adequate systemofformalization,Braffortattemptstofuse generativegrammarwithartisticintentionality.In SyntacticStructuresNoamChomskyexplainsthegoalof what is commonly known as generative grammar:Thefundamentalaiminthelinguisticanalysisofa languageListoseparatethegrammatical sequenceswhicharethesentencesofLfromthe ungrammatical sequences which are not sentences
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ofLandtostudythestructureofthegrammatical sentences.ThegrammarofLwillthusbeadevice that generates all of the grammatical sequences of Land none of the ungrammatical ones.46Braffort’sapproachtoformalizationforcomputation largelyfollowsChomsky’sideawithafewimportant modifications.Insteadofgrammar,Braffortwantsto defineliterarystructure,which,fromaformalist perspective,shouldfollowadefinedsetofrules(the clinamen47notwithstanding).Chomskybeginswiththe premisethattherulesofgrammararealreadyestablished (throughinnateknowledgeultimatelygroundedin biologicaldeterminism)anddiscoverablebycareful analysis.Onecannotinventagrammaticalstructure,one canonlygenerateasentencethatconformstoalready determinedgrammaticalrules.Anovelliterarystructure, however,canbeinvented,andformalizationwilldefine thestructureprecisely.TheproblemforBraffortwitha strictlygenerativeliterarygrammaristhatitcanproduceundesirable results. For him there need to be limits onwhat countsasaliterarytextproducedaccordingto formalizablerules.Chomskyrecognizesthedifference between grammatical correctness and semantic sense by
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constructingthemeaninglesssentence«Colorlessgreen ideassleepfuriously»48buthedoesnotcareabout semantics in searching forthe rules that define a grammar. Braffort,however,wantsto«échapperauxpiègesd’une syntagmatiquepurementlocale,génératricedecontre-exemplesartificiels.»49Heseeksasystemforformally definingliteraryrulestobebasedontextsalready recognizedasliterary(«se«limiter»àl’universdela littérature, c’est en même temps ouvrir la recherche sur un vastepanorama»)50andtogeneratetextsthatreproduce this literariness. The idea of hierarchy isalready embedded inwhat can be formalized as literature.TheaxiomaticmethodofBourbakiguaranteesthat meaningwillbeintentionalthroughthecompletecontrol ofhierarchicalobjectsanddeductivereasoningthat FASTLspecifies.Givenasetofbasicconcepts, definitions,andpostulatesasdevelopedbyGerman mathematicians such as David Hilbert51, Braffort proposes buildingliterarystructuresdeductively.Thechoiceof postulatesdetermineswhatisandisnotpossible,andone canfollowthechainofreasoningtounderstandhowa structureemerges.Withtheisomorphicartificesof analogyandmetaphor,low-levelstructuresprovidea foundation for higher-level structures, all based on the
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samemathematicalconceptsandpremises.Usingthe axiomaticmethod,theBourbakigroupenvisionedthe discovery of deep structures would unite various subfields ofmathematics.52Thechoiceofpostulatesanddata structurespurposelycontrolswhatcanbeconstructed. FollowingtheexampleofBourbaki,FASTLpromisesto discovernewliteraryobjectsbutthepromiseis encumberedbyFASTL’spresuppositionsaboutwhat constitutes the literary.Braffortidentifiesthreesourcesofpostulatesfor FASTL.HeattributesthefirsttowhatJacquesRoubaud calls «Passe-partout pour la Poésie »(PPP) whereby «les contraintesspécifiquesdelaPoésie—etleurarticulation —permettentàunelanguedesedécrireelle-même.»53 PPP reflects other principles championedby Roubaud and endorsedbyBraffortwhereconstraintsnotonlyshapea textbutalsocreateaspaceforspeakingaboutlanguage itself.EarlierintheAtlasRoubaudclaimsthatinsome casesanOulipiantextspeaksofitsconstraints,suchas GeorgePerec’slipogramnovelLaDisparition.AOulipian text written with a mathematizable constraint can alsodemonstratetheconsequencesofthemathematical theoryassociatedwiththeconstraint,suchasBraffort’s Mes Hypertropes.54 The formalization of FASTL
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effectively requires some instance of self-reference in texts produced algorithmically.ThesecondcomesfromPierreLusson’s«Théorie duRythme Abstrait »(TRA)which holdsthat «lerythme estlacombinatoireséquentiellehiérarchisée d’événements élémentaires discrets considérés sous le seul aspectdumêmeetdudifférent.»55TRAisakey componentinRoubaud’ssprawlingprojetwherehelooks forwardtodevelopingamathematizedpoeticsbasedon definitionsandoperationsfromsettheoryandabstract algebraas wellas theaxiom «lapoésieest mémoire de la langue.»InhisDescriptionduprojet,Roubaudexplains that hierarchy in TRAmeans«lacombinatoirerythmique regroupe les événements, qui sont alors considérés comme desévénementssimplesd’unniveaunouveau, supérieur.»56BraffortappliesthisnotiontoFASTLby recognizingsimpletextualobjects(alphanumeric characters,symbols,andpunctuation)astheunderlying material for more complex objects (words, verses, stanzas, poems,volumes,series,…).57Allobjectsareexpectedto demonstrateTRAthroughsequentialityand combinatorics at different scales.The third isthe assertion that structures will reproduce themselves from one level of formalization to
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another. Braffort calls this a «Heuristique des Morphismes Verticaux » (HMV):Lesconceptsetlesméthodesd’analyseetde synthèsequiopèrentàunniveaudéterminéde l’échelledesstructurestextuellessontégalement validesetefficacesauxautresniveauxdecette échelle,àconditiondedonnerdesvaleurs convenables aux paramètres.58TheprincipaloperationsofHMV,groundedinthe universalmethodofanalogyandmetaphor,are substitutionandunification.Braffortrelatessubstitution specificallytoMarcelBénabou’s«Traitement AutomatiqueduLangageCuit»(TALC),ofwhichthe computerprogramforgeneratingaphorismsisan example,andgenerallytothelambdacalculus,afieldof mathematicsthatfocusesonhowfunctionsoperateas rulesforcomputationratherthanasmappingsfromone domaintoanother(inputandoutput).Braffortexplains unification in terms of building tree-like structures:«on construit d’abord des arborescences «locales »qu’on assembleensuiteenarbresplusgrands.»59Thechallenge for formalization is rendering explicit the links between
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textualobjects(bothlaterallyandverticallywithinthe hierarchy) and ensuring that the objects relate to the world insomemeaningfulway.Braffortseestheneedfora comprehensivedatabasethatservesasanencyclopedia of the «physique de la vie quotidienne »for computationally generatedtexts.60FormalizationunderFASTLmust followitsowninternalrulesbutitmustalsorefertoan empiricallyconstantandverifiableworldoutsideits constraints.Itisthedesiretomaintaininternalconsistency withinasystemofformalizationwhileseekingrelatable external referents for generated texts that leads Braffort to abandon the use of symbols torepresent literary structure. HeexplainstheshiftawayfromAPLasamatterof didactic pragmatism:Leréalismecommande,eneffet,tantdansle domainedel'analysequedansceluidelasynthèse, defairepreuveduplusgrandéclectismeet d'acceptertouslessystèmesformelsquinoussont proposés,quitteàaménagerdesprocéduresde traductionautomatiquepourlesrendrecompatibles avecceluiquidemeurera,danscedomaine,leplus commode à manipuler, le plus commode, surtout, à
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mettre en œuvre dans les programmes interactifs, le langagenaturel,augmentédequelquesoutils« diagrammatiques ».61Braffortrenegesontheprincipleofformalnotation presentedatthe beginning of USFALandFASTLinfavor ofasystembasedultimatelyonnaturallanguage.The possibleambiguitiesofreflexivityinlanguageareless concerningthantheobstaclesoflearninganesoteric programminglanguage.Braffortproposesthatinteractive programs be developed for users, dispensing with the need tolearnhowtoprogramwithalanguagelikeAPL. Varioustoolsforanalyzingandsynthesizingtextsmaybe writteninanyprogramminglanguage,providedtheuser interfacemakesuseofnaturallanguageaugmentedwith visual aids.BraffortreplacesAPLwithLAPAL(«Langage AlgorithmiquepourlaProductionAssistéede Littérature»)astheprincipaltoolforFASTL.In1984he outlinesthefeaturesofLAPAL,comparingittoother literarycomputerapplicationsofthetime(suchas MESSY,TALE-SPIN,ROALDandAUTHOR)and notingthattheyaretootechnicalforliterarycreation. Renouncing any effort to encourage the use of a
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programming language to thosewho would usecomputersastoolsforwriting,Braffortinsists«quel’utilisateur écrivainoublieautantquepossiblelatechnique informatiquepourconcentrerson effort sur lesproblèmes essentiellementlittéraires.»62Theexplanationofhow LAPALworksisvaguebecause,unlikethepresentation ofAPLcodeforUSFAL,Braffortoffersnoexamplesof howthecodeworksnordoesheproduceanyoutput facilitatedbyLAPAL.Heassuresthatitoperates algorithmically, defining an algorithm asunefonctionqui,appliquéeà[un]texte,considéré commesonargumentfournitunrésultat.Ce résultatestlui-mêmeuntexte,maisuntexteoùse trouveexplicitéeuneorganisationcomplexeet fortementstructuréedefragmentsdetexteset d’énoncés symboliques63This is an unusual definition ofan algorithm in that it gives noconsideration tothe importance ofprocedure leading to ananticipatedoutcome.64Unlikethelambdacalculus, functionshereareunderstoodasmappingsbetween differentsetsofobjectswithpredeterminedrelations. Postulating that the objects are hierarchical in structure
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withoutfirstdefininghowrelationsareestablished imposesunwarrantedconstraintsonwhatispossible algorithmically.ThespecificationsforLAPALandits expectedoutputrenderthedesignoftheprogram extremelycomplexanddifficulttoimplement.FASTL doesnotcontributeinanysignificantwaytoadvance formalization through computation.65USFAL, FASTL, and ComplexityThetransitionfromUSFALtoFASTL demonstratesastrategicerrorinleveragingcomputation forgeneratingtexts.Recentdevelopmentsinthe computationallanguagemodelsthatformthebasisof artificialgeneralintelligence(AGI)reverseBraffort’s shiftfromanelementalsystemforliteraryformalization toahierarchicalsystem.Insteadofselectingand formattingdatainadvanceofprocessingbyanalgorithm thatcanmanipulatepatternsintext(theapproachtaken withFASTL),currentresearchinAGIdefinessimple entities,operations,relations,andsyntaxinasystemout of which complex objects emerge (aligning with USFAL).OpenAI,a company specializing in AGI, hasreleased acomputational model of natural language that
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cangeneratemeaningfulresponsestoalmostanyinput. Forinstance,whenpromptedwiththeinstructiontowrite tenaphorismsinFrenchusingBénabou’sformsand nouns,GPT-3(thecurrentversionofOpenAI’s GenerativePre-trainedTransformerlanguagemodel) responds with the following:1.Un temps pour aimer, un temps pour détester, un temps pour guérir.2.La vie sans amour n'estrien;la vie sans haine ne vaut guère mieux.3.Il est plus aisé de supporter un ennemi que des amis.4.La haine ne serait pas siforte si l'amour n'était pas si grand.5.Mieux vaut unennemi avec vérité qu'un ami avec mensonge.6.Mieux vaut un ennemi sans haine qu'un ami sans amour.7.Un peu de haine éloigne les amis, beaucoup les rapproche.8.Le chemin qui va vers l'amour passe par la haine.
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9.Ni l'amour nila haine ne nous manquent, mais la vérité.10.La haine nous délivre de l'ennemi,mais qui nous délivrera de la haine ? 66GPT-3producedthisoutputwithnoexplicitattemptto formalizeliterarystructure.Theresultsfromtheprompt exemplify«zero-shot»training:themodelwaslikely givennopriorexplicitdemonstrationofanaphorism(in French or any language), and yet it was able to perform the task with a high degree of accuracy.67GPThasundergoneaninterestingprocessof development.Thefirstversionbuildsitsmodelby processing 1gigabyteof data from over 7,000 books using unsupervisedandsupervisedtraining.Unsupervised training involves algorithms to detect patterns in data with nohuman intervention. There is no anticipated structure in the data other than a sequence of words. The algorithm for GPT involves 768 parameters that define the relationships betweenwords.Theseparameterscanbeunderstoodas abstract qualities describing various word properties, such aspartofspeech,gender,andverbtense,althoughthese specificqualitiesarenotwhattheparametersrepresent. The number of parameters isarbitrary (limited only bythe
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physicalconstraintsofcomputingresources)andthe valuesforparametersaredeterminedbythealgorithmas itprocessesdata.Thestepsthealgorithmtakesto determinethesevalues are formalizedpreciselythrougha programminglanguage,butthenumberofoperations performedbythealgorithmasitloopsthroughitsstepsis difficult(ifnotimpossible)tofollow.Subsequent supervisedtraininginGPTreviewsthedetectedpatterns inword sequences and adapts the patterns to specific tasks. Asthe developer notes,«[supervised learning]can require large,carefullycleaned,andexpensivetocreatedatasets towork well. »68WiththefirstversionofGPTthedevelopers observed that the model performed well on many tasks for whichitdidnotreceivesupervisedtraining.This observationledthemtoupdatethemodelbyabandoning supervisedtrainingaltogether.Using40gigabytesofdata and an algorithm with 1.5 billion parameters,GPT-2is trained with a simple objective: predict the nextword,givenallofthepreviouswordswithin sometext.Thediversityofthedatasetcausesthissimplegoaltocontainnaturallyoccurring demonstrations of many tasks across diverse
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domains.GPT-2isadirectscale-upofGPT,with morethan10Xtheparametersandtrainedonmore than 10X the amount of data.69Asignificantincreaseintheamountofdataforunsupervisedtrainingobviatestheneedforformalized structure in the data. Predicting what word will come next after a sequence of other words requires only a method forprocessingcharacterstrings,numbers,matrices,and mathematicaloperations,ataskforwhichAPLand USFAL are adequate.GPT-3(thecurrentmodel,usedtogenerate Bénabou’s aphorisms) isbuilt from 45 terabytes of textual data «scraped »from the internet using an algorithm with 175billionparameters.Itsperformanceexceedsthatof GPT-2withathousand-foldincreaseinthesizeofthe training set and in the number of parameters.ThedevelopmentofGPTreversesBraffort’sshift fromUSFALtoFASTL.FASTLfollowsadesign paradigmalignedwithsupervisedtrainingbypostulating thattextualdataconformtoapre-definedstructural hierarchy.USFALmakes no such requirement, processing textualdatawiththecapabilityofbuildingmorecomplex objects that do not necessarily follow a prescribed
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structure. ThelackofanysignificantoutputfromLAPALisverylikelyduetoFASTL’srequirementsforthe program’sinput.Braffort’sprogramforgenerating aphorisms,however,demonstratesthatUSFAL,through APL, isstill a viable approach to literary formalization.In«RaymondQueneauetl’amalgamedes mathématiquesetdelalittérature,»FrançoisLeLionnais endshistributetotheco-founderoftheOulipo(whohad passedawayin1976)withanunusualanecdoteabouta mathematical proof:Quelquessemainesavantsafin,jeluiapportaijoie etstupéfactionenluiapprenantqueWolfgang HakenetKenneth Appel(leurdémonstrationayant étéamélioréeparDavidCohen)venaientde résoudre le « Problème des Quatre Couleurs ».70AsmathematiciansQueneauandLeLionnaisunderstood thesignificanceoftheproofbecauseitdependedon computers.Since1852mathematicianshadconjectured that given a map on a plane, only four colors were required tofilleachregiononthemapsothatnotworegions sharingacommonborderwouldhavethesamecolor. They could prove that as few as five colors were required,
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butaproofthatnomorethanfourwereneededhad remained elusive. Haken and Appel solved the problem by defininganunavoidable setofconfigurationsofcountries onamap.Thesetisfinitebutquitelarge(around1,500 possibleconfigurations),andeachconfigurationrequired amechanicalproof(ratherthanatraditional,«elegant» demonstration) that no more than four colors were needed. Haken and Appel were able to complete these proofs using 1,200 hours of time on an IBM 360 mainframe computer.WhatHakenandAppelhadachieved,andwhat OpenAIcontinuestodevelop,isanapproachto completingtasksusingalgorithmsthatcannoteasily(ifat all)beexplainedaxiomatically.Theoperations themselvesarerelativelysimple,andformalsystemsof notationsuchasAPLcandefinetheoperationswithout ambiguity.USFALlendsitselftoanapproachthatbegins withsimpleexpressionsbutpotentiallyleadstocomplex series ofoperations producing meaningful output. FASTLinsiststhattextualdataconformtopredetermined structures inanticipation of expected output. By opting for FASTLinsteadofUSFAL(andthenrelegating experimentationwithcomputersandliteraturetothe ALAMO),theOulipomadeafatefulandultimately unproductive choice.
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NOTES1Jacques Bens, Oulipo 1960-1963(Paris: Christian Bourgois, 1980), 26.2Oulipo, La littérature potentielle (créations, ré-créations, recréations) (Gallimard, 1973), 15–18 (17).3Entretiens avec Georges Charbonnier(Gallimard, 1962), 151.4« Ivresse algolique »inOulipo, La littérature potentielle, 213-218.5Fournel,«Ordinateur et écrivain, l’expérience duCentre Pompidou»inOulipo,Atlasdelittératurepotentielle (Gallimard,1981),298-302;Braffort,«Poésieet combinatoire,»Ibid, 303-305.6Italo Calvino,«Prose et anticombinatoire,»Ibid, 319– 31.7« U.S.F.A.L. Un système formel pour l’algorithmique littéraire, »Ibid, 108–36.8«F.A.S.T.L.Formalismespourl'analyseetlasynthèse detexteslittéraires,»inOulipo,Atlasdelittérature potentielle, rev. ed. (Gallimard, 1988), 108–37.
9« F.A.S.T.L., » 109.10Valérie Beaudouin was coopted in2003 after publishing Mètre et rythmes du vers classique: Corneille et Racine
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(Champion,2002),anexhaustivestudyoftheworksby these authors using a computer program (the «metrometer ») designed to identify the metrical components of any text inFrench. See Beaudouin and François Yvon,«The Metrometer:AToolforAnalysingFrenchVerse,» LiteraryandLinguisticComputing(XI/1,1996),23–31. TomyknowledgeBeaudouinhasnotcontinuedthis research as an Oulipian.
11« U.S.F.A.L.,» 108.12« F.A.S.T.L.,» 108.13Theuseofthewordouvroirhasbeencriticizedby Lauren Elkin for its gendered duality, as either a workshop for«buildinganetworkofpowerfoundedonmale camaraderie»orasaspacewherewomen«strippedof anypowerovertheirownlives[are]senttobeexploited. »SeeElkinandScottEsposito,TheEndofOulipo?An Attempt toExhaust a Movement (Zero Books, 2013), 77.14« U.S.F.A.L.,» 136; « F.A.S.T.L., » 136.15« U.S.F.A.L.,» 112; « F.A.S.T.L., » 116.16« U.S.F.A.L.,» 136; « F.A.S.T.L., » 136.17« U.S.F.A.L.,» 110; « F.A.S.T.L., » 110-111.
47TheclinamenisanotiondevelopedbytheRomanpoet andphilosopherLucretiustodescribetheunpredictable swervingofatomsthatallowsforcreativeprocessesin nature.GeorgesPerecchampionedtheclinamenforthe Oulipo, insisting it isimportant to include anti-constraints withinasystemofconstraintstofosterliteraryinvention. SeeEwaPawlikowska,«Entretien,»Littératures (Toulouse,France),(V7,Spring1983),69–77(70).The formal structure ofPerec’s La vie mode d’emploi: romans (Hachettelittérature,1978)includesmanyintentional exceptions to an otherwise rigorous system.
48Chomsky, 15.49« F.A.S.T.L.,» 120.
50Ibid.51Queneauoffersapuremathematicaldemonstrationof Bourbakismappliedtoliteraryformalism(somewhatin jest)inhis«Fondementsdelalittératured’aprèsDavid Hilbert,»publishedinitiallyintheBibliothèque oulipienneandtheninexcerpt(asaposthumoustribute) inthe Atlas, 17-18.52«Letraitcommundesdiversesnotionsdésignéessous cenomgénérique[destructuremathématique],est qu’elless’appliquentàdesensemblesd’élémentsdontla nature n’est pas spécifiée ;pour définir une structure, on
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sedonneuneouplusieursrelations,oùinterviennentces éléments […];on postule ensuite que la ou les relations donnéessatisfontàcertainesconditions(qu’onénumère) etquisontlesaxiomesdelastructureenvisagée.»See Nicolas Bourbaki,«L’architecturedes mathématiques :la mathématique,oulesmathématiques ?»inLesgrands courantsdelapenséemathématique,ed.FrançoisLe Lionnais(Hermann,1948),35–47(40-41).The mathematiciandiscoversthesestructuresbypostulating axiomsandteasingout,throughdeductivereasoning,the resultingrelationswithinsetsofobjectstowhichthe axioms are applied.
53« F.A.S.T.L.,» 124.54« La Disparitionde Georges Perec raconte la disparition du«e»[…]LethéorèmedeZeckendorffquiditquetout entieraunedécompositionensommedenombresde FibonacciestleprincipeorganisateurdesHypertropes (P.B.). » See Atlas, 90.
55« F.A.S.T.L.,» 125.56Jacques Roubaud, Description du projet(Nous, 2014), 90.
57« F.A.S.T.L.,» 122.
58Ibid, 125.59Ibid, 126.
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60Ibid, 127.61Ibid, 127-128.62Paul Braffort,«Le projet LAPAL: introduction et idées générales, »Action poétique (V95, 1984), 51–55 (53).
63« F.A.S.T.L.,» 133.64AccordingtoDonaldKnuth,analgorithmis«afinite set of rules that gives a sequence of operations for solving aspecifictypeofproblem».SeeKnuth,Fundamental Algorithms,3rded,V1ofTheArtofComputer Programming (Addison-Wesley, 1997), 4.65InTheOulipo’sMathematicalProject(1960-2014) (PrincetonUniversity,2018),NatalieBerkmanreports thatherattemptstouseaweb-basedversionofLAPAL produced no meaningful output (222-223).66See Appendix 2 for the complete prompt to GPT-3.67Tom B. Brown et al., Language Models Are Few-Shot Learners, (arXiv:2005.14165, 22 July 2020), 8.68AlecRadford,«ImprovingLanguageUnderstanding with Unsupervised Learning»(OpenAI, 11 June 2018), https://openai.com/blog/language-unsupervised/.69Alec Radford et al.,«Better Language Models and Their Implications»(OpenAI,14Feb.2019), https://openai.com/blog/better-language-models/.
70Atlas, 41.
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App
en
d
ix
2: GPT
-
3
examp
le
[Prompt]Write 10 aphorisms in French using any of these forms: UN TEMPS POUR _ , UN TEMPS POUR_ , UN TEMPS POUR __ SANS _N' EST RIEN ;_ SANS _NE VAUT GUEREMIEUXIL EST PLUS AISE DE SUPPORTER _ QUE _ _NE SERAIT PAS _ N' ETAIT PAS _ MIEUX VAUT _AVEC _ QUE _AVEC _ MIEUX VAUT _ SANS _ QUE _ SANS _ UN PEU DE _ ELOIGNE _ , BEAUCOUP EN RAPPROCHELE CHEMIN QUI VA VERS _ PASSE PAR _ NI _NI _NE NOUS MANQUENT, MAIS __ DELIVRE DE _ , MAIS QUI NOUS DELIVRERA DE _ON N' EVITE _ QUE POUR TOMBER DANS _IL Y A_ DANS _ MAIS JAMAIS DANS _ILN' Y A PAS DE _LAOU ILN' YA PAS DE _ DERRIERE _ILN' YA SOUVENT QUE __ DOIT DEVENIR _ COMME _DOIT DEVENIR _ _ ESTA_CE QUE _ ESTA _
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ILN' Y A PAS MOINS DE _ DANS _ QUE DE _ DANS _LE BONHEUR EST DANS _ , NON DANS _ _ SANS _N' EST QUE _ SANS _RIEN NE PLAIT TANT_ QUE _ ON RENONCE PLUS AISEMENT _ QU' _ CE QUI VIENT PAR _ S' EN VA PAR _ A QUOI BON _ DEVANT __ EST_ VISIBLE _ C' EST __ EST _ POUR DISSIMULER __ EST LA CONTINUATION _ PAR D' AUTRES MOYENSLA HAINE _N' EST AUTRE QUE L' AMOUR _ QUAND _ NOUS QUITTE, C' EST QUE _N' EST PAS LOINand any of the following words: AMOURANGOISSE ECRITURE ENFANCE EXILMORT
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NEGATION POEME MEMOIRE MYTHE TEMPS MATIERE OUBLI SILENCE ESPACE NATURE MESURE CORPS AVENIR GOUTPLAISIR FINPERFECTION RYTHME SENTIMENTFORME SCIENCE LIBERTE PRESENTPASSE
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HORREUR VOLUPTE MYSTERE HARMONIE CONFLITODEUR PARFUM MALADIE BONHEUR BEAUTE RAISON OBSTACLE GUERRE POLITIQUE IGNORANCE DEGOUTPATIENCE POUVOIR HAINE LAIDEUR[Response]1.Un temps pour aimer, un temps pour détester, untemps pour guérir.
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2.La vie sans amour n'est rien ;la vie sanshaine ne vaut guère mieux.3.Il est plus aisé de supporter un ennemi que des amis.4.La haine ne serait pas si forte si l'amour n'était pas si grand.5.Mieux vaut unennemi avec vérité qu'un ami avec mensonge.6.Mieux vaut un ennemi sans haine qu'un ami sans amour.7.Un peu de haine éloigne les amis, beaucoup les rapproche.8.Le chemin qui va vers l'amour passe par la haine.9.Ni l'amour nila haine ne nous manquent,mais la vérité.10.La haine nous délivre de l'ennemi,mais qui nous délivrera de la haine ?
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(1967)and Detroit: Become
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(2018)
InRaymondQueneau’sUnconteàvotrefaçon (1967),thiscofounderoftheOuLiPo(Ouvroirde LittératurePotentielle)appliesalgorithmicthoughtto literature, producing a tale in which the reader is presented withchoices,onethatcantherebyberepresentedasa flowchart.Whileonemightthinkthatsuchapioneering exampleofthechoose-your-ownadventurestorywould enthusiasticallydemonstratethepotentialofcomputing power to literature, Queneau’s work promises achoice and then actively forbids thereader any real liberty. Queneau’s subversiveflowchartnarrativepavedthewayforagenre initsownright,whichIwillrefertoasarborescent literature.1This genre has spread across media: from choose-your-own adventure stories to electronic literature and
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eventovideogamesandfilm(thinkofBlackMirror’s recentNetflixmovie,Bandersnatch).Arguably,video gamesrepresentthe mostcomplex and successfulformof this genre, with Quantic Dream’sDetroit: BecomeHuman (2018)themostambitiousexample.With85possible endingsand35individualflowchartsthatdeterminethe overallstory,theplayerofDetroitistheoppositeof Queneau’sreader—overwhelmedwiththebifurcating optionsandtheimpactofhisandherchoicesonthestory being told.Weallwanttobelievethatwehavechoicesandthat thosechoicesmatter,whichiswhythisgenreof arborescentfictionisbecomingmoreandmorecommon. AsCarlenLavignenotes:“Inacademicanalysisofsuch gameplayscenarios,questionsofplayeragencyareoften paramount. Such agency is always amirage; even the most narrativelycomplexgamerestrictsplayerchoicebydint of its own programming limitations…” (16).2While this is demonstrablytrue,theincreasingpopularityofthisgenre begsthequestionofwhydoreaders,players,andviewers alike enjoy making prefabricated decisions when they can easilydeterminethattheyarenotincontrol?Thisarticle aimstodeduceatheoryforhowtoanalyzethisunique genre through three primary features: the tutorial, the
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flowchart,andthechoicemechanism.Byapplyingthese featurestoanalyzeQueneau’soriginalarborescenttale andthisrecentvideogameexample,wewillseethatitis notthechoiceitselfthatmatters(indeed,itdoesnot),but theartificethatconvincesthereadertotakethatchoice seriously.Raymond Queneau, Un conte à votre façon (1967) TheOulipo,anexperimentalliterarycollective foundedinParisin1960,developedaninitial mathematicalprojectthatinsistedonapproaching literaturelogically,inventingspecificrules—constraints —tofollowduringthecompositionofatext.3Giventhe timingofthisexperimentalgroupcoincidedwithcritical stagesinthedevelopmentofmodern-daycomputing,the earlyOulipomemberswerebothinspiredbyand experimentedwithearlycomputers.Queneau’s quintessentialandfirstOulipiantext,Centmillemilliards depoèmes(1961),isafirstexample,drawingon computers’combinatorial skills to produce an exponential number of poems from a prefabricated set of verses.QueneaupublishedUnconteàvotrefaçonin1967, justtwoyearsafterthedelayedFrenchtranslationof Propp’s Morphology of the Folktale (1928).4 Queneau’s
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useof the word “conte” (the word used for Folktalein the FrenchtranslationofPropp’swork)indicatesa commentary onthis key text of Russian formalism, whose translation in France was making the rounds decades after thefact,butofwhichthetheoriesespousedwerequite popular,inspiringcommentariesandcritiquesby structuralistphilosopherssuchasClaudeLévi-Straussas wellassemiologicalstudies,suchasthosebyClaude Brémond.IntheoriginalRussiantext,Proppdefinesa specific type of Russian folktale that was primarily an oral form,whichwasthentranslatedintoFrenchas“conte merveilleux,” described in the following language:Laconstancedelastructuredescontes merveilleuxpermetd’endonnerune définitionhypothétique,quel’onpeut formulerdelafaçonsuivante:leconte merveilleux est un récit construit selon la successionrégulièredesfonctionscitées dansleursdifférentesformes,avec absence de certaines d’entre elles dans tel récit,etrépétitionsdecertainesdanstel autre (122).
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WhilePropp’sworkseemsscientific,thesequenceshe describesdonotimplyasstrictanorderasanalgorithm requires.Hedivideshis31functionsintothreemain groups:apreparatorysequence(functions1-7);afirst sequenceofactions(functions8-18);andasecond sequence (functions 19-31). While Propp insists that these 31functionsalwaysfollowthesameorder,allofthemdo not necessarily appear inany individual tale.Whilenotthefirstexampleofinteractivefiction (indeed,thisisDorisWebster’s1930Considerthe Consequences),5Queneau’sUnconteàvotrefaçonisone oftheearliestexamplesofthechoose-your-own-adventure story genre, and the first that can be representedas a literal flowchart.6 It therefore has wide reaching implications for both the composition and analysis of other arborescentnarratives.Italsoholdsaprivilegedposition withinOulipo’scorpus,as it wasone ofthe fewtexts that were not only inspired by computers, but also programmed oncomputers inanexperiment withthe CentrePompidou in the 1970’s.TutorialQueneau’s algorithmic tale plays with Propp’s basic idea that stories can be broken down into their constituent
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parts,asthetexttakestheformofanumberedlistof potentialelements.Beyondtheuseofthewordcontein the title,àvotrefaçon,refers to a potential reader, who can composethisstoryasheorsheseesfit.However, Queneau’staleisstructurallyverydifferentfromPropp’s study,in that its sequence of possible paths creates aliteral algorithm, defining a strict series of events from which any deviation on the part of the reader is impossible.Thereaderof Queneau’s tale, who must choose from thepre-fabricatedelementsprovidedbytheauthor, requires training, especially when you consider any reader in1967wouldnothavebeenfamiliarwiththegenre. Queneauprovidesasortofimplicittraininginthefirst threechoices,which Iconsiderakindof tutorial.Initially he gives the reader a choice between the story of three little peas,threebigskinnybeanpoles,orthreeaverage mediocrebushes,anyofwhichcanostensiblybereadby means of a step-by-step procedure, aliteral algorithm:1-Désirez-vous connaître l’histoire des trois alertes petits pois ?Si oui, passez à4. Si non, passez à 2.2-Préférez-vous celle des trois minces grands échalas ?
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Si oui, passez à 16. Si non, passez à 3.3-Préférez-vous celle des trois moyens médiocres arbustes ?Si oui, passez à 17. Si non, passez à 21.7Aswithalgorithms,thechoicesinQueneau’stextareall binaryoppositions,providingmutuallyexclusive alternativessoasnottobecontradictory.Inotherwords, eitherthereaderchoosestoreadthetaleofthethreepeas ordoesnot.Shouldthereaderprefernottoreadthisfirst option, opting instead for the beanpoles or the bushes, they will find that the two alternatives offer meager results:16-Trois grands échalas les regardaient faire.Si les trois grands échalas vous déplaisent, passez à 21.S’ils vous conviennent, passez à18. 17-Trois moyens médiocres arbustes les regardaient faire.Si les trois moyens médiocres arbustes vous déplaisent,passez à 21.S’ils vous conviennent, passez à18.
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Grammaticallyspeaking,thesefalsepathsarecleverly constructed—byusingthepluraldirectobject“les,” Queneau allows the node tohave indefiniteantecedents of anytypeorgender.Shouldthereaderarriveatthisnode afterfollowingamorecompletepaththroughthe algorithm, he or she will realize that “les” refers tothe little peas.However, arriving at this node immediately after the incipitcreatesaninsurmountableinterpretivechallenge forthereader:eitherthebeanpolesorbusheswatchthem doit.Whoaretheywatchingandwhataretheydoing? Thesequestionscanonlybeansweredbypathsthestory didnottake. Alternatively,shouldthereaderrefuseall threeinitialoptions,theprogramterminatesafteronly threenodeswiththeproblematicstatement:“21-Dansce cas, le conte est également terminé.” To what, inthis case, couldthe“également”refer?Inordertofindout,the readermustforsakethelogicoftheflowchartandlookat the precedingchoice 20: “Il n’y apas de suite,le conte est terminé”(273-4).Byreferringtootherchoiceswithin individualnodesthatareunconnectedinanyscenario(it isimpossibletohaveboth20and21ifonefollowsthe algorithm),Queneauusesatraditional,linearmodeof readingtodisrupthisalgorithmicstructure.Furthermore, these preliminary disruptions indicate to the reader that
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thereisonlyone“real”storytoread,andthatthereader mustcooperateifheorshedoesnotwishtoarriveat unsatisfying dead ends and contradictory conclusions.Thistutorialdemonstratesveryeffectivelytothe readerthatheorshe(they)needstocooperatewiththe authorin order to read this story, regardless of the fact that thereaderostensiblyhasachoice.Indeed,thereadercan finishthetutorialandthestoryitselfwithonlythree choicesifheorsherefusestocomplywiththeauthorin choosing the story that Queneau clearly wants to tell.FlowchartQueneaumadethealgorithmicnatureofthistext explicit inan introductory note: “Ce texte…s’inspire de la présentation des instructions destinées aux ordinateurs ou bienencoredel’enseignementprogrammé.C’estune structureanalogueàlalittérature«enarbre»proposée parF.LeLionnaisàla79eréunion”(273).Computers depend on algorithms: alogical division of a problem into its constituent parts and reduced to binary choices that are alsomutuallyexclusive.Initsmosttrivialform,an algorithmisjustalinearsequenceofactions,butmore complexproblemsrequiretheconditionalfuture.In computer science, a conditional statement depends upon
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anif/thenconstruct:shouldtheconditionfollowingthe “if”(whichmustbeBoolean,meaningitiseithertrueor false)hold,theactionfollowingthe“then”isexecuted; otherwise,theprogramsearchesforanotherbranch (generallydesignatedas“else”).Bywayofconditional statements,analgorithmincreasesincomplexityfroma simplesequenceofstepstoadiagramwithiterations knownasaflowchart,whereeachnode(stepinthe procedure)hastwobinary,mutuallyexclusivepaths,or edges(thealternatives). AsRyanexplains,“Theformal characteristicofanarborescentgraphisthatitallowsno circuits. Once a branch has been taken, there isno possible returntothedecisionpoint,andthereisonlyonewayto reach agiven terminal node” (687).8Thestudyoftheseandothergraphsbelongstothe mathematicalsubfieldofgraphtheory,whichhasnotable intersections with theOulipo.Indeed, one ofthe founding membersofthegroup,mathematicianClaudeBerge, greatlycontributedtothisfieldlaterinhiscareerand seems to have inspired aparallel interest for graphs among members of the Oulipo, including Raymond Queneau.9IfQueneauchosetowritecommandsforthereader inanalgorithmicformborrowedfromcomputer programming, then the resulting bifurcations in the text
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complicate Queneau’sgraphical representation of the tale, first published in La Littérature Potentielle inan article by Claude Berge.10
[FIGURE1]ClaudeBerge’sgraphicalrepresentationof RaymondQueneau’sUnconteàvotrefaçon,takenfrom La Littérature Potentielle.AccordingtoBerge,thisgraphrepresents“…une imbrication de circuits, chemins convergeants, etc…, dont onpourrait analyser les propriétés en termes de la Théorie desGraphes…”(277).Asoneoftheforemostleading expertsingraphtheory,Bergeknewquitewellthatthis graph could be depicted inanumber of ways. Given that a
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graphissimplyacombinationofnodesandedges,there are many equivalent layouts of this flowchart, for instance, thefollowingonecreatedbyanotherOulipianandfellow mathematician, Michèle Audin.
[FIGURE 2]Michèle Audin’s graphical representation of Raymond Queneau’s Un conte à votre façon.11WhileAudin’sgraphisveryeconomicalinitslayout, Berge’sgraphisexceptionalforseveralreasons.First, Propp’s study provides the foundation for understanding
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thecontegenreascombinatorialrearrangementsofbasic elementsthatalwaysfollowabasicsequence. Thespatial aspectofQueneau’sgraphthereforedistinguisheswhat QueneauisdoingfromPropp’sstyleofthinkingabout narrativestructurebyemphasizingastrictorder.Second, thelayoutofQueneau’sgraphisaestheticallyrich. Berge’sgraphvisualizesaliteralframe,composedofthe firstthreeoptionsontheleftedge(1,2,and3,thechoice betweenthepeas,beanpoles,andshrubs),justas“once uponatime”mightbeginanordinaryconteatthetopleft corner of the first page. Choices 4and 9onthe top edge of theframerepresentaninitialdescriptionofthepeas(the readerhas two optionshere),and choice 21atthe bottom, rightcornerisoneofthetwoendings,theonecontaining “également.”Itisvisiblefromthegraphthatthisending alwaysresultsfromacaseofuncooperativenessonthe partof the reader. As long as the reader in the final options (17, 18, 19) chooses to read “la suite,”he or she will arrive at the “proper” ending node, number 20 (which is literally withintheframeofthestoryinbothBerge’sand Audin’s graphs).Once again, mathematically speaking, any graph with thesesamenodesandedgesisequivalenttoBerge’s. However, this initial graphical representation of Un conte
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àvotrefaçonisconstructedtomirrorthestoryitself:one canremainontheedges,musingoverinconsequential detailsandeventuallyfinishingwithoutreadingaboutthe threelittlepeas;oronecanfollowthepathQueneauhas setout,providingafewbifurcations,butultimately resultinginthesamestoryandending.Theflowchart makesclearthatthechoicepromisedtothereaderinthe title isan illusion, as Queneau maintains full control of the text through thestructurehecreated.In thisnascentgenre ofarborescentliterature,wecanseethatbothofthese flowchartsprovide—butespeciallyBerge’s,whichwas published thesame year in the same volume as Queneau’s taleandisthereforeacriticalintertextthatwaslikely intendedtoguidethereader—anadditionalanalytical mechanism by which to understand the reader’s choice.Choice MechanismAswehaveseen,Queneau’sUnconteàvotrefaçon consists of an algorithmic set of binary choices written out onthepage,withthreeintroductorynodesthatserveasa tutorialforthereader.Furthermore,theexplicitnessof thesechoices and the multiple bifurcating options leads to thepossibilityofrepresentingthisstorygraphicallyasa flowchart. Theoretically speaking, Queneau is playing
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withbothoneofRussianformalism’scanonicaltexts, VladimirPropp’sMorphologieduconteaswellaswith thebasicfunctioningofcomputers.However,thetaleis relativelymeagerandthenarrativeoftencontradictsthe logicofthebinarychoicesprovidedshouldonefaithfully follow the procedure.Aswe saw with the tutorial, Queneau presents part of thestoryinthenodewhichgiveswaytotwoedges,or choices. The reader exercises his or her choice through this choicemechanism,readingthepromptprovidedbythe author and determining which option seems more enticing. However,whenwelookatthefirst“real”choicethe reader makes (following the tutorialaddressed above), we canseethatthechoicehereonlyconcernsthedescription of the protagonists, rather than any plot element:4-Ilyavaitunefoistroispetitspoisvêtus devertquidormaientgentimentdansleur cosse.Leurvisagebienrondrespiraitpar lestrousdeleursnarinesetl’onentendait leur ronflement doux et harmonieux.
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Si vous préférez une autre description, passez à9.Sicelle-ci vous convient, passez à5 (273-4).Fromwhatthereaderlearnedduringthetutorial,wesee immediatelythatchoosingadifferentdescriptionisnot necessarily the right option, as it is not the next number in alinearsequence.Oncechosen,thereaderisconfronted with anew description and yet another choice, which here leadseitherbacktotheoriginalchoicenº5tocontinue Queneau’sstoryortotheinfamousfalseending,choice 21:9-Ilyavaitunefoistroispetitspoisqui roulaient leur bosse sur les grands chemins. Lesoirvenu,fatiguésetlas,ils s’endormirent très rapidement.Si vous désirez connaîtrelasuite, passez à 5.Si non, passez à21 (273-4).Giventhelessonslearnedfromthetutorialandthe flowchart,thischoicemechanismistherefore unsurprisingly underwhelming. Throughout the text, the
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reader is constantly reminded of the superficiality of his or herchoice.Thefirstfewchoicesofferedtothereader determine mere descriptive aspects of the story — whether the peasdream,what color gloves they wear, and whether theyrollaroundonahighwaybeforeturninginforthe night.ForHélèneCampaignolle-Catel,thisindicatesthe extent to which Queneau is respecting Russian formalism: “LeConteàvotrefaçonobéiticiàlalogiquedécritepar Cl.Brémondàproposduconterusse:lesalternatives proposées, les déviations possibles sont des leurres…”.12I wouldargue,however,thatQueneauisnotrespecting Russianformalism,butratherplayingwiththese principles.Inatraditionalconte,proposedalternatives maybedecoys,butthereisstillanoverarchingnarrative that forces the reader toimagine alternatives. The majority ofQueneau’salternativesareofferedtothereaderinan efforttodenyhimorhertheautonomypromisedbythe title:boththepointlessalternativesandtheunsatisfying dead ends indicate that there isonly one story to read.Inonecase,forinstance,thetext’splayfulness surrounding alternatives creates an interpretative glitch. In node5,thenarratordescribesthepeasintheirslumber: “Ilsnerêvaientpas.Cespetitsêtreseneffetnerêvent jamais.” Queneau then gives the readera choice: either the
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reader would prefer that the peas dream, ornot. Should the readerchoosethelatter,heorshehastoreadan explanationandinterpretationofthedreamanyway.In thisscenario,areadercouldreadthesentence“Ilsne rêvaientpas”andthestoryofthedreamtheywerehaving inthe samestory. Thiscontradictory narrative, as with the “lesregardaientfaire”nodeisanimpedimentto interpretation,ratherthana“glitch”inthestrictsenseof theword(thealgorithmfunctionsasexpected,regardless ofthecontinuityofthestory).Withinthisstoryofthe dream,onenodeevenencouragesthereadertoleavethe storyandlookupawordinordertounderstandwhythe peas awaken so frightened:11-Ilsrêvaientqu’ilsallaientchercherleur soupeàlacantinepopulaireetqu’en ouvrantleurgamelle,ilsdécouvraientque c’étaitdelasouped’ers.D’horreur,ils s’éveillent.Sivousvoulezsavoirpourquoiils s’éveillentd’horreur,consulterle Larousseaumot«ers»etn’en parlons plus.
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Si vous jugez inutile d’approfondir la question, passez à 12 (275).Irrespectiveofthepaththereadertakes,thereisonlyone “real”story.Thereareeventwochoicesthatarenoteven choicesatall:node13asksthereaderifheorshewishes toknow how long one brother has been analyzing dreams, andthealternativeoptionis“sinon,passezà14toutde même, car vous nelesaurez pas plus.”The following node promisestheanalysisofthedream,butthealternative propositionaffirms:“sinon,passezégalementà15,car vous ne verrez rien.”Inshort,thisconteisnotatallànotrefaçon.The readermustreadacertainsubsectionofthestoryas Queneauwroteitandinrealityhasverylittlefreedom comparedtowhatwaspromisedinthetitle. Campaignolle-Catelnotes:“Letextefaçonnéporteainsi lestracesd’uneconfectiondéfectueuseoùleschemins s’appellentlesunslesautresdansunecacophonie plaisante.L’ensembledeschoixoffertsparlastructure du Contefigureunearborescenceautantlacunaireque parodique.”11WhileitlacksanyandallofPropp’s functions,Queneau’stexthasbeenreducedtoitsbare elements and presented in a way that implies a certain
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freedom but does not deliver. The true pleasurein this text comes from the realization that the system, while possible toprogramonacomputer,isfundamentallyincompatible with such a design.Detroit: Become HumanYearsafterQueneau’sfirstattemptatarborescent literature,wenowhaveexamplesofthisgenreacross media. Arguably,themostcomplexcanbe found invideo games,andmorespecifically,thoseproducedbythe French studio, Quantic Dream. Founded byDavid Cage in 1997andbasedinParisandMontréal,thisinnovative video game developer specializes inAAA games that push theboundariesofarborescentnarratives,suchas: Fahrenheit- Indigo Prophecy(2005), Heavy Rain(2010), Beyond:TwoSouls(2013)andfinallyDetroit:Become Human(2018).Specificallynarrativizingchoice,they describetheirscriptwritinginthefollowingterms:“Nous aimonsraconterdeshistoiresdontlesjoueurssontles héros, les surprendre, les interroger sur leurs sentiments et leursvaleurs,lesconfronterauxconséquencesdeleurs choix.”13Detroit: Become Human14is certainly the most complex of all, telling an epic story of afuturistic Detroit
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inwhichandroidsgainconsciousnessandrebelagainst theirhumanmakers.Theplayerexperiencesthisstoryby playingasthreeseparateandroids:Connor,apolice androidwhoisinvestigatingtheandroidsthathave deviated from their program; Kara,a housekeeper android who,inattemptingtoprotectthedaughterofherabusive owner,becomesadeviantandaimstoescapetoCanada withthelittlegirl;andMarkus,acaretakerandroidwho gainsconsciousnessfollowingthedeathofhisownerand leadstherebellion.Alternatingbetweenthesethree characters,thegameplaypresentstheplayerwithchoices that manifest indifferent forms (quicktime events, buttons topress,placestogo,etc.)andrightfromthetutorial,the importanceofthesechoicescannotbeoverstated.Indeed, justlikeQueneau’sUnconteàvotrefaçon,each individuallevelofDetroitcanbedepictedasaflowchart withmultipleforkingoptions,thoughunlikeQueneau’s twodifferentendings,everylevelinDetroitcanendin multipleways,leadingto85possibleendingstothe overallplot.Theseflowchartsarenotsimplyparatextual, asQueneau’s, butan integral part of the gameplay. Indeed, theflowchartscanbeconsultedduringeachlevelandas theplayerplaysandreplayseachlevel,thedifferent options become visible.
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Throughitstutorial(whichfirstintroducesthe importanceofchoicetothegameplay),itsinteractiveand comprehensiveflowcharts,andmultiple-choice mechanisms,Detroitbreakstheboundariesofwhatwas possibleinarborescentfiction.WhileQueneauquickly realizedthathisfinitetalecouldneverprovideaproper choiceforthereader,histextultimatelyworkedto convincethereaderofhisorherlackofoptions;Detroit, however,managestoconvinceitsplayerthatchoices matterandthatcertaindecisionscanindeedchangethe outcome of the plot. While everything inboth examples is prefabricatedinadvancebyanauthor,Detroitis innovativeinthewayitprovidestheplayerwiththis feeling of freedom within the mathematical confines of the algorithmic constraint.TutorialThetutorialofDetroit:BecomeHumanbeginswith acut scene that can be interpreted on ametaphorical level. Duringalongelevatorride,acharacterflipsacoinso skillfully that the player quickly realizes that he cannot be human.Attheendofthissequence,thisandroidcatches thequarterbetweentwofingersinaninhumandisplayof motor skills, with the word “LIBERTY” clearly visible.
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[FIGURE 3] Screenshot of the first cut scene in Detroit:Become Human.Of course, the symbolic importance of an android flipping acoin and the ironic use of the word “liberty” isclear: this characterturnsouttobeoneofthethreeavatars,Connor, andthroughmanipulatinghim,thehumanplayermust make choices that will determine events in the storyline.
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Inthistutorial,theplayerbecomesacquaintedwith thechoicemechanismsthatIwilldiscussbelowallinthe contextofapoliceinvestigation.Uponarrivingatthe scene, Connor learns that an android has deviated from hisprogrammingandisholdingalittlegirlhostage.Witha limitedamountoftime,theplayermustcollect informationaboutthecasebyexaminingthescene, speakingwiththosepresent,andeventuallyconfrontthe deviant.Thistutorialteachestheplayerhowtointeract withthegame’senvironment,whichisthemain mechanism for making choices inthe game. AsMcKenzie WarkexplainsinGamerTheory,“Gamespaceturns descriptionsintodatabase,andstorylineintonavigation” (50).15Detroitisnoexception,astheplayermustlearnto seekoutinformationfromthe environment, which is then analyzedbytheandroidcharacters.Inthissense, navigationandexplorationdeterminethestorylineanda playerwhointeractswithmoreoftheenvironmentwill inevitably have a richer experience.
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[FIGURE4]Screenshotfromthefirstlevel(tutorial)of Detroit:BecomeHuman,inwhichtheplayerlearnsto interact with the gaming environment.Withinthisintroduction,theplayerisalso introducedtotheconsequencesofpoorchoices.For instance,upondiscoveringcertainkeycluesorfindingan itemthatcanbeusedinacriticalmomentlaterinthe episode,theprobabilityofsuccessforthemissionappear on the screen (see Figure 5below) and can either beraised orlowereddependingonthechoicetheplayermade.In myplaythroughofthisepisode,forinstance,Imadean earlychoicethatimmediatelyloweredthechanceof success. This prompted me to play more conservatively
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throughout the rest of the level so I could save the little girl from the deviant android.Often, these dialogues or actions that the player can unlockposeethicalquestionsforthegameplay.Inthis tutorial,theplayercanlearntheandroid’snameandthen choosetouseitwhenconfrontinghimattheendofthe episode.ThiscreatestrustbetweenConnorandthe perpetrator,allowingConnortogetclosertohimandthe girl. Another option presents itself when Connor finds one ofthevictim’sgunsandhasthechoicetotakeitorleave it. If he takes it, he can use it at the end of the level to shoot thedeviantandroid,savingthegirl.Ethicallyspeaking, thisraisesalotofquestions,becausethecharacteris himself an android.WhenIplayedthrough,Ibothusedthedeviant’s name to establish arapport and then shot him with the gun, perhapsstillnervousaboutmyprobabilityofsuccess.I certainlydidnotwanttowatchthelittlegirlfalltoher deathfromthetopoftheskyscraper.Theplayermust wonder, as Idid, is there away to complete this level in an ethicalway?Playingasanandroidmademe uncomfortable with the thought ofmaking another android —evenadeviantone—falsepromisesandthen ultimately murdering him.
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[FIGURE5]Screenshotfromthefirstlevel(tutorial)of Detroit:BecomeHuman,inwhichtheplayerraiseshis chances of asuccessful mission through his or her choices.Thankfully,attheendofthisfirstlevel,theplayeris confrontedwithhisorherownchoicesaswellasthe variouspathsheorshedidnottakeintheformofa flowchart.Thecomputerreadsthroughtheflowchart, highlightingtheplayer’schoicesthroughoutthe completed episode, moving from left toright as in a book. These flowcharts are the next object of study for us, as they
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demonstrate the sheer magnitude of options within this video game.FlowchartDetroit: BecomeHumandistinguishes itself inmany waysfromitscompetitorsintherealmofarborescent narratives,butparticularlythroughitsuseofflowcharts. AccordingtoDavidCagehimself,theuseofthese flowcharts—whilecomplicatedtoimplement—allows the players tounderstand the impact of their choices:Nousavonségalementdécidéde représenterl’arborescencedechoix possibleàlafindechaquescène.Au début,j’étaisvraimentréticentàl’idée d’implémentercettefonctionnalité,mais nousavonsconstatéquecechoixétait incroyablementpopulairechezles joueurscarlaplupartavaientapprécié leur façon de jouer une scène et pensaient avoir fait les meilleurs choix possibles. Et puis,ilsvoientl’arborescenceetse rendent compte de toutes les
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ramificationsqu’ilsn’ontpaspu explorer,cequileurdonneenviede rejouerchaquescèneafindevoirchaque branche.Pourmoi,undessecrets[pour proposerdeschoixintéressantsau joueur]estdes’assurerquecederniera consciencedesmomentsoùileffectue deschoixetdelaprofondeurqueses décisions impliquent (198-9).Indeed,ifwereturntothetutorial,thepresentationofthe flowchart(seeFigure6below)uponcompletiondoes indeedenticetheplayertoreplaythelevel.Readingthe flowchartfromlefttorightasintended,theplayer’s choicesarehighlighted. Ataroundthe25%mark,wesee thatthesquareofoptionsarethedifferentcluesthatthe playercouldhavediscoveredwhenexploringthecrime scene.Certainchoices,suchaskeepingthegun,are presentedwithalockicon,indicatingthatmakingsucha decision unlocks new options later in the level.
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[FIGURE 6] Screenshot of the flowchart for the first chapter of Detroit: Become Human.
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Perhapsthemostcompellingpartofthisflowchartisthe factthattherearesixpossibleendingstothislevelalone, some of which result inConor’s death or inhis failing this firstcrucialmission.Bearinmindthat,uponafirst completionofthislevel,onlythechoicesandending resultingfromthisinitialplaythroughwouldbevisible, but the form of the flowchart would still indicate that there areotherendingstodiscover.Assuch,thisgameisany perfectionist’s nightmare— itismore than enticing to replayeverylevelinordertocompletetheflowchart. Furthermore, the more one advances through the game, the cleareritbecomesthattheendingsoneachievesin individuallevelsthenchangesthesubsequentlevels, makingtheoverallstoryfeelalmostlimitlessintermsof playable hours.Anotherinterestingfeatureoftheseflowchartsis thatitispossibletoconsulttheglobalstatisticsregarding choicesandoutcomesifyourPlayStation4isconnected totheInternet(thisalsosharesyourdata).These percentagesoneachoptionarecompellingforanyplayer whoisconcernedaboutthequalityofhisorherown choices and allow such a player to comparehisor her own narrative choices with those of other players.
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WhileQueneau’sflowchartservedtodemonstrate thelimitsofhisstory(regardlessofwhetheritwas representedbyBergeorbyAudin),theflowchartsfor Detroitdemonstrateatendencytowardsexhaustivityas they are constructed in part bythe player, who gains access tothem little bylittle through multiple replays. While they arelessaestheticthanthosewesawforQueneau,read simplyfromlefttoright,thecomplexityismuchmore advanced.Indeed,theflowchartsdemonstratethatthe entirestoryispredeterminedbythedeveloper,butalso indicatetheconsiderableamountoffreedomthatthe playerhasinchoosinghisorherownadventure.Indeed, thereader’s/player’sfreedominanarborescentnarrative —precisely due tothe fact that it can be portrayed as a flowchart —can be calculated using combinatorics and the probability of any given path through the narrative can equally be determined mathematically.Choice MechanismMore interesting perhaps than the multiple storylines presentedintheflowchartsarethemechanismsbywhich thisgameoperates,eachdemonstratingtheimportanceof choice. The gameplay is often self-paced, allowing the
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playertoliterallyfreezetimeandexaminehisorher choices,whichareaccessibleviaa“choicescan”screen thatmimicsacomputer’sabilitytovisualizemultiple optionsatonce.AsyoucanseeinFigure7below,this screenshowsyourobjectivesandinteractions,butalso indicates where you should head tolearn more. As you can see from the screenshot, there is acharacterhighlighted in yellow in anotherroom. This is how the playerknows that Connor should investigate further on.Thischoicescreenisenticingfortheperfectionist playerandalsometaphoricallyrichgiventhethematic material of the game. Indeed, the player isplaying asthree separateandroidswho,unlikehumans,havetheabilityto interact with the bifurcating choices in adifferent way than humans.Whileahumancharacterwouldfindhimor herself(themselves)trappedwithinaflowchart,only beingabletounderstandthestoryfromalimited perspective,androidsarecomputersandcanperform calculationsinstantaneously.Thisiswhymuchofthe actionsinthegame requireslowingdown, analyzing, and contemplatingvariousoptions.Indeed,thegameplay furtherthematizesthechoicemechanism,convincingthe playerevenfurtherofhisorherprivilegedpositionand especially of the importance of his or her decisions.
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[FIGURE 7] Screenshot of the choice scan screen during the first chapter of Detroit: Become Human.Inadditiontothisscanningoptionthatcanbe accessed at almost any point, moretimely standard choice optionsoccurintheformofabuttontopressorby physicallydisplacingthecharacter,andcertainQuick TimeEvents(QTE).ReferringagaintoFigure5,the standardchoiceoptionsareoftenaccompaniedbya changeintheprobabilityofsuccess,which,unlikethe time-freezingmechanism,addsasenseofurgencytothe gameplay.
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Whiletheplayerhassufficienttimetomakethese choices,understandingtheirimmediateimpactonthe player’schancestosucceedcanbequitenerve-racking, eveninagamethatallowstheplayertoreplayeach episode an unlimited number of times. The QTEs are even morestressful,astheyoccuratpivotalmomentsand, unlikeeveryotherchoicemechanismpresentedinthe game,donotallowtheplayersufficienttimetoevaluate the options available. Aprime example of this mechanism occurs inasubsequent chapter, one of the critical moments inwhichacharacterhastheoptiontobreakfreeofher programming,namelywhenthehousekeepingandroid, Kara,isconfrontedwithanunethicalorderfromher master,Todd.WhenTodd’scharacterbecomesunhinged duringdinnerandscareshisdaughter, Alice,heorders Kara not tomove and begins to lose his patience while his daughter has run upstairs to hide. In front of her, Kara sees a literal wall beyond which she cannot move.Ethicallyspeaking,itisclearthatthissituationwill not end well should Kara follow Todd’s order not to move. However,thecharacterisanandroidandthereforenot necessarilyconfinedtoourhumannotionofethics.Since Kara is controlled by a human player, however, it is this
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playerwhomustdecidetogoagainstanexplicitorder,an oddrequestinavideogamethathasupuntilthispoint offeredexplicitinstructionstohelptheplayerineach episode.ShouldtheplayerchoosetoignoreTodd’s command, Karacan approach this virtual wall and literally breakthroughitusingQTEs(seeFigure8below).This crucialmomentwhentheplayerchoosestocorruptthe character’sprogrammingisportrayedasaliteralglitch. UnlikeQueneau’sglitchinwhichthe narrativecreated by thereadermightnotbelogicallyconsistent,thisvisual glitchmorphstheworldfromthepointofviewofthe character,whowatchesherselfliterallybreakthroughthe interdiction(whichbecomesjumbledandmisspelledthe morethefigurativeglassbreaks).Oncefreefromher programming and thereby adeviant, Kara must go upstairs toprotectAlice.Ifunlockedinapreviouslevel,shecan grabaguntodefendherselfandthechildandthrougha seriesofintenseQTEs,shecankill Toddandescapewith Alice.
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[FIGURE 8]Screenshot of the choice scan screen during the first chapter of Detroit: Become Human.In the case that a player does not wish to behave ethically, heorshewitnessesasadscene:Toddgoesupstairsand kills Alice,thenblamesKaraandkillsheraswell.Inthis scenario,theplayerlosesthecharacterofKaraentirely and continues the game alternating only between Markus’s andConnor’sstorylines.AsWarkadmitsinGamer Theory, “Gamers are not always good Gods” (26).The fact that the choice mechanisms themselves raise ethicalquestionsisthematicallylinkedtothestorybeing told. Indeed, the androids who become deviants are
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human-likeandwishtobefreeafterhavingbrokentheir programming.Liketheplayer,theyhavehopesand dreamsandobjectivesoftheirown.Forinstance,after breakingthroughherprogramming,Karaliterallysees before her the words “Protect Alice” (and can additionally turnaroundtotryto“ReasonwithTodd”).Playingas theseandroidsallowstheplayertoempathizewiththem andinacriticalmomentlaterinthegame,heorsheeven hastheoptiontoconvertConnorintoadeviantandhave himjointherebellion.UnlikeQueneau’stalewhich thematizedalack offreedomdespiteall indicationstothe contrary,Detroit:BecomeHumanallowstheplayerto consider the freedom that he or she still has within a highly regulatedstorythatstillonlyhasafinitenumberof outcomes.ConclusionWhile it might seem irrelevant tocompare one of the earliestexamplesofarborescentliteraturetoafarmore advancedonethatowestodecadesofimprovementsin computingtechnology,Ibelievethesetwointeractive scenariosareinacriticaldialoguewithoneanother. Indeed,thosewhowritearborescentliteraturetodaystill reference Queneau, as evidenced by Écrire un scénario
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interactif,whichjuxtaposesOulipo’spurposewith exclusiveinterviews with David Cage. As the authors state regardingOulipo,“Or,qu’est-cequel’Oulipo,sinonun jeulittéraire?Etquiditjeuditrègles,voire mathématisation desdites règles. Le jeu vidéo n’est niplus nimoinsqu’ununivers,unjeu,produitpardesoutils informatiques de plus en plus performants.”Indeed,Oulipiangamesandvideogameshave muchincommon,specificallythepedagogicalintentas well as the interplay between humanities and mathematics. Inthatsense,whattrulyseparatesQueneau’stextfrom Detroitisnotnecessarilyalackofordifferentvision,but ratherafrustration with the medium. At the time Queneau wroteUnconteàvotrefaçon,workingwithcomputers broughtoneintomuchclosercontactwithprogramming languagesandwasfarmorerudimentarythantoday’sIT. Assuch,Queneau’stextreflectsatimelyfrustrationwith thelimitationsofthecomputersofhistimeforliterary production.Consequently,hechosetothematizethislack ofchoice,creatingathoroughlyironictextthatis neverthelessapioneeringexampleofthegenreof arborescentliterature.Onahigherlevel,Queneau’swork canbereadasaphilosophicaldemonstrationofalackof free will, at least in the “conte” genre, in which the goal is
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toteach the reader amoral through what Propp’s work suggests is a finite collection of pre-determined functions. Detroit, on the other hand, does not suffer from such limitations. With the big budget of a studio specializing in AAAgames and the advancements in computing power since the 1960s, David Cage is abletowrite his arborescent script insuch away as to overwhelm the player with amultitude of choices, precisely due to the new medium and the interactive choice mechanisms it allows, following Wark’s reflection: “The digital produces not just new kinds of media but a whole new topos, in which the role and rule of the line is reversed. One no longer follows aline tofind where it divides; one divides with a line to make adistinction. Storyline becomes gamespace” (70). Wark’s reflection on the digital is doubly true for arborescent narratives, as the divisions in the lines doindeed turn storyline into agamespace in which the reader or player must makeadecision toadvance.JudgingfrombothUnconteàvotrefaçonand Detroit:BecomeHuman,bothQueneauandCage recognizetheinherentparadoxofarborescentliterature: namely that, for agenre that posits achoice,itis the author who has the freedom of choice, whereas the reader/player
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infacthasratherasimulacrumofchoice,confinedbythe predeterminedchoicesoftheauthor.SinceQueneau’s shorttext(andcomputersofthe1960’singeneral)could notpossiblyconvincethereaderthathisorherchoices matter,itemployseveryrhetoricalstrategytotauntthe readerwiththislackofnarrativepower.ForCage,who has afar more robust algorithmic structure behind him, he preferstodemonstratetheweightoftheplayer’schoices, regardlessofthefactthatallthepossiblenarrativeswere predetermined inadvance.
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NOTES1Whilemanyresearchershavedifferentnamesforthis genre,thecentralideacanbesummedupasMarie-Laure Ryandeftlyputitatthestartofherarticle:“Thecentral ideaofInteractiveDramaistoabolishthedifference betweenauthor,spectator,authorandcharacter”677.See Ryan,Marie-Laure.“InteractiveDrama:Narrativityina Highly Interactive Environment.”Modern Fiction Studies, (43: 3, 1997) 677–707.2Lavigne,Carlen.“PressingXtoJason:Narrative, Gender,andChoiceinHeavyRain.”StudiesinPopular Culture, (41 :1, 2018) 15–36.3Bens, Jacques. Genèse de l’Oulipo 1960-1963. Le Castor Astral, 2005.4Propp, Vladimir. Morphologie duconte. Éditions du Seuil, 1965.5Webster, Doris, Hopkins, Mary Alden. Consider the Consequences !, The Century Company, 1930.6Lacombe, Pierre, et al. Écrire Un Scénario Interactif. Éditions Eyrolles, 2019.7Queneau, Raymond. “Un conte àvotre façon.” La littérature potentielle, Oulipo, Gallimard, 1973, 273–76.
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8Ryan,Marie-Laure.“InteractiveDrama:NarrativityinaHighly Interactive Environment.”Modern Fiction Studies, (43: 3) 1997, 677–707.9Toft,Bjarne.“ClaudeBerge—SculptorofGraph Theory.”GraphTheoryinParis:Proceedingsofa ConferenceinMemoryofClaudeBerge,editedbyA. Bondy et al., Birkhäuser, 2007, 1–9.10Berge,Claude.“Pouruneanalysepotentielledela littératurecombinatoire.”Lalittératurepotentielle, Éditions Gallimard, 1973, 43–57.11Audin, Michèle. Images Des Mathématiques. http://images.math.cnrs.fr/L-Oulipo-a-cinquante-ans-812?id_forum=3160&lang=fr. Accessed 12 Dec. 2022.12Campaignolle-Catel,Hélène.“UnConteàvotrefaçon deQueneau :délinquanceouinsignifiance ?”Revue d’histoire littéraire de la France, vol. 106, 2006, 133–156.13Nos Valeurs |Site Officiel |Quantic Dream. https://www.quanticdream.com/fr/nos-valeurs. Accessed17Dec. 2022.14Detroit: Become Human. Quantic Dream, 2018.15Wark, McKenzie. Gamer Theory:Harvard University Press, 2007.
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Vousmeferezunbonarticlesur l’ensemble,uneespècedeconclusion philosophique,genrefrançais.Shallwesay tenpages (4,500 words)? And can you let me havethecopyverysoon?Say,withinten days ?Jeluiairiaunez,aussisûrqu’on peutl’êtrequandonn’aniledésir,niles moyens,nil’obligationdefairequelque chose,qu’onne la fera pas.Enconséquence,àpeinerentréà Paris,jemesuismisàl’ouvrage,c’est-à-dire à réfléchir.Paul Valéry,Regards sur le monde actuel (Paris, Gallimard, 1945), 94.
PrologueTouteinstructionreligieuseconséquenteimpose l’acquisition d’un catéchisme diversifié, intensif et étendu. Outre l’étude édifiante et exemplaire de la vie des héros,
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saintsetmartyrs, dont le destin exemplaire sert àmodeler la vie sociale, mondaine et quotidienne des catéchumènes, nombreusessontlesheuresconsacréesàl’acquisitiondes principesetmoyensessentielsàlasurviedelafoi,ainsi qu’à la révélation énigmatique et surnaturelle des mystères et des miracles. Chacun yapprend la différence essentielle entreleproposlittéraletsoncontrepointfiguratifet malheuràceuxquiyperdentleurlatinetnes'entiennent qu’àunelectureterreàterreincapabled’échapperàla pesanteurduréeletàlabanalitéprofaneduquotidien. Introduit par les maitres de la parole àces discours révérés ilfautsavoirs’essorerbienhautetvoltigeravecles syzygies les plus agiles et les plus prestes afin de participer àlatransed’unsavoiravantageux.Cen’estqu’auprixde cet apprentissage progressif et étendu qu’enfin l’initié peut avoiraccèsauxcommandementssacrésducanonet exprimer sa confession de foi :le crédo (creed) des fidèles. Cedernierstadedel’apprentissageliturgiqueconduitàl’acceptationdesmystèresdela foi,cesavoir sacrérévélé devient«jecroisencettevérité»,cequeconfirmela réponse des fidèles:«Amen»( Envérité ). L’apprentissagereligieuxdespetitschrétiens,unisdans une foi «sainte, universelle et apostolique», culmine ainsi, dans la communion originelle, par la remise d’un
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document écrit du « Symbole de Nicée »(TheNicene Creed) qui certifie, aux yeux de la communauté assemblée desfidèlesquel’impétrantaétéadmisdanslecercledes élus et qu’il aété confirmédans son éternelle foi en les enseignementssacrésdesmultiplespartiesdelaliturgie acquise.
En2007lacompagniedejeuxvidéonumériques Ubisoft,baséeàMontréal,sortaitlapremièreversion d’Assassin’s Creed, une série dejeux vidéohistoriques d'action-aventureet d'infiltration. Depuis cette date, dix nouvelles versions ont été produites : une onzième, Assassin’sCreed:Mirage,annoncéepour2023,estdéjà enpré-ventesurlesréseauxinternet.Chaquenouvel épisode,publiédepuis2007,mélangeantfictionnarrative etchroniquehistorique,couvreunepériodeclédela civilisation mondiale.Le premier jeu portait avant tout sur laprésentationdusystèmegénéraldelasérieetlabase génétiqueàl’originedel’Avatarprincipaldecejeuoùle personnagecentralreprésentantlejoueur,apparaitàla troisièmepersonnedansladynamiqueludiquedujeu. Episodeaprèsépisode,lescontraintesinscritesdansle déroulementdelapartiesontstrictementcontrôlées,dans touslesdomainesdudispositifdujeu,parunensemble d’algorithmesdistribuésselonlesfonctionsetmodalités ludiques à exécuter.Le décor historique choisi pour la premièreédition, le temps de la «Troisième Croisade», est fidèlement reconstituéparlesalgorithmescontrôlantlerendu graphique réalisé selon lesdonnées précises acceptées par les archives historiques de la période. Le traitement
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extrêmementsoignédutraitementd’imagedonneau spectaclevisueldujeusoncaractèreexceptionnel.Le raffinementdelareconstitutionhistoriquereposesurles nouveauxmoyensnumériquesmaintenantdisponibles pourlacréationd’algorithmespermettantlaréalisation d’«effets spéciaux»singuliers. Chaque nouvelle édition publiéeparlasuiteévoluedansunepériodehistorique différente,accentuantencore,grâceauxprogrès technologiquesdutraitementnumériquedugraphisme,la précisionencyclopédiqueducontextearchitectural, topologique et urbain ordinaire de la période choisie. Avec ledeuxièmeépisodedelasérie(Assassin’sCreedII, 2009),ledéveloppementdesscènesdujeubénéficiedes progrèsinformatiquesinscritdanslefaisceaudes algorithmesquicombinentlecodagedestechnologies cinématographiques et numériques pour recréer un univers historiqued’uneprécisionextraordinairequidonneune expansioninégaléeàl’immersionusuelledesjoueurs investis corps et âme dans ces jeux de type «mondeouvert»commelesonttoutesleslivraisonsd’Assassin’s Creedetproduitsdérivés.Auquotidien,cetteimmersion dujoueur,dansl’universfinicadastréparleréseaulimité desalgorithmes,postuleunengagementsolennelenvers les obligations dictées par les règles imposées et
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contraignantes de l’écheveau numérique.Laréalitéaugmentéeetrecherchéedumétavers graphique ainsi créée par les algorithmes impose au joueur le type d’impératif catégorique profane de se croire, hic et nunc,danscetemps,danscelieu,etaumilieudeces personnageshistoriques.Cesimulacrederéalitérégenté par l’illusion visuelle installée par l’intelligence artificielle (lacombinaisonintriquéedesalgorithmescontrôlantle graphisme),justifie,enpartie,lanotiondecrédo(creed) inscrite dans le titre générique du jeu vidéo. C’est, toutefois,uneexigencebiensupérieure,plusprochedela dimension liturgique dusacré surnaturel qui, au quotidien,semble gouverner l’exaltation particulière de la profession de foidujoueur:il lui faut aussi fermement croireàune certaine liturgie de l’être social souverainement enchâssée danslesretssavammentverrouillésparlesalgorithmes gouvernant la stratégie narrative du jeu.Raison d’êtreCommeladernièreéditiondistribuéedecejeu, Assassin’s Creed:Valhalla (2020),aajouté (selon les statistiquesofficielles)vingtmillionsdejoueurs supplémentaires à la base existante de plus de deux cents
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millionsdejoueursrégulièrementenlignepourcequiest devenu l’un des plus populaires jeux detype RPG ( jeu de rôles–roleplayinggame),onpeutestimerquelaraison d’êtredecejeu,ycomprislesbutsassignéspour déterminerquelasessionsetermineavecsuccès,est aujourd’huiconnud’unlargepublic.Donc,simplement pourmémoire,jerappelleraibrièvementquel’Avatar fictionnel («l’Assassin ») principal représentant central dujoueurestunpersonnagedelapériodecontemporaine identifiéparunnom(ouunsurnom)déterminé.Ce protagonistecontemporaindescendd’unelonguelignée d’«Assassins»qui lui donne une histoire généalogique régissant l’«Animus», ses qualités de vie (force, initiative,imagination,etc.)etsesvirtuositésdéductives. Cesontlesqualitésgénétiquesspécifiquesdelalignéede l’« Animus»qui vont aider la figure principale de l’épisode, l’Avatar historique,àjouer le rôle actif de «valant-pour»(vicaire)du joueur pendant toute la conduitedéterminéedelaséquencedejeuinstalléedans latemporalitéimmédiateduthèmechronologiqueet géographique de l’épisode de la sagad’Assassin’s Creed. Éventuellement,àlasuited’uneexcellentegestiondeses facultésgénétiqueséconomiséesouacquisesetdes accessoires matériels dont il dispose, l’Avatar parvient à
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atteindre le but final assigné par le scénario prescrit du jeu :l’assassinat d’un personnage (historique)désigné originellement comme l’ennemi.Lesystèmebinairederivalité,entrel’Avatar historique (l’« Assassin») et la cible désignée, repose, pourlaconceptionoriginelledujeu,surl’extrapolation desélémentsconstitutifsdelatrameduromanAlamut écritparl’auteurslovèneVladimirBartolen1938et traduit dans une multitude de langues, ce qui explique son succès international comme roman detype «fantasy historique». Le roman, imprégné des enseignements de NietzscheetdeFreudacquisparl’auteurpendantses étudesàLjubljanaetàParis,sesitueen1092dansla forteressed’Alamutcontrôléeparlasectereligieusedes Haschichins (ce nom propre est àl’origine duterme «assassins»). L’embrigadement des jeunes recrues leur imposeuneviestudieuseethautementdisciplinée d’enseignementreligieuxetmilitairequivalorisela dévotion àautrui, la foi en une vie morale, le refus de tout asservissementetlaluttefarouchecontretouteforme d’oppressionautoritairequiutiliselesimulacre,l’artifice etl’offuscationpourmanipulerlesmassespubliques. L’influencedeNietzscheestsiévidentequel’undes crédos soumis à la formation des recrues est une phrase
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directement empruntée à son traité philosophique Ainsi parlait Zarathoustra:« Rien n'est vrai, tout est permis ».LelivredeBartol,écritentrelesdeuxguerres mondiales, est généralement considéré comme un ouvrage politiquedestinéàprévenircontrel’irrésistibleascension, àl’époque,d’uncertainnombrederégimesfascisteset totalitairesreposantsurladiffusionspectaculairede fausses nouvelles présentées comme vérités officiellement avéréesetdestinéesàtromperlespeuples,àasservirleur loyautéetàassurerlemaintiendesonpouvoir.Dansle roman, les plus brillants disciples de la formation à Alamut ont donc pour mission,à leur sortie de la forteresse, et lors de leur retour àla vie publique, de mettre fin à toute forme d’asservissementcrimineletàmaintenirledroitàla libertéexercéesansaucuneentravedupouvoirenplace. Bartollui-même,pendantlasecondeguerremondiale, deviendraunmembreactifetinfluentdelarésistance slovènecontrel’envahisseurnazi.Toutesleslivraisons successivesd’Assassin’sCreed,prenantplacedansdivers lieuxauxcoursdedifférentssiècles,avalisentcette liturgiesocialeetpolitiquedebaseetlesalgorithmes narratifsgèrentstrictementcettelignedeconduitepour l’Avatarfictionneltemporel;samissionconsisteà mettre fin àla domination tyrannique d’un personnage historique
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désigné comme l’ennemi des libertés et l’incarnation d’un pouvoirfondésurl’exercice d’uneautoritéabusiveérigée sur un simulacre politique. Cette ligne narrative héritée de l’idéologieimpliciteduromansourceinstallel’ensemble des épisodes de la saga sur un scénario liminaire établi sur undualismeantagonisteprimordialqui,aucoursdes siècles, opposela «Fraternitédes Assassins»à l’«Ordre des Templiers». Ilne faut pas s’abandonner àune interprétationhâtivedecemodèledeconflitbinaireenle réduisant àunsimple manichéisme primaire :le bien contrelemal.Ilnes’agitpasvraimentd’unequestion éthique,maisd’unedimensionsocialeetpolitiqueoùse laissedeviner,danssaréinterprétationentreprisepar Assassin’sCreed,l’additiondecertainsaspectsdes fractures sociales bien contemporaines. La « Fraternité des Assassins »valorise l’esprit libertaire, la libre pensée, l’ordre naturel et l’initiative individualiste (les «Assassins»sont, par nature, des «francs-tireurs»);la meilleuredevisedecegroupeestprobablement«Nous agissons dans l’ombre au triomphedela lumière ». L’«OrdredesTempliers»insistesurl’ordre,lepouvoir, l’agencementhiérarchiqueetundéveloppement économiquedébridéfavorisantlemondeindustrielet commercial. Les personnages historiques et les
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personnages de fiction qui apparaissent dans les différentsépisodes de la saga nourrissent cette rivalité ancestrale:la familledesBorgia,MaximiliendeRobespierre,James Cook, Thomas Edison, etc. appartiennent àl’«Ordre », la familledesMédicis,NiccoloMachiavel,LeonardoDa Vinci,BenjaminFranklin,Mirabeau,SamuelAdams, Lafayette, etc. sont affiliés à la « Fraternité ».Assassin'sCreedestuntypedejeuhybridesitué entre le jeu de type «action-aventure »basé sur une simulation historique caractérisée par la fidélité historique hypersophistiquéeetlesjeuxdetypeS.T.G.(«shooting game ») ayant donc pour base, souvent très élémentaire, la destructiond’unennemidésigné.Ilestgénéralement considéréquelesquatrepremièresversionsducycle d’Assassin'sCreed(2007-2011)élaboréesoriginellement parJadeRaymond(développeuseetproductrice),Patrice Désilets(concepteuretprogrammeur)etCoreyMay (scénaristeetcontinuité)ontconstituéungalopd’essai pourlasériedanslaprolongationdedeuxjeuxàsuccès déjàproposésparUbisoft,PrinceofPersiaetSplinter Cell, deux jeux destinés àun public adolescent.
decettepériodeàaujourd’hui,donneraàcettesagales caractéristiquesdesonidentitéludiqueetlesformes principales de son système algorithmique etde ses chaines narratives.Commeannoncé,lejeuquitteledomainedes jeux destinés aux adolescents et apparait avec le label «Mature 17+», s’installant explicitement sur le marché d’unpublicpluslarge,plusintellectuellementambitieux etcompétiteur,et,certainementdisposéàdépenserplus pourunjeuaugraphismeaccrocheur,extrêmement complexeetsophistiqué. Abandonnantlevertparadisdes apprentissagesenfantins,lejeuygagneuneintelligence artificielle d’âge d’homme.
Lacritiquespécialiséeasaluépositivementcette nouvelleétapedel’entrepriseetacélébrélesméritesdu développementtrèspoussédesalgorithmesgérantles différentspersonnagesprincipauxetsecondaires,le caractèreprécis,méticuleuxetfouillédesdécorsvisuels, l’ambitionintellectuelledesintriguesprimordialesetdes branchementsauxiliaires.Cesont,par-dessustout,la spécialisation et la complexité des codes algorithmique qui gouvernentladiversitédesd’objetsapparaissantdansla progressionséquentielledechaquejeuainsiquela dextéritéphénoménaledel’animationkinétiquedes personnagesgraphiquesquiontretenul’attentiondes spécialistes.La réponse ultra rapide à toute commande aussi bien queladiligencedesdiversmouvementsdesélémentsdu jeusontparticulièrementappréciéesparlesjoueursdans ununiversoùlavélocitédujeu faitappréciertout gainde secondedansledéroulementdel’action.Ceci,qu’il s’agisse des actions voulues par le joueur en matière de «vitesse»ou de «parcours»afin de réaliser la mission d’assassinathistoriqueimposéeparlethèmedujeu impliquéparlesous-titrespécifique.Chaqueversionse joue selon le mode dit « course libre » où le joueur peut à
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loisir explorer des cartes particulièrement étendues du métavers graphique imposé par le thème.
jeu)etsurleplanvertical(grimpersurlesimmeubleset les monuments qui l'entourent dans l’univers urbain oules collines,arbres,rochersetautresobstaclesélevésdu paysage,touttypedehauteurrencontréedanslemétavers dujeu).
BlackFlag(introduitunanaprèsAssassin'sCreedIII) substitue un univers prioritairement maritime àce quiaété jusque-làununivers surtout continental. Une seule restrictionfondamentaleauxrèglesquigouvernentles algorithmesdumouvementqu’il s’agissedela«vitesse » oudu «parcours »:puisque le jeu est à«la 3epersonne », lejoueur(sonAvatarhistorique)nepeutpassedéplacer latéralementparrapportàlavisiondumétavers directementdevantlui,ilnepeutquesedéplacerdansla direction de ce qui correspond àsa vision frontale.De2011àaujourd’hui,letravaildesanimateurs graphiquesabénéficiédel’interactionetdel’intégration deplusenplusintensedunumériqueaveclakinétique cinématographique pour rendre plus«réaliste»tout déplacementdespersonnagesprincipauxetsecondaires dans le déroulement du jeu. Cette capture de mouvements quisontfilmésendirectavecdesacteursréelsharnachés decapteursdemouvementdigitauxpermetd’intégrerdes mouvementsspécifiqueslorsdelatransposition numériquedansledomainedujeuvidéo.Oncomprend quecetteprécisiondesmouvements,renduepossiblepar unencodagehiérarchiquedesalgorithmesdecommande, esttoutparticulièrementsensibledanslaréalisationde scènes de combat individuel ou collectif ;la banalisation
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decettetechnologiemultimédiaseracertainementmiseà l’épreuvelorsdelaréalisationduprochainépisode annoncé de la saga, Assassin’s Creed : Red, puisque son thèmehistoriqueprévuestlemétaversdelapériode féodaleduJapon,cequi,sansaucundoute,reposeraen grandepartiesurlahiératiqueconventionnelleet contrainte de la gestuelle très exactement codifiée des arts martiaux.Oncomprendaisémentque,pourtoutjoueur cette «mise au monde »kinétiqueimmédiate et instantanéedansl’universvirtueldujeu,favorise l’impression d’«appartenir»et contribue àeffacer tout effetdedistanciationet,àl’inverse,renforceunsens imminent de présence à ce métavers surnaturel.Arsenal sacréLesalgorithmescontrôlantlaprogressionvitalede l’Avatarhistoriquedujoueurluiattribuent,donc,selonsa performance,despropriétésgénétiquesliéesàlalignée attachée àson «Animus». Outre cette dimension immanente,pourl’aideràaccomplirladestinéequele scénario narratif du jeu lui impose, une série d’algorithmes spécifiquesvientajouterdesélémentsextérieursqui complètent et complémentent sa dextérité agentielle :
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costume, armes et vélocité. Ceux-ci favorisent ainsi, s’il le mérite,laqualitéaccruedesaquêteetaffermissentsafoi ensamissionsacrée.L’acquisitionprogressiveet exhaustivedecesressourcesmisesàsadispositionpar l’arcaturenumérique,permetaujoueurd’acquérirle répertoire liturgique de base de son aisance et compétence ludiques.CostumeLe costume de l’«Assassin», dans toutes les éditions de la saga Assassin’s Creedse compose d’une tenuesingulièrequidevientunesortedemarquede reconnaissancedecetypedepersonnageetluidonneune apparencequiconfirmesonidentité.L’élément caractéristiqueestunvêtementamplequicouvreletorse et une capuche attachée qui couvre la tête du personnage; l’ensembleestgénéralementdéfinidanslevocabulaire vestimentaire contemporain comme un«hoodie » (sweat/pullover à capuche). Le choix d’uneample capuche permetdedissimulerlestraitsdesonvisageetdonc participe àla réalisation d’une présence «mystérieuse» puisquecetteoccultationvestimentaireduvisage s’accompagne, pour le reste du corps de vêtements amples qui rendent difficiles la description des lignes du corps.
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Pour l’ensemble de la silhouette, on ne peut s’empêcher de la rapprocher de celledes moines telle que la popularisent les livres d’histoire;une référence connotative qui attache à l’« Assassin»l’image solitaire et itinérante d’un ministred’unefoisibylline.Pourrendrelesdétails d’habillementencoreplusflous,commec’estlesouvent lecaspourdenombreuxhérosmystérieuxdebandes dessinéesetdefilms,l’Avatardujeuporteunecape brodée de différents signes institutionnels. Tout au long du jeu,les éléments qui constituent la tenue del’« Assassin» vontévoluerselonledegréd’avancéedesaquêteversla victoirefinale.Soitlescomposantesduvêtementainsi acquisesvontfavoriserlaqualitédesesressourcesde force,soitellesvontluipermettredetromperles adversairespotentielsenadoptantleurspropresmarques. Latenue,toutenmaintenantl’imageglobaled’unenvoyé singulierd’unepuissancesurnaturelleénigmatique,reste constammentrégieparlesalgorithmesquicontrôlent l’avancementetl’évolutiondel’arsenalcombatifdu protagonisteetaidentpleinementàlaprogression graduelle du jeu.
droits réservés.ArmesSiladiversité progressivedelatenue participepleinementau renforcementdela dextéritécombativede l’«Assassin»,ilvade soiquel’élément primordialdanssalutte contre l’ennemi désigné tientàlanatureetàla puissance de ses armes.
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Dèslespremiersépisodesdelasaga,leprotagoniste historique a été doté d’une arme caractéristique:le poignardcoulissant.Touteslesimagesdebasedu personnage«Assassin»insistentsurlaprésencedecette arme.CommelapremièrelivraisondeAssassin’sCreed (2007)prenaitplacedurantlaTroisièmeCroisade,pour resterfidèleauromanhistoriquedeBartol,l’armeétait baséesurlepoignarddit«acierdeDamas»,unelame extrêmementsolideeteffilée,forgéedanslesaciersde type wootzet caractérisée par le fait que la lame révèle des motifsmoirésdanslatraditiongraphiquedesarabesques. Cetypedelame,venuoriginellementdel’Inde,était extrêmementpriséparlesarméesmusulmanescarelle avaitlaréputationdepouvoirpercerlacuirassedes chevaliersCroisés.L’originehistoriquedecettearme fétiche des «Assassins»est maintenant largement oubliée parlesaficionadosd’Assassin’sCreedetlepoignard coulissantestsimplementconnudanslemondedesfans d’Assassin’s Creedsous le nom de «Lame d’Aguilar». Grâceàlapopularitémythiquedujeuetlecaractère identitaire de ce type d’arme, le public peut aujourd’hui en obtenir, sur des sites internet, une «réplique authentique» forgée par Master Cutlery.
VélocitéDanslespremièresscènesdelaversionAssassin’s CreedIII(2012),l’Avatarhistorique,Connor,perchéen haut d’un arbre, son arc tendu et les flèches prêtes, observe l’avancée,encontrebas,d’unecolonnedemilitaires habillés de leur tunique rouge ;ce sont les soldats de l’armée coloniale anglaise occupant lesterres américaines.
Cettescènegraphique,avecsaprofondeurde champ,sesdétailsécologiquesethistoriques,capture parfaitementlaprécisionetlavirtuositédes représentationsvisuellescaractéristiquesdeladextérité plastiquedesdécorsd’Assassin’sCreed.Lascène, toutefois, n’est pas une «nature morte»,mais bien un «tableau vivant»puisque, dans son suivi narratif, les détailsgraphiquesvonts’animer,semétamorphoseren planssuccessifspoursuivreladynamiquephysiquedu protagoniste. L’ensemblegraphique va ainsi accompagner unesuccessiondemouvementsverticauxbelliqueux extraordinairementprestesetdiligentscontrel’occupant britannique.
Joueraujeud’échecsrevientàexploiteraumieux l’ensemblefinidecesconstituantsfondamentauxdela Langue.Lapartieperformativedel’utilisationdela Langueparunlocuteur,Saussureladésignecommela Parole. Retournons l’analogie et admettons que le meilleur joueurd’Assassin’sCreedestceluiqui «parle»le mieux lalanguecomposéedesalgorithmes,mécanismes profondsdujeuetrépertoireautoritairedel’intelligence artificielle qui maintient le contrôle sur tous les aspects du jeu.Ainsi,lesmodulationsdesdiversescombinaisons possiblesponctuentledéveloppementdujeuet, éventuellement,conditionnentlacapacitédujoueurà remplir le but final assigné par lastratégie même du jeu: détruirel’ennemidésignédansladialectiquepolémique élémentairequisous-tendlescénariohistoriquedecet épisodedelasagad’Assassin’sCreed.Lemeilleurjoueur est donc le plus beau «parleur », celui qui sait exploiter au mieux les ressources combinées de la Langue générées par l’interpolationdesalgorithmes.Chaquejoueursedoit doncd’incorporerdanssamémoireludiquelemaximum dedétailspertinentsàlanomenclaturedespossibilités propresàchacunedescatégoriesderessources.Lejoueur novice,peut,àlalimite,s’enremettre,pouruntemps,à une mémoire extérieure, mais il sait que progressivement
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illuirevientdes’imprégnerintimementdecesavoir essentiel.L’apprentissageconsistera,nonseulementà maitriser ce savoir portant sur la compréhension complète desalgorithmesrégissantlesressources,mais,toutaussi important,luireviendral’obligation,parlamultiplication d’unesuccessiond’essaisinfructueuxdetesterlesmodes derésistanceattachésàcesmêmesalgorithmes.Puisque Assassin’sCreedestunjeudetype«mondeouvert», toutepartiesejoueàlafoisavecetcontrelescontraintes imposéesparl’ordrenumérique. Ainsi,parcettepratique, maitrisera-t-il la dialectique constante durapport «action-réaction»et pas seulement sa capacité àgérer les actions deson Avatar,maisilapprendra,aussi,àprévenirtout piègefixeintégréàla dynamiquenumérique attachée à la tentativedecontournementdecertainstypes d’algorithmes.Unefoissonapprentissagecomplété,le joueurpeutseconsidérerdétenteurd’uneconfiance exemplaire,faited’unefoicertaineensacapacitéà dominerentièrementlesystèmefixeetsesinstructions impérativesimplantéesparlesconcepteursdujeuet résultant des commandes et principes immanents gérés par les algorithmes.Le sixième couplet de «La Marseillaise » commence par ce syntagme nominal :« Amour sacré de la
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Patrie». Il peut paraitre surprenant que ce chant,à l’inspirationrévolutionnaireetlibertaireproposéen1792 par Rouget de Lisle comme marche militaire pour l’armée duRhin, destiné àporter dans toute l’Europe les idéaux de laRévolutionFrançaise,ycomprissonrefusdetoute dévotion religieuse et célébré pour avoirannoncéla fin de Dieuetavoirremplacétouscescultesreligieuxparla célébrationdelafigureprofane,scientifiqueetnationale del’ÊtreSuprême,garantisseauseinmêmedel’hymneà la Révolution la protection delanotion de «sacré», indiquantainsiqueletermen’apasseulementunevaleur religieuse,maisaccueillecetensembledecertitudes accumuléesparl’hommepourluiassurerleréconfort lorsqu’ilrechercheunedéfensenécessairecontretoute formed’anxiétéquil’étreintdansl’incertitude existentielle de ses normes de vie sociale.Captifdumétaversintégralimposéparlemaillage desalgorithmes,lejoueuraguerricomprendquece momentoùlaconscienceréalisesymboliquementla présenced’unétatsurnaturel,d’unétatsacrérésultantde sonapprentissageapprofondi,n’aurariendefugitifmais est là àdemeure.Il s’est engagé dans lepartage symboliquedesélémentsdesonquotidienludique,et,ou bien il accomplira la mission qui lui est impartie par le
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scénario et détruira l’ennemi désigné, ou, égaré, un temps, danslajouissancedelafêtevisuelledelatapisserie historique,iloublieralefilduscénarioetsera (virtuellement) tué. Game over !Apartir de sa rencontre avec ce qu’il aperçu comme lesacré,lemondedujoueurn’estplusceluigouverné par le principe de réalité;l’imaginaire de la fiction fonctionne commeuninstrumentdecoercitiond’unconfinement métaphysique, illusoirement perçu par le joueur comme un état réel aux impératifs surnaturels. Par l’entremise de son Avatar,plongédansl’universdirectifdumétavers historique,lejoueurhallucinesaproprehypostase.Le joueur «fait corps»avec l’enchevêtrement serré du faisceaudesalgorithmesnumériquesquitracelecontour précis d’un domaine tabouéqui fonde l’espace sacré de sa viequotidienne.Cetuniverssacrélogéaucœurdujeu est enquelquesortesonGraal.Danslecontextedela simulationconstruitedanslaréalitéaugmentéedela restitution matérielle d’un univers illusoirement historique s’établitunesortedepacteimmanententrelejoueuretle monde virtuel machiné parla texture algorithmique du jeu. Danslapratiquequotidienneetsuperlativementmaitrisée dujeu,sedessinelaperceptiond’unerencontre immatérielle avec une intelligence autre qui, suprême
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puissance,aeulacharged’organiserununivershors normes.Deusexmachina!Cetterévélationsurnaturelle engendrerespect,crainteetattachementàlalogique unidimensionnelle de survie et de victoire qui sous-tend la dynamiquestratégiquedujeu.Alorsquenotrequotidien modernenousdonne,aujourlejour,l’impressionque notremondeaperdusasacralitéetquelesrestesdetoute sacralitéofficielle(église,moralepolitique,discipline militaire)sesontrétrécisdansdesimplescomportements hiératiques, ritualisés et conformistes, se confronter, par ce typedejeu,àuneintelligenceautre, nousdonnel’illusion quenousquittonslesimpleplanexistentieldeschoses ordinairesetquenousavonsgagnéaccèsàunmonde radicalementhomogèneetintellectuellementdistinctqui solliciteintensémentnotredésirgnostique.Cemétavers fermésurlui-même,corsetédanssacohérencenarrative, cloisonnédanssonuniqueautosubsistance,nousfait oublierlechaos,lafragmentationetladislocationdu monde extérieur, profane:hors-jeu. Spécialiste de la philosophiedesreligions,MirceaEliadeavaitdéjà parfaitementcaractérisécetyped’effetdusacrésurles fidèles:«Par l’expérience dusacré, l’esprit humain a saisi ladifférenceentrecequiserévèlecommeétantréel, puissant, riche et significatif, et ce qui est dépourvu de ces
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qualités,c’est-à-direlefluxchaotiqueetdangereuxdes choses,leursapparitionsetdisparitionsfortuitesetvides desens.»1La rencontre avec cet espace étymologiquementinsolite(in-solitus/isolé), paradoxalement, fortifie notre inclination à l’aliénation.Simulacre sacré vs.Histoire : l’illusion algorithmique Le sacré dans la vie quotidienne du joueurLejoueur,absorbé,parl’intermédiairedeson Avatartemporel,dansl’hallucinantsimulacrehistorique qui,àchaqueinstant,enveloppetouslesaspectsdela partie, vit dans l’illusion qu’il aquitté l’univers des choses ordinairespoursemouvoirabsolumentdansununivers alternatifsurnaturel.Lesconcepteursdujeuontaccentué cette nature principielle de la saga Assassin’s Creed;de cepointdevue,ilestàsignalerquelesous-titredela prochaine édition «mirage», est parfaitement cadré au typed’illusionhallucinatoirequidéfinitlatranseludique à laquelle succombe tout joueur expérimenté.Làoùd’autressagasdejeuxvidéoseplacentdans la lignée plus traditionnelle de la science-fiction (Fallout), du«roman noir»(Grand Theft Auto), de la «fantasy» (Hogwarts), etc., les ressources de la production
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d’Assassin’sCreedseportentplusspécifiquementsurla perfectionfinaled’unehyperréalitéhistoriquevisuelle tellequerestituéeparl’interactiond’untravail communautairedeshistoriensetdesconcepteurs graphiques. Cette extrême précision duréalisme graphiquen’estpassimplementlàpourlasimple satisfaction esthétique gratuite (cela ycontribue, bien sûr!), mais elle est plus principiellement mise au service dedeuxagentsdelasimulationcrééeparlesalgorithmes quigouvernentlacoercitionnarrativedumétaversdans lequellejoueurestplongé.Premièrement,pourquele joueursesentevéritablementdeplain-pieddansun universalternatif,ilconvientqu’iln’aitpasderaisonde s’interrogersurlacohérencedescomposantes quotidiennes de son univers:décors, personnages, arsenal sacré, et tout impératifcatégorique engagé parl’action(grâce ànotre «connaissance du monde», nous connaissons Ben Franklin, Lafayette,etc., nous savons que les personnages grecs de l’antiquité ne doivent pasêtrevêtuscommedeschinoistraditionnels,queles arcsutilisésparlesguerriersamérindiensnedoiventpas prendrelaformed’unarcutiliséparlescavaliersthraces, etc., que la trajectoire d’un projectile doit atteindre la cible attendue, que le parcours suivi par l’Avatar doit être
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conformeàl’urbanismeambiant,etc.);deuxièmement,la précisiongraphiquedoitêtremiseauservicedela crédibiliténarrativedel’universimposéparles algorithmesgouvernantlescontraintesstratégiquesdu scénario de l’épisode.L’étudedecas,proposéeparl’épisodeAssassin’s Creed III, une livraison de la saga qui prend place pendant lesoulèvementdesTreizeColoniesaméricainescontrele pouvoircolonialanglais,esttoutparticulièrement révélatricedecesimpératifsfonctionnelsinévitables contenusdanslaformevisuellehypertravailléedela matricedujeu.L’Avatarhistoriquedujoueur,unjeune métisamérindien,Ratonhnhaké:ton(nomméplusavant dansledéroulementdujeuConnorKenway)estlefils d’uncolonanglais,HaythamKenway(personnage fictionnel,lui-mêmefilsd’EdwardKenway,unpirate anglaisinstallédanslesîlesCaraïbesquiserévèlerale nouvelAvatarhistoriquedansl’épisodepublié ultérieurementdelasaga,Assassin’sCreed:BlackFlag-2013),etdeKaniehti:io,unejeunefilleamérindiennenée dansunetribuMohawk.Danslavulgateiconographique, lorsquel’onparledesvillagestraditionnelsamérindiens, ilssontgénéralementreprésentéssouscetteapparence commune :
localeetlescompétencestechniquespropresàcestribus. D’aprèslesdonnéesdocumentaires,ils’avèrequ’un villageMohawkn’aabsolumentpaslaphysionomie popularisée par le cliché culturel habituel pour les villages amérindiens :
graphiquegénéréeparl’algorithmenumérique,répondent effectivementauprojetambitieuxdel’équipedes développeursquisouhaitaitunépisodereposantsurune documentationplusétofféeetplusfouillée,undomaine d’explorationpluslargeetplusvarié(paysages,faune, flore,passants,etc.)quecequ’offraientlesépisodes précédents.Letoutrésulteeffectivementenun impressionnantsimulacrevisuelreposantsurune résurrectionartificielledemondeshistoriques,destinéeà plongerlejoueurdanscequeJeanBaudrillarddans Simulacresetsimulationsdésignecomme:«une réhallucination désespérée du passé ».2Puisque Assassin’sCreedIIIapour cadre historique lestrenteannéesdelapérioderévolutionnairenord-américaineetpour Avatarhistoriqueunmétisamérindienoriginaire duCanada, iln’est pas indifférent de se souvenir que le studio principal d’Ubisoft chargé du développement decejeusetrouveàMontréal.Lacollectedes informationsnécessairesautravailderecherchesurles détailsgéographiques,écologiquesethistoriquesadonc puse faire sur place sous la direction de Maxime Durand, affiliéauDépartementd’Histoiredel’Universitéde Montréal.Onnes’étonneradoncpassi,aumuséede Pointe-à-Callière «Cité d'archéologie et d'histoire de
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Montréal »,
[FIGURE 16] Musée Pointe-à-Callière «Cité d'archéologie et d'histoire de Montréal», document de l’auteur. Tous droits réservés.lorsquel’onvisitelapartieconsacréeaupeuplement amérindiendelarégion,onretrouve,souslelabel«vie iroquoise »très exactement la maquette dutype de village
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Mohawk tel que restitué dans le jeu (les Mohawks constituent une des six Nations iroquoises) :
seulementunpartiprisesthétique,ilestaussiagentiel. Commetapisserieenglobantedumétavers,lesimulacre visuelsemblesimplementrespecteresthétiquementla règle durenduhistoriquehyperréaliste ;àcetteenveloppe dusimulacregraphiques’attachetoutefoisunimpératif actancielautoritairedirectementcommandéparlaligne stratégique duscénario.Quelque soitledécor imposé par lethèmehistoriquedelapériodechoisiepourl’épisode d’Assassin’sCreed,lesélémentsdessuperstructures visuellesvontassujettirlejoueuràsesoumettreau scénarioprimordialquiveutquelejoueur,parla procurationdeson Avatar,engagesaviedansledualisme antagoniste ancestral qui oppose la «Fraternité des Assassins»àl’«Ordre des Templiers». Ainsi, dans Assassin’sCreedIII,larestitutionnumériqueprécisedu typed’habitatutilisédanslesvillagesMohawk,n’estpas simplementlàpourfairevivreaujoueuruneimmersion complètedansunmétaversmultimédiacommeceluidont peut faire l’expérience «hautement immersive»tout visiteurdumuséehistoriquedePointe-à-Callière,plongé dans l’oppressant univers d’un «maelström d’images et de sons»chroniquant l’évolution séculaire de la ville de Montréal.
ou d’un Paris au temps de la Révolution de1789, doit être détruitepourenclencherleprocessusstratégiquedu scénario.L’attaque, l’incendieet la dévastationcriminelle duvillagenataldel’Avatar,(lejeunemétisMohawk, Connor), le massacre de ses compagnons de jeu et la mort desamère,déclenchentsonvifdésirderevancheet l’entrainent sur les chemins de l’aventure qui le conduiront àla réalisation de son but:assassiner tous les responsables decetactebarbareperpétréparlestroupesbritanniques d’occupation coloniale.
sa juste cause, Connor apprend que le responsable de cette criminelleactionmilitaireestungénéralbritannique, nomméCharlesLee,officierd’uneviolentebrigadede TuniquesRouges,accomplissant,pendantlaGuerrede Sept Ans (The French and Indian War) des missions officiellesderépressioncontreles Amérindiensalliésdes Français.IlapprendaussiqueCharlesLeeestunhaut dignitairedel’OrdredesTempliers.AchillesDavenport (l’amiqu’ilvarencontrerlorsdesonerrancedansles Coloniesaméricaines,quiluiserviradesubstitutdepère etluienseigneralesélémentsessentielsdelalutte individuelleetarmée)serévèleêtreunmembreéminent de la Fraternité des Assassins. Ace titre illui explique tous lesdétailssurlanatureetlescodessecretsdecegroupe ainsiquelesbasesidéologiquesquil’opposentàl’Ordre des Templiers. Ainsi instruit, Connor met ses compétences physiquesetsonarsenalsacréauserviced’uneluttesans merciquiapourbutpremierdechasserl’Ordredes Templiersduterritoireaméricainet,cefaisant,connaitra undouble (noble) épilogue :libérationles Colonies américainesdujougdespotiquedupouvoircolonial anglaiset,enmêmetemps,findel’oppressionethnique quifrappe lespopulationsamérindiennes etdroitpources minorités autochtones de vivre émancipées et en paix sur
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leurs territoires ancestraux dans une Amérique libre. Double-jeu du simulacre numérique : le sacré biffure l’HistoireCettedifficileimbricationréaliséeentrelavolonté d’exactitudedurendugraphiqueetlesimpératifs stratégiques de la fiction soutenant la«logique»narrative contraignantedel’épisodeestlelieuconflictueloùse rencontrelaplusgrandeambiguïtédanslesystèmedu simulacrenumérique.Toutesaussinombreusessontles critiques lesplus sérieuses célébrantlechoix d’unequasi-similitudevisuelleexceptionnelledel’environnement graphiquedujeuquecellesd’historiensdéplorantles choix idéologiques gouvernant, dans cetépisode, lerendu historique qui attribue une coloration distributive entre les membres de l’Ordre et ceux de la Fraternité, ceci dès qu’il s’agitde«mettreenjeu»despersonnageshistoriquesde premierplan(Washington,Samuel Adams,LaFayette, Benjamin Franklin, etc.) à l’action politiqueet sociale bien documentéeaussibienquedesfiguressecondairesmais effectivementrépertoriéesparleschroniqueshistoriques (Charles Lee, William Johnson, Nicholas Biddle, etc.).
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UchronieCertes,laligneidéologiquequisous-tendle scénariogénéraldecetépisoded’Assassin’sCreedse conformeplusoumoinsnaturellementauximpératifs contemporainsdetouteproductionrespectueusedela bien-pensantephilosophiesocialedupolitiquement correct:un Avatar issu d’une minorité ethnique déconsidéréeetmaltraitée,recueillipardesâmes charitables,justesethonnêtes,savammentéclairésurles réalités de la vie, et disposant maintenant, lui-même, d’une consciencedejusticeetd’équitésociale,poursuivantles vilainsquisontresponsablesducrimeoriginelquil’a qualifiépoursaquêtesacrée.Finalement,parlapunition des criminelsdésignés,ilrétablit l’équilibre d’une justice distributivequil’acquittedesamissionpersonnelleetil s’assure,aucollectif,d’unmieux-êtredepaix,dejustice etderespectpoursacommunautéminoritaireoriginelle. Pour le joueur, les éléments révérés dans le domaine sacré enchâssédanslepérimètreimpératifdessinéparlamaille dufaisceauserrédesalgorithmes,manifestentune immanentecohésionetunecomplèteharmonieentreles conditions établies dela mission et le but ultime assigné.L’incohérence soulignée par la critique se situe dans l’intersection entre le domaine sacré inscrit dans la matrice
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numériquedujeuetlesélémentsdel’Histoireempruntés au domaine « hors-jeu »et consciemment manipulés pour pouvoirprendreplacesubrepticementdansledomaine consacréde la logique stratégique duscénario.Nonsansuncertaindegréd’auto-ironie,la compagnie fondatrice, Ubisoft, laisseentendre, dès l’abord,quelestatutdeneutralitéingénuerevendiquépar toutecompagnieindustriellemérited’êtremisendouteet questionné.Auto-ironiepuisque,danslabasenarrative fondatriced’Assassin’sCreed,ilyalesmachinations industriellesetscientifiqueslouchesd’unegrande compagnie multinationale (Abstergo Industries ! Ogre- ?)
supérieur de l’Ordre;aujourd’hui,seulun tiers des membresduConseild’Administrationconnaitlesliens clandestinsdelacompagnieavecl’Ordre.Cettemiseen scène,danslesfondationsdujeu,d’unemégacompagnie multinationaleaustatutambiguattireimmédiatement l’attentionsurlacompagnieréellequiapuconcevoirune tellecréationdefictionindustrielle.Avantd’installer progressivement l’essentiel de ses opérations pour les jeux vidéo à Montréal (Québec, Canada) en 1997, Ubisoft était unecompagniefamilialecrééeenBretagne(1986)et enregistréecommercialementàParis(Créteil,puisSaint-Mandé).Ledoubleattachementgéographiqueet génétiqueàlaFranceetauQuébecaimmédiatement amenélescritiquesanglo-saxonsàdénoncercequ’ilsont perçucommedespréjugésxénophobesantibritanniques danslastructureduscénariodeAssassin’sCreedIII;la ligne trop «française»de la part de l’Histoire dans la mécanique algorithmique dujeu afait dire que les «mangeurs de grenouillesn’avaient aucune éducation historique ».D’autres commentaires portant surle «nationalisme»de la compagnie Ubisoft ont également étéformuléesdelapartdesCanadiensquiontconsidéré quelecontenumêmedel’ensembledelanarration historique ignorait la part des territoires canadiens dans la
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réalisationdelaGuerred’Indépendanceaméricaineet doncmanifestaitunecertaineprédispositionenfaveur d’une ligne « américanocentrée » (étazunienne).Aproposplusprécisémentducontenuhistorique inclusdanslesmaillesdufaisceaualgorithmiquesacro-saint dujeu, la question centrale a été posée de savoir quel estlemessageprincipaldecetépisodedelasaga.Un critique de la revue Slate3a insisté sur le fait que selon lui, lebutidéologiqueultimedecejeun’étaitpasdeglorifier lalibérationd’unpeupledepatriotesharcelésparles impositions incessantes d’une puissance coloniale et décidantdeprendreleurdestinenmain(unbut,donc, assezconformeàlalignedephilosophiesocialeproposée dansleromanoriginaldeBartol),maisplusprécisément etdemanièreplusconformeàuneidéologieextrême contemporaine,lanécessité,aunomdel’équitéethnique, dedéfendre«les Amérindiens,notammentlesMohawks etlesIroquoisduNord-Est,quiassistentimpuissantsà l’éclosion de cette guerre de blancs sur leur territoire».4 L’auteurdel’articleajouteuncommentairepersonnel:«[Car]quelquesoitlecampquil’emportera,ilestclair que les Amérindiens vont perdre». Ce propos conclusif, toutefois,ne correspond pasàlalignesacréedujeu. Dans Assassin’s Creed III, il est attendu et entendu que les
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travauxhéroïquesdel’Avatar,Connor,vontaboutiràun mieux-êtredespopulationsamérindiennes.Cette inscriptionalgorithmiquedudestin,toutefoisn'estpasce quel’Histoirenousapprend,etdoncl’auteurdel’article énoncesonjugementcritiqueàl’intérieurd’undiscours idéologique contemporain informé par l’Histoire et par là-mêmedésignel’écartquiexisteentrel’idéald’équité, d’inclusionetd’accessibilitéinscritedanslamatrice sacrée du régime algorithmique du jeu (le texte du scénario qui nous dit que l’action de Connor va favoriser le mieux-être des populations amérindiennes minoritaires) etce que lesconnaissanceshistoriquessurlemondeetl’Histoire nous ont appris (la Guerre d’Indépendanceaméricaine n’a pas immédiatement pris le parti des minorités ethniques et n’apasassuréuneaméliorationdeleurstatutcollectif). Comme laremarque finale de l’auteur del’article deSlate lelaisseeffectivemententendre,lerésultat desrecherches historiquessurcesujetsemblemêmeprendrele contrepied de ce discours «sacré »enchâssé dans la matricenumériquedujeu.Cequel’Histoirenous enseigne:dès que les Treize Colonies sont devenues les États-Unis,lesloisvotéesauCongrèsontpénaliséles minoritésethniquesetleurstatutaconsidérablement empiré, en particulier à la suite des décrets militaires
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signésparWashingtonenfaveurd’uneLégiondesÉtats-UniscontrelaConfédérationdestribusamérindienneset ses ordonnances sur le déplacement et réclusion des tribus amérindiennes dansdes zones de «réserves »sur le modèleinstituéparletraitédeGreenville.Lethèmed’un Washingtonpolitiquementambigu(flottantentremembre de la Fraternité et secrètement affilié aux Templiers) existe danslamatricealgorithmiquedeAssassin’sCreedIII,en particulierenraisondesonambivalenceàl’égarddes intérêtsdesminoritésethniquesetConnorformuleun momentledésirdel’assassiner.Danslamécanique algorithmiqued’Assassin’sCreedIII,l’ambiguïtédela personnalité de Washington est sipalpable, que, fin 2012, Ubisoftsortuneséquelle(DLC--downloadablecontent) intituléeLaTyrannieduRoiWashingtondanslaquelle Washington prend le pouvoir ets’autoproclame «Roid’Amérique ». Comme s’il agissait là de se confronteràunsimpleautocrate Templier,lejeuconsiste donc,pourlejoueur,àfairecampagnecontrecedespote, àcontrecarrersesprojetstyranniquesetàleconduireàla destitution.Danscetteversionauxiliaire,ledomainesacrédu jeunousfaitentrerdeplain-pieddansledomainede l’uchronie (alternate history). Le prétexte historique du
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jeuesteffectivementledocumenthistoriqueselonlequel le Congrès américaina proposé à Washington le titre de «Roi»oud’«Empereur », mais les chroniques historiquesnousapprennentaussiqu’ilarefusécetitre préférantfairedesÉtats-UnisuneRépubliqueet,la campagne militaire pour l’Indépendance étant terminée, il s’estretirésursesterresdeVirginie. Aveccetteséquelle, Assassin’s Creed:La Tyrannie duRoi Washington, il s’agitdoncd’unjeunettementinscritdansl’histoire-fiction:«imaginez ce qui aurait puêtre si…». Le scénario de cette courte séquelle seplace entièrement dans lemodedel’éventualitétemporelleetimaginedansson ensemblecequiauraitpuarriversiteloutelévénement s’étaitvraimentproduit.Encontraste,lalignestratégique duscénariod’Assassin’sCreedIIIsedistinguetrès nettementdecetyped’uchroniecar,danslecasdecet épisodedelasaga,lescénarioinamovibleenchâssédans lamatricenumériqueetarcaturedudomainesacré,reste toujours dans le domaine du «vraisemblable». Certes certainspersonnagessontfictifs,maisagissentdansun contextenarratifcontraintquines’éloignepasdecequi peutsimplementsejustifiercommeuneinterprétation individuelle de l’Histoire (n’oublions pas que toute la saga Assassin’s Creed repose sur l’idéologie d’une lutte
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individuelleetquetout«Assassin»estavanttoutune [ré]incarnationdelafigureimmémorialeduredresseurde torts, dutype «justicier solitaire »--sa cape en est la marque générique !).Contes et légendesLepremierchapitreduromand’AntonineMaillet, Pélagie-la-Charrette(1979),prixGoncourtdelamême année,commencepardesconsidérationsfortcaptivantes surladistinctionnécessaireentreledocumenthistorique etlamémoireorale.Auteureissuedumondeminoritaire delacommunautéacadiennefrancophoneauCanada, Maillet,dansceroman,racontel’odysséefamilialevécue parunedesesancêtres,Pélagie,lorsdesonretouren Acadieavecunecharretteoùestentasséefamilleetamis depuislaplantationdeSavannah(ÉtatdeGéorgie,États-Unis)oùelleaététransportéeparlesvaisseauxdes troupesanglaiseslorsdeladéportationmassivedes populations acadiennes connue sous le nom de «Grand Dérangement»(1755).Selonlesstatistiquestrèsprécises de l’époque (la comptabilité administrative anglaises dans lescoloniesaméricainesestlégendaire!)plusde18000 acadiensetacadiennesontétédéplacésdesterritoires acadiens vers les Treize Colonies anglaises de la côte
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atlantiqueoùilsontétémisàladispositiondescolons locaux avec le statut légal officiel de servant. La signature du TraitédeParis(10février1763)metfinàlaguerrede SeptAnsentrelaFrance,l’EspagneetlaGrande-Bretagne;cetraitéconfirmel’éliminationofficielledela présence française en Amérique duNord àla suite de quoi touslesterritoiresduQuébecetdel’Acadiepassentsous contrôleanglais.Encorollaireilestmisfinàladétention desprisonniersacadiensdanslesTreizeColoniesetles prisonniersquiontsurvécusontautorisésàquitterleur postedeservitudedanslescampagnesetplantations. CertainspartentpourlesCaraïbes,d’autrespourla Louisianeetcertains,commePélagie,décidentenfaveur d’unretouraupaysnatal.Pélagie-la-Charretteentreprend celongvoyagederetourentrelaGéorgieetsesterres natalesacadiennesaccompagnéedequelquesamisetdu restedesafamille,ycomprissesenfantsgrandisen servitude.Puisqu’ils’agitd’unechroniquefamiliale racontéedanslapériodecontemporaine,dansles campagneshivernalesdesterritoiresdelaProvince canadienneduNouveau-Brunswickquidemeurent, aujourd’hui,majoritairementpeuplésdefrancophones acadiens,lerécitprendlaformed’unrapportoral communautaire lors d’une successions de veillées
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traditionnellescommeilenexistaittantdanslestemps anciens dans les communes rurales:lieu convivial de rencontres,d’échanged’informations,derécits d’événementsrécentsouanciens,aventuresfamiliales, etc.Cetteodysséetransaméricainederetour aupaysnatal del’ancêtreaudix-huitièmesiècle(1770-1780)aprèsdes annéesdedéportationenGéorgiedanslaservitude imposéeparlesforcesbritanniques,victorieusesdes troupesfrançaiseslorsdelapriseduFortdeBeauséjour (1755),estcélébréepartouscommeuneformede revanche sur le destin tragique du peuple acadien. Le récit oraldesexploitslégendairesdel’ancêtredevientainsiun contrepoids àl’histoire «officielle»anglophile qui glorifielavictoiredestroupesanglaisesetl’essordela populationanglophonedanslesterritoirescanadiensoriginellementfrançais.LetextedeMailletaccentue explicitementetcélèbrecetypedecontrasteentreune Histoireécriteofficiellediffuséepubliquementparles vainqueursetl’histoiredesvaincusvéhiculée clandestinement par la tradition orale:«Après cela, venez medireàmoi[…]qu’unpeuplequinesaitpaslirene saurait avoird’Histoire».5Maillet souligne ainsi le pouvoir mémoriel de ces soirées de veillées oùse perpétue une histoire quotidienne et ordinaire, proche des intérêts
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immédiatsdeshumblesoubliésouignorésparl’Histoire écriteobnubiléeparleshautsfaitsdespuissantsetdes vainqueurs.Anticipantlescritiquesquipeuventêtre formulées à l’égard de lapartie «historique »de son proprerécit« littéraire»,ellerappellequeletexteestune reprised’unensembleoraletellereconnaitquecesrécits oraux sont reproduits avec des erreurs, des variantes, et des développementsoriginauxquipeuvents’éloigner grandement de l’authenticité des faits :Malgréleurproprerépertoired’aventuresqui devraitconstituerunpatrimoineoraldontles générationsàvenirferaientleursbeaux dimanches, les déportés qui rentraient au pays, encettefindesiècle,buvaientàgrandes lampéelesrécitsmerveilleuxdesautres.[…] [Il] allait verser dans ce répertoire de versions,variantes,improvisations, élucubrations deson cru qu’il est bien malaisé aujourd’huidedistinguerdel’authentique ancien.6Si je cite cette référence àuntextede la francophonie atlantique qui s’interroge explicitement sur
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lavaliditédestextesissusdelatraditionoralelocale(et bien des exemples similaires pourraient être proposés dans tout le domaine de la littérature francophone produitedans les anciennes colonies et territoires français :griot, conteur,etc.),c’estparcequecetexemplepartagedeux similaritésnarrativesavecl’étudedujeunumérique Assassin’sCreedIII.J’aisignaléquecertainscritiques avaientdénoncéunrelentderevancheethniqueenchâssé dansl’enchainementstratégiqueduscénariodelamatrice algorithmiquedujeuAssassin’sCreedIII.Lejeuaété conçuauQuébec,unautreterritoireanciennement françaisconquisparlestroupes anglaises au dix-huitième siècle,etlescénarioexhibeetdénoncelesexactions commises par les Tuniques Rougeset célèbre l’exploit légendaired’unAvatarnédanslapopulationdes PremièresNationsetcontribuantàl’extinctionde l’hégémoniedesBritanniquessurlesterritoires américains,ceciens’engageantactivement,auxcôtésdes Patriotesetde Washington,dansuneguerrefarouchequi conduitàlavictoireetàl’IndépendancedesÉtats-Unis. Ce sentiment de revanche secrètement glissé dans l’espace sacrédelamatricenumériquedujeuestlesecretde Polichinellesubrepticementsoupçonnéàpropos d’Assassin’s CreedIII, mais il est explicitement exprimé
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audouzièmechapitredePélagie-la-Charrettequiraconte l’arrivéeduconvoidecharrettesdesAcadiensà Philadelphie en 1776. Onyvoit les rescapés des camps de labeur de Géorgie, bras dessus,bras dessous, célébrer avec les «Américains»la signature de la Déclaration de l’Indépendance,et chanter en chœur avec les Patriotes : «Et merde au roi d’Angleterre /Qui nous atous déclaré la guerre ».7Lasecondeparticularitécommuneàlasaga Assassin’sCreedetPélagie-la-Charrette,c’estl’alliance implicite/expliciteaveclemondedelatraditionnarrative orale.LeprocédélittéraireutiliséparMailletdansson romanreposeexpressémentsurlafictiond’une transposition écrite d’un récit oral:ce que nous lisonsc’estcequelestémoinsontraconté.Supposémentcette réalisation d’une «littérature de témoignage»,aété consignéegrâceàunemultitudedeveilléesfédératrices destinéesàpréserverainsilamémoirecollectivequi constitue le «patrimoine»(le terme de Maillet, peut-être pas le plus appropriépuisque le héros de son roman est une femme –héritage ?) de la communauté. Je l’ai indiqué, l’histoire industrielle d’Ubisoftcommence dans unmilieururaldeBretagne,parexcellenceuneterredelégendeset contes adroitement dispersées et largement popularisés en
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particulierdanslesterritoiresdel’Europeceltique(le cycle duroi Arthur,la légende d’Ys, etc.). Il se trouve que l’unedespremièresimagesdemarquedelacompagnie associaitladiffusiondesinformationsinformatiquesà l’activitécommunautaireduconteur,maitreitinérantdes veillées rurales.
etl’universclosetfinidescontraintesrégissantles algorithmescontrôlantlebondéroulementdelaligne narrativedesscénarios,donneauquotidiendujoueurun sensexceptionneldefamiliaritésécurisantecommecefut sansdoutelecaslorsdecesassembléesconvivialesoù l’on se sent « entre nous »prêts à partager l’intimité sacrée de nos passions, espoirs et petites histoires.Conclusion Contradiction ontologiqueAprès un certain temps d’apprentissage le joueur est «dans son monde », les modalités ludiques lui deviennent unesecondenatureetil«faitcorps»avecl’universdes règles algorithmiques dontildépend pour sa «survie»et savictoire.Decetteexpertisedécouleune(fausse) assurancequiluidonnel’illusiond’unecapacitéà surmonter tous les aléas «surnaturels »qui pourraient intervenirpourmettreendangersacompétencesoutenue d’agentmaîtredeladestinéedéterminéeparlepérimètre sacré tracé par la tresse serréedes algorithmes. Cette aliénationfondamentaleconsistebiennaturellementàse soumettre au but final imposé par le scénario même du jeu, mais dans les multiples séquences du déroulement du jeu,
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àchaquedéfiactantielrencontré,ilfaututilisersa connaissanceintimedesobstaclesprésentéspar l’algorithmepourpasseràl’étape suivante. Face à ce défi etàlapossibilitéd’échecquiforceàenrester-làjusqu’à cequelabonnesolutionsoittrouvée,ilyalatentationde «tricher », de profaner l’espace sacré en choisissant simplementdecontournerladifficulté.Cemanquede respect vis-à-vis de la noblesse orthodoxe du jeu, n’est pas rare. L’excuse habituelleàce manquement àla profession defoidujoueur,son«Credo(Creed)»,est généralement exprimée par l’expression anglaise «gaming the system». Lajustificationavancéeconsisteàinsistersurlefaitque toutetrichereposesurunecompréhensionsupérieureet immanentedes mécanismesalgorithmiquesquipermetau joueurd’utiliserletressagecompliquédusystème numériquepour«inventer»unesolutionparallèleàcelle prévueparl’algorithmedebasedetellesortequela solution est trouvée dans le système mêmedu jeu, mais en sejouantdespossibilitésglobalementoffertessansse soumettreouvertementàlasolutionprescriteparla logique de l’algorithme gouvernant l’obstacle et désignant sonuniquesolutionvalidée.Valorisercetteconduite palliative, plutôt que punir le «péché»d’enfreindre une inflexible confession de foi est bien connu des spécialistes
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deslittératuresàcontraintes,puisqu’unemultitude d’auteurs,disciplesdecetyped’écriture,reconnaissentla légitimité du « clinamen »comme solution acceptable à toutetransgressiontouchantl’abandonmomentanéd’une contrainteimposée.Lapratiquevalorisantede«gamingthe system»est ainsi devenue un procédé détourné si parfaitementacceptablequ’elleadonnénaissanceàtoute une industrie florissante du «fafiot»(cheatsheet) et chaquenouvelleinstallationd’Assassin’sCreed(comme pour la plupart des jeux vidéo) entraine la publication d’un nouveaulivrequidétaillelessolutionspossiblesdes parades destinées à contourner les difficultés inscrites dans lesmodalitésalgorithmiquesdujeu.Cetteexpertise acquiseàcontournerlesmodalitésexplicitesdujeu, néanmoins,n’enfreintpaslasoumissionausémantisme contraintgérantlesrèglesdujeu,nepermetnullementau joueurdes’affranchirtotalementdesmesuresimposées, maintenantintériorisées.L’intégraliténarrativedujeu s’exercedonctoujoursdansuneauthenticité algorithmiqueintégrale.Mêmelorsquelescontraintes ludiques sont «gauchies », le joueur ne peut pas échapper àlarigueurdesimpératifsalgorithmiques.Commetoute célébrationritualisée,silejoueurdoitperdre,ildoitsubir ce sort selon les principes inscrits dans le code des
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algorithmesprescrits.Decesimplepointdevuede mécaniquesémantique,laphilosophieimmanentedujeu s’oppose à l’idéologie proclamée et inscrite dans le «crédo»au cœur duscénario fondateur d’Assassin’s Creed. La glorification de l’idéal de liberté collective héritéeduromanfondateurdeBartolestcontredite radicalement par la nécessité, pour «vaincre», de pleine soumissionstipuléeparlamatricealgorithmiquequi imposeaujoueurindividuelunealiénationtotaleaux règles collectives imposées.Histoire aléatoireLasubordinationtotaleauxprincipesrégulateurs inscritsdanslamatricealgorithmiqueréduittoute possibilitédehasard.Decepoint de vuetoute éventualité sémantique d’une narration «dénarrée»(«que peut-il se passersil’onsuitunfilnarratifébauchémaisjamais complété…») est impossible dans une chronique historiquegéréeparunensemblenumériquefinietclos. Lesensdetoutévénementhistoriqueinscritdansle scénarioestpréalablementinstituédansdeslimites prescritesdujeu(l’événementauquell’Avatardujoueur estimpliquéiradanslesensdemandéparladynamique orthodoxe du scénario ou il« perdra »). Larésolution d’un
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événementhistoriqueaumomentoùilseproduitest incertaine;cette dimension aléatoire essentielle de l’Histoireestformellementproscriteparlanature algorithmique de la simulation historique:tout est déjà écrit. Le respect pour l’Histoire tel que constituée dans les documentsscientifiquesdemeuredonc,vudansla perspectived’Assassin’sCreed,largementdansle domainecosmétiquedelacréationvisuelle.Les algorithmesintègrentavectalentetprécisionunepartie sélective dusavoir officiel mais choisissent avec beaucoup desoincequistimulelesimulacreparsoncoté spectaculaire. Ce choix spécifique de l’information dans le vaste domaine des données disponibles, la préférence pour ledétailexotiqueau détriment d’un point de vue globalet analytiqueestexactementcequiplacelejeuvidéodece typeducotédelafictiondansledomaineoccupéen littératureparlacatégorieoccupéeparlesconteset légendes. Plus spécifiquement, bloquée irrémédiablement, pour le domaine historique, dans l’inévitable narration du scénarioalgorithmiqueprescrit,c’estseulementdansle domainedelacapaciténumériqueofferteparles algorithmesproduisantlerenduvisuel,quelasérie Assassin’s Creedpeut s’«aventurer»au-delà du document, dans le domaine spéculatif des « mondes
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possibles », c’est-à-dire dans le domaine propre du mythe. Dans les années récentes Ubisoft a accentué cette dimension inventive de l’histoire et donc s’est attaché à pallier toute forme deconduite historique aléatoire dans la matrice algorithmique de ses jeux, grâce à la conception virtuelle d’élémentshistoriques visuel possibles. La capacité exceptionnelle des moyens dereconstitution visuelle développée par Ubisoft dans le domaine de restitution de l’Histoire s’engage donc maintenant dans le domaine paradoxal du mythe en proposant des « hauts-lieux »historiques mythiques qui « ont pu exister ». Le développement remarquable de cette nouvelle avancée dans l’écriture numérique du genre «fantasyhistoire », c‘est que ces créations algorithmiques toutes artificielles et ouvertement immatérielles trouvent maintenant place… dans des musées, aux côtés des artéfacts historiques dument authentifiés par des quarterons d’experts. Ainsi récemment, la prestigieuse British Library, pour son exposition consacrée, depuis le mois d’octobre 2022,à Alexandre le Grand, accueille dans ses galeries, au milieu des reliques bien matérielles, une installation numérique de la tombe d’Alexandre le Grand, dessinée par Jean-Claude Golvin pour Assassin’s Creed : Origins. La notice officielle indique bien que, comme la tombe n’a jamais été
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retrouvée, l’installation présentée constitue une «interprétation possible »de cequ’étaitlatombe d’Alexandre.8Faut-ilvraiments’étonnersiletitrede l’expositionélimineladimensionhistoriquedeceroide Macédoine et le situe immédiatement dans le simulacre de la légende :Alexander the Great: The Making of aMyth?
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NOTES1Mircea Eliade, La nostalgie des origines(Paris : Gallimard, 1971), 8.2Jean Baudrillard, Simulacra and Simulation(Ann Arbor: The University of Michigan Press, 2011), 123.3Slate, webzine publié par le Slate Group, une compagnie affiliéeaugroupefinancierGrahamHoldingsbaséen Australie,Singapour, AngleterreetÉtats-Unis.Ilexiste uneversionenanglais(https://slate.com/)etuneen français(https://www.slate.fr/).Lesdeuxversionsdu webzinecouvrentrégulièrement,dansunerubrique spéciale, l’actualité des jeux vidéo.4Erik Sofge, «The American Revolution: The Game”, Slate, 26 octobre 2012, https://slate.com/technology/2012/10/assassins-creed-iii-is-a-thrilling-hyperdetailed-journey-to-the-colonial-era-there-are-also-aliens.html(consulté le 16 décembre 2022).5Antonine Maillet, Pélagie-la-Charrette (Paris: Grasset, 1979), 18.
6Ibid.,94-95.7Ibid., 223.
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8https://news.ubisoft.com/en-gb/article/4NXZclyvIlERbp0rw1CCDL/assassins-creed-partners-with-british-library-for-alexander-the-great-exhibition (consulté le 15décembre 2022).
Kim Sacks Université de StrasbourgDu traitement machinique de la pensée et de l’épuisement algorithmique des combinaisonsLalocutionmachinelearningestentréedansle langagecourantdessciencesdel’informationetdela communication;elle qualifie le procédé selon lequel une machinetraiteautomatiquementdel’informationquilui estexterneafindeproduiredesmodèles.Cemécanisme s’appuiesurl’idéequ’untraitementalgorithmique permettraitderéduireleschosesàleuressenceetd’en extraire les structures abstraites de la connaissance.Ilestcoutumed’avancerquelanoteGd’Ada Lovelaceconstituelapremièreformalisation mathématiqued’untraitementalgorithmique,et d’attribueràAlanTuringlapaternitédel’intelligence artificielle.Bienqueleursrôlesrespectifssoient absolument décisifs dans l’informatique contemporaine, le traitement de l’information par une méthode combinatoire s’impose dès le XIIIe siècle notamment dans les travaux
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deRamonLlull,philosophe,mystiqueetthéologien catalan dont les travaux inspireront fortement, entre autres, De arte combinatoriade Gottfried Wilhelm Leibniz publié en1666etlesœuvresdeGeorgeBoole1.L’enjeucentral decestravauxestunsystèmedemodélisation combinatoiredelapenséeparl’épuisementdes combinaisonsdeconceptsessentiels.Commelenote AnthonyBonneràproposdeLlull,cettemodélisation laisseenvisageruntraitementsystématiquede l’information :Deplus,commeillesouligne,celapermetdele fairesystématiquementàtraverstoutl'alphabet. Ceciestimportant,carl'unedesfaçonsdontLlull concevait son Art comme «général»était précisémentdanssacapacitéàexplorertoutesles combinaisons possibles de ses composantes.2Enpartantdupostulatqu’unemodélisationexhaustivede lapenséeestpossible,ildevientalorsenvisageablepour Llulldeconstruireunemachinelogique,autrementdit, unemachinecapabledemécaniserlesstructuresdu raisonnement.Cettemachinepensanteaffirmeouinfirme toutespropositionsparlebiaisdecombinaisons conceptuelles et mécanise l’apprentissage :le dispositif
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permettraitobjectivementdeconvaincreetd’appliquerun modèledepensée.Lafabricationdumécanismetraduit chezRamonLlullunealgorithmiedelaconviction théologique,lebutétantdeconvertirauchristianismeles personnesd’autresconfessions;lesmachinesobjectivent lapenséeparl’épuisementmécaniqueduraisonnement logique.Commenousleverrons,cetteargumentation trouveinévitablementunéchoflagrantdanslalittérature critique abordant les technologies contemporaines comme desinstrumentsdemanipulationintellectuelleet idéologique,notammentchezMcKenzieWarkou Shoshana Zuboff.Ennousappuyantsuruneanalysephilosophique des enjeux et limites de la machine de Ramon Llull, notre contributionseproposed’étudierlesrelationsentreles mécanismeslogiques(chezLlull,Leibniz,W.V.Quineet Boole) et les logiques des algorithmes contemporains. Voir entreautres,l’implémentationd’arbresdedécisionsdans lesmoteursdetraitementlinguistiquesyntaxique, essentielspourcequ’ilconvientd’appelermachine learning.Nousnousattacheronsàtraiterdes conséquencesd’unemodélisationcombinatoiredela connaissancelorsquecelle-ciconstituelesocletechnique des vecteurs de l’information et des technologies
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persuasives.Cetexten’apasvocationàtraiterdefaçon exhaustivedelaphilosophieetdelacombinatoire,mais plutôt d’éclairer quelques problématiques contemporaines de la relation des machines et quelque chose de l’ordre de ladigitalisationdelapenséeetsacalculabilité subséquente.I Enjeux et limites de lalogique combinatoire CommelesuggèreTonSalesàproposdeRamon Llull,explorerlapenséehumaineainsiquelalogiquepar lebiaisderèglesetdeprocéduresimpliquedessystèmes symboliques. «De même que Boole plus tard, Llull croyaitfermementquelapenséehumaine(le raisonnement logique) pouvait faire l'objet d'un traitement symbolique,deprocéduresunifiéesetd'unsuivietd'un contrôle objectifs. »3L’idée qui hante les travaux de Llull, etplustardceux deGeorgeBoole,estcelledel’étudedes loisfondamentalesdelapenséehumaine;l’hypothèsede Boole est qu’il serait possible de formaliserla pensée, d’en extrairelesrèglesdemanipulationdeconceptsetdeles exprimervial’algèbre4.Pourcefaire,unsystème symboliquepermettraitletraitementalgorithmiquedela pensée. Llull proposait quelque chose du même ordre tout
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ensuggérantqu’ilseraitnécessairederestreindrela penséeàunnombrefinideconceptsfondamentauxafin d’articulerlesrèglesdelapenséeavecuneformalisation de la logique pour parvenir à un traitement objectif.Pournousintéresseràlacalculabilitédelapensée, ilnous faut d’abord regarder comment s’articule la logique etlelangage.Lespionniersdel’artditinformatiqueont très vite perçu le potentiel permutationnel et combinatoire desmachines:auseindubureaud’Oulipovasediffuser, dès1963,lasecondeversiondumanifestedel’art permutationneld’AbrahamMoles5.Cedocument,même s’iln’estenaucuncaslepremieràattesterd’unerelation intriquéeentrelesformesdereprésentations,leurs systèmesdesignesetlesmathématiques,démontreune fermevolontédeformaliserl’usagedeméthodologies rigoureuses.Cesdernièresexplorentlesenjeuxdela configurationetdel’agencementdesformesetdesobjets selondesrèglespréétablies.Or,lorsquenousparlonsde l’exécutionderèglespréétablies,nousparlonsbien d’algorithmie et de programmatique.Définissonsquelques-unsdenostermes.Tout d’abord,nousnousappuyonssurladéfinitionde l’algorithmequenousproposeDonaldKnuthdansles premières pages de son ouvrage de référence, dont il fait
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remonterlesoriginesbienau-delàdesordinateurs6. L’auteurlerapproche,nonsansréserve,delarecettede cuisine,dequelquechosedel’ordred’uneméthodequi porte avec elle une règle strictement définie par des étapes d’exécution.Voicidoncunalgorithme.Lesensmoderne d'algorithmeestassezsimilaireàceluiderecette, processus,méthode,technique,procédure,routine, galimatias,saufquelemot"algorithme"aune connotationunpeudifférente.Enplusd'être simplementunensemblefiniderèglesquidonne uneséquenced'opérationspourrésoudreuntype spécifiquedeproblème,unalgorithmeacinq caractéristiquesimportantes:1)Finitude.[...]2) Caractèredéfinitif.[...]3)Entrée.4)Sortie.[...]5) Efficacité.7Cettedéfinitionn’estdoncpasstrictementmathématique, maisentrebiendanslecontextedel’organisationd’une penséefaitedecausalités,d’inférencesetdedéductions. Nous proposons d’en souligner deux implications qui nous semblentparticulièrementpertinentespournotre argumentation :le systématisme et l’automatisme. En effet, une machine exécutant un algorithme par le
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traitementd’unsystèmedesignespermet,dufaitdela réductionàuneprocédureabstraite,untraitement automatiqueetsystématiquedetouteslescombinaisons. Parextension,sicettehypothèses’imposedansson applicationàdeschiffres,ellepourraitenoutreêtre applicableàn’importequelsystèmedesignes,commele langage lui-même, du moins en théorie.LorsqueJorgeLuisBorgesreprendl’idéed’une bibliothèque universelledans sa nouvelleLaBibliothèque deBabel8,ilmetenévidencel’hypothèsedel’existence théoriqued’unebibliothèquequicontiendraituneinfinité delivres.Dèslespremièreslignesdutexte,lafinitudede cette bibliothèque soulève des interrogations:si les signes sontnumériquementlimitésetquelapageestdéfinieen espacepotentiel,alorslenombredelivresn’estenrien infini.Encommentairedecettedéfinitiondela bibliothèqueuniverselle,lemathématicienW.V.Quine ajoute :Il est tout de même intéressant que la collection soit limitée.Lavéritéentièreetultimesurtoutechose est imprimée en entierdans cette bibliothèque, après tout, dans la mesure où elle peut être mise en mots.9
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Ilestimportantdenoterquelorsquenoustraitonsdela questiondescombinaisons,noustraitonsprincipalement delaquestiondupotentiel,àsavoirnonpasuneréalité effectivedel’épuisementd’unnombrefinide combinaisonsmaisbiendelavirtualité.Bienentendu,ce sujet est au cœur de la question de la littérature potentielle et au centre des mises en question de l’Oulipo. S’il ne faut citerqu’unexempledéjàéminemmentétudié,nousnous tournons vers Raymond Queneau et son célèbre Cent mille milliardsdepoèmesde1961.Pourl’auteur,l’enjeun’est pas d’offrir àson lectorat un épuisement strict de toutes les combinaisonsmaisbiendeluidonnerlecadreformelqui définitl’épuisementpotentieldescombinaisons10.Pour qu’il yait combinatoire, ilfaut répondre à deux conditions:d’unepartêtreenprésenced’unecollection finie,etd’autrepartavoiruneunitédebaseinsécable.Encesens,l’unitédebasepourQueneauestleverssurla languetteetlacollectionfiniesecomposededixfeuillets de quatorze languettes, soit 1014 combinaisons potentielles.Or,danslesconditionscontemporainesde l’informatique,lepotentielcombinatoiredutraitement machiniques’étendàtoutcequifaitinformationetpas simplement les mots :les images sont également des
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collections finies depixels. Certaines œuvres plasticiennes nesontpasétrangèresàl’explorationdel’épuisementdes potentiels.Ellestraduisentlesenjeuxsyntaxiquesdela combinatoiredanslechampdelaproductionvisuel.Si nousprenonsl’œuvredeJohnF.SimonJr.,Every Iconde 1997,nousyvoyonsuneréalisationtechniqued’un épuisementdetouteslescombinaisonspotentiellesde pixels(unitédebase)surunegrille(ensemblefinide 32x32pixels)11.Notonsenoutrequecetteidéepeutêtre étendueàd’autresformestechniques,commeexposée dansl’œuvreTheEnddeJimCampbellde1996(surune grilledediodesélectroluminescentes),ouencoredansle projetd’extensiondelabibliothèqueuniverselle,Library ofBabeletBabelImageArchives,deJonathanBasile12. Cesdifférentsexemplesnoussuggèrentune problématiquesimilaire:quereste-t-ilsilacomputation permet d’automatiser l’épuisement exhaustif des possibles?Rien,commelesuggèreletitredel’œuvrede Campbell? Pourtant, ici une distinction importante s’opèreetlesœuvresn’offrentpastoutàfaitlamême expérience à l’usage;en effet, dans son œuvre Simon Jr. soulignelefaitqu’unalgorithmepeutêtreprogrammé pourépuisertouslespossiblesdefaçonstrictement exhaustive mais que la méthode dite de brute force ne
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révèlerienàl’entendementhumain.DanslecasdeCent mille milliards de poèmes, c’est la lecture qui donne le sens àla combinaison, non sans une pointe d’ironie ;l’objet-livren’offrepasl’épuisementexhaustifpar l’automatisation, il l’offre en potentiel à l’usage.Undesenjeuxcentrauxdelaquestiondela combinatoireestdonccelledelafinitudedansunespace limité.Siladéfinitiondecetespacen’estpas nécessairementimmuable,ildemeurequec’estcelle-ci qui encadre l’espace de l’épuisement potentiel. Autrement dit, les 1014poèmes de Queneau ne sont en rien une valeur absolue vis-à-vis de la poésiemais bien une limitedans un espace prédéfini par l’objet13. Ce qui permet la production d’unpoèmeextraitdel’ensembledespossiblesestla combinaisondelanguettes,leursconfigurations,leurs agencements.Pourtant,cettelimiten’estenrien déterminée par le contenu de la languette ;tous les espaces finiscomposésdelasorteontlemêmepotentielde1014 combinaisons. Le langage yjoue un rôle quasi secondaire : la sémantique ne s’offre ici que pourle lectorat qui perçoit dansl’objet-livreunesorted’algorithmequigénère,à partird’uncorpusprédéterminé,unpoème.Ousinous voulons être plus rigoureux, non pas ce qui génère mais ce qui fait apparaître le poème puisqu’il ne s’agit en rien d’un
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processusdegénérationex-nihilomaisplutôtd’unemise aujourdequelquechosequiexisteenpotentiel.Ence sens,ilsemblequel’imaginairedelagénération machiniques’opposeàlaréalitétechniquede l’algorithmie.Lespointsquenoussoulevonsiciausujet delapoésiesontapplicablesàlaquestiondel’image digitale.Il faut donc, unenouvelle fois, distinguer entre deux éléments;d’une part, la combinatoire en tant que telle, autrementditleprocessusquipermetlesdifférents agencements potentiels d’éléments dans unensemble fini, etd’autrepart,cequeproduisentcesagencements. Prenons le texte;le textes’appuiesur une langue, qui elle-mêmedépendd’unalphabet–unensembledontl’unité graphiqueestlegraphème.Unalphabetestbiendéfini commeunensemblefinidecaractères,26pourl’alphabet latin, 22pour l’hébreu, 28pour l’arabe etc.Les joueurs de Scrabblel’ontbiencompris,iln’existequ’unnombre fini de combinaisons (et donc de mots) pour un nombre donné delettres,commeparexemple,1lettreéquivautà26 possibilités,2lettresà676etc.Saufque,bienentendu, toutescescombinaisonsnesontpasdesmotsquiontdu sens.L’actiondecombineretdereconnaîtreune combinaison sémantiquement convenable n’y est ni
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automatiquenisystématique.Pourtant,d’unpointdevue delacombinaison,lasyntaxeeststrictementcorrecte. C’estenoutrecequesoutientNoamChomskyau fondementdelagrammairegénérative,notammentdans les Syntactic Structuresde 1957;l’ordre des mots dans une phrase peut-être grammaticalement correct même si la sémantiquenefaitaucunsens,voiretendversl’absurde. Mêmesicen’estpasdirectementleproposdecetessai, regardons l’opposition que fait Chomsky à la définition de lagrammairecommedescombinaisonsdansdesespaces finis14;àtitre d’exemple, la structure de la phrasesuivante quid’unpointdevuesyntaxiqueestconvenable,illustre lesdistinctionsentregrammaire,syntaxeetsémantique: «Colorless green ideas sleep furiously.»15Les différents agencements des mots peuvent ou non provoquer du sens. Aumêmetitre,lesdifférentescombinaisonsdepixels peuventounondonnerlieuàuneimagereconnaissable, oulaisser place àun amas informe de pixels, dubruit. Pour Ramon Llull, la réduction delavérité à une liste limitée de conceptsfondamentauxpermetsontraitementobjectif. C’estlaréductionàdesgroupesd’élémentspermutablesquipermetd’envisagerlepotentielcombinatoirede l’algorithmie et par extension, des idées par le biais des
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mots ;la combinatoire pourrait, en toutes hypothèses, être unprocédé pour rendre la pensée computable.Avançonsl’hypothèsequelacomposante relationnelleentrelesélémentsd’unensemblefinien définitseslimites.Autrementdit,silesdifférentes combinaisonspotentiellessontlimitéesennombre,ilest alorsconcevabledepenserlelangagecommeunespace discret, même sila sémantique s’en abstrait. En raisonnant delasorte,cettelogiquepourraits’étendreàcelledela connaissance:celle-ci pourrait se réduire,àpartir d’un nombreprédéfinideconceptsfondamentaux,àun ensemblediscret.Ceprincipequidirigelestravauxde Ramon Llull n’aboutit pas àla production d’un système de logique formelle. Plutôt, il s’agit d’élaborerunsystème de modélisationcombinatoiredelapenséeàpartirdela combinaisondeconceptsessentiels,symboliséspardes lettresdontlefonctionnementreposesurdestableauxde combinaisonsetdescerclesderelationsentresles concepts. Comme le note Anthony Bonner :Ceslettres,cependant,représententdesconstantes etnondesvariablescommec'estlecasenlogique formelledepuisl'époqued'Aristote.L'Artentant quesystème,enfait,n'arienàvoiraveclalogique formelle. On pourrait peut-être le considérer comme
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unesortedelogiquematérielle,bienqu'ilsoit probablementpréférabledeletraitercommeune tout autre espèce. Llull lui-même aété très clair àce sujet,ledifférenciantclairement delalogiqueetde la métaphysique.16L’articulationentrelalogiqueformelleetleprojetde Ramon Llull n’est pas strictement de l’ordre de la filiation philosophique. Il tentera de sedémarquer de la logique des prédicats aristotélicienne commeledémontre avec finesse l’analysed’AnthonyBonner17.LepassagepourRamon Llull d’uneforme de logiquecombinatoire et générativeà uneautreformedelogique,fondéedansune argumentationsyllogistique,arrivetardivementdanssa vie ;ce point nous semble particulièrement important puisquel’entréedel’ontologiedanslerépertoire académiquedeLlullsupplantequelquepeula problématique de la mécanisation. C’est donc de la nature mêmedesprémissesqueposentl’auteurqu’ilfaut discuter.Entreleslignes,ils’agitaussidepenserle monde,àlafoissamystiqueetsamatérialité,commela résultanted’unestructurelogiqueetrépondantauxrègles prescrites,etdonc,programmatiques18.Latentativede Ramon Llull est celle d’un déplacement de la question
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d’une logique linguistique et de la sémiotique vers celle de leurs possibles objectivations et mécanisations.IIImplémentation et syntaxeSi,commenousl’avonsétudiéjusqu’àmaintenant, ilest envisageable d’appréhender le langagepar le biais de la combinatoire, il nous faut expliquer l’extension possible àcequifaitlacomputationdanslemondecontemporain. Revenonsquelquesinstantssurl’articulationquenous soulevions plus haut, de Quine, de Babel et l’invitation au raisonnement suivant:si l’on peut réduiretous les livres à desentitésquantifiablesetlimitéesennombre,nous pourrionslaréduireencoredavantage,parexempleparle biaisducodemorse,pourexprimerenpotentiel l’intégralité de toutes les idées de l’univers :L'absurditéultimenoussauteauxyeux:une bibliothèqueuniversellecomposéededeux volumes,l'uncontenantunseulpointetl'autreun tiret.Larépétitionetl'alternancepersistantesdes deuxsontsuffisantes,nouslesavonsbien,pour épelertoutevérité.Lemiracledelabibliothèque finiemaisuniversellen'estqu'uneinflationdu miracle de la notation binaire : tout ce qui vaut la
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peined'êtredit,ettoutleresteaussi,peutêtredit avecdeuxcaractères.C'estunedéconvenuedigne duMagiciend'Oz,maiscelaaétéunebénédiction pour les ordinateurs.19LacritiquedeQuinesoulèvequelquespointsquinous semblentessentiels.Enpremierlieu,pourl’auteur,la réductionparunsystèmedesignesrestreintsnelimiteen riensonpotentielcombinatoire,aucontraire;enthéorie, nouspourrionsréduirelesystèmedesignesaustrict minimum,soitdeuxsignesàl’instardumorse,etnous aurionsdeuxobjetsquiparlapermutationetla combinaisonpourraittoutproduire.Ensuite,quecette réductionn’estautrequecellequiapermislamiseen œuvre de la logique booléenne et son implémentation dans lesarchitecturesdelaquasi-totalitédenosmachines contemporaines.Ici,laréférenceàl’universalitédela bibliothèque nous fait inévitablement penser à la définition dubinaireformuléeparGeorgeBoole,pourlaquelleil emploielaterminologierienetuniversen lieuetplace du zéroetduun20.L’idéequidominel’informatique contemporaineesttoujourscelleportéeparBoole,à savoir, une manipulation de concepts par le biais de
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systèmes de signes extrêmement restreints et traitables par des règles mathématiques mécanisables.[...]lesuccèsdel'innovationdeBooleestdûen grandepartieàsacapacitéàconjuguerlesdeux typesdecalculillustrésdanslestravauxdeLlullet deLeibniz:lecalculentantquemanipulationde concepts basée sur des règles et le calcul en tant que calcul arithmétique.21Boole,dontiln’estpaslapeinederappelerl’influence pourledéveloppementdel’algèbrebinaire,proposerala réduction àl’unité de base la plus élémentaire. Ce faisant, ilsembleproposeruneconvergencenotableentreles travauxdeLlull(surlamanipulationdeconceptparla combinatoire)etceuxdeLeibniz(surl’association arithmétique).LesalgèbresdeBoolepeuventêtreconsidérées commeunesynthèsedesidéesdeLlull,quitraitait lesconceptsdemanièreextensionnelle(enparlant de manière anachronique) mais sans exploiter aucun outilarithmétique,etdeLeibniz,quivoyaitl'utilité d'associer les propriétés arithmétiques aux
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intentions, mais qui allait trop loin dans l'autre sens enessayantdefairecorrespondrelespropriétés arithmétiquesdirectementauxpropriétésdes intentions.22Ilconvientdesoulignerquelquesaspectstechniquesde l’électronique de nos machines contemporaines:au cœur delacomputation,nousnousappuyonssurcequel’on nomme des combination logic circuits. En d’autres termes, ils’agit d’agencements de circuits de portes logiques. Ces dernièressontdesimplémentationstechniquesdela logique booléenne;elles permettent de laisser passer un courantélectriqueuniquementsouscertainesconditions matérielles.Cequicomptepourlamachineestl’étatdu courant(hautoubas)etc’estàpartirdelàquel’onpeut penserlecodagedel’information23.Laconséquencede cette implémentationtechnique est qu’il possible de :1) donner àl’état du courant (haut oubas), son équivalent en logiquedesprédicats(vraioufaux)et2)matérialiserdes connecteurslogiquesviadesagencementsdeportes logiques.Cetteimplémentationpermetlamiseenœuvre machiniquedesopérateurslogiques:lanégationparla portelogiqueNOT,laconjonctionAND,ladisjonction OR, etc. Ainsi, lors de l’étude d’une table de vérité
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associéeàuneportelogique,ilconvientd’épuisertoutes lescombinaisonsdesvaleursd’entrée,qu’ils’agissede binaire oude valeurs de vérité des prédicats.ABAND FAUX FAUX FAUX FAUX VRAI FAUX VRAI FAUX FAUX VRAI VRAI VRAIEnoutre,l’agencementdeplusieursconnecteurs logiques permet d’ouvrir l’informatique à la mise en place d’unsystèmedelogiquedeplusenpluscomplexe,et prochedeslogiquesderaisonnement.Enrapprochantces tablesdevéritéaveclestablesdecombinaisonsde conceptsdeLlull,ildevientassezclairquel’idéedela réduction àun système mécanisé de la logique permettrait enthéoried’étendre,pardesagencementscomplexes,la computation àtous les types d’information, si tant est que celle-ci repose sur un même système symbolique.La principale force motrice de la technologie informatique est probablement la prise de
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consciencequetouteinformationpeutêtre représentéepardesnombres.Celaimpliqueque l'ordinateur,quiétaitjusqu'alorsutilisépourtraiter desnombres,peutêtreutilisépourtraitertousles types d'informations.24Or,sinousacceptonsl’hypothèseselonlaquellela réductionàunsystèmesymboliqueminimal(lemorseou lebinaire)permetenthéoriederendrepossiblela computationdetouslestypesd’information,ildevient alors concevable d’envisager le glissement entre la logique combinatoireàcelled’unelogiquedeprogramme. Autrementdit,àlastructurationdel’informationquifait naîtregrâceàlapermutationd’élémentsdécrits statiquementaupréalable(commec’estlecasdansles diagrammesdeLlull)vientsesubstituerunelogique faisant del’information une valeur abstraite puisque celle-cipeut-êtreencapsuléedansdesvariables.Surcepoint précis,lanoteGdeLovelacerelèvebiend’unepensée algorithmique. Notons les propos de Johana Drucker :Lesdiagrammesnesontpasdessubstituts d'énoncéslinguistiques,nidesimples représentations de connaissances formelles déjà
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acquises. Ce sont des systèmes génératifs composés d'élémentsnonambigusquipeuventêtreutilisés pour modéliser et articuler des preuves.25Commentalorsmettreenrelationcesdiagrammes,par essencecombinatoires,aveclesarbresdedécisions,par essence procéduraux?Il n’est pas nécessaire de revenir amplement sur l’arbre de la connaissance comme système graphique,ausujetduquelDruckerconsacreuneanalyse détailléeetcomplète26.Reprenonssimplement l’importante hypothèse qu’elleémet:elle sépare les graphes du types arbres (dont celui de la connaissance) de cequ’elleappellelesknowledgegenerator,soitles générateursdeconnaissance.Etc’estdanscetteseconde catégorie qu’elle inscrit les travaux de Llull. «Contrairement aux arbres, les générateurs de connaissancessont des combinatoires.»27Les arbres sont hiérarchiques,alorsquelesdiagrammessont combinatoires.Ilsnepermettentpasdepermutations. Malgrél’absencenotabledevariables,l’agencementet l’utilisationdediagrammesmobilesdeLlullfontémerger quelquechosedel’ordredelaconnaissance.Làoùun arbreeststatique,l’agencementestprédéterminéou programmé alors que les objets de Ramon Llull proposent d’abstraire la procédure au profit d’une combinatoire qui
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feraitnaîtrequelquechosedenouveau,commela résultantedelacombinaisonmachinique.Enclair,le nombrederésultatscombinatoiresdesdiagrammes llulliens en ferait des outils de connaissance générative.Acontrario,sil’onregardelesarbresdedécisions syntaxiquesquihabitentnombredenosalgorithmes contemporains(notammentlesmoteursdecompilation), lesstructuresdel’informationcorrespondentpeuouprou àcellesdécritesparKnuthdanssadéfinitiondeleurs conditions techniques28;pour qu’il yait arbre, ilfaut nécessairementqu’ilyaitembranchement.Sous-entendu, ilexisteunchemin,intellectuelet/outechnique,qui permetlanavigationdansunsystèmearborescentviades nœudsdedécisionssuccessifsetsouventexclusifs.C’est engrandepartiedecettefaçonquesontimplémentésles arbresdedécisionsdanslesmoteursdetraitement linguistiquesyntaxique,essentielspourcequ’ilconvient d’appeler machine learning. Le machine learningcherche simplementàrendreleprocessus duchoix,dansunarbre, automatique.
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III Modélisation de la connaissance et technologies contemporainesL’enjeudelamodélisationdelaconnaissanceetdu machinelearningest,semble-t-il,avanttoutdepouvoir produire des machines qui rendent possiblela prédiction.Lemachinelearningetlaprédictionsontpossibles parcequelemondeadesrégularités.Leschoses danslemondeévoluentdemanièrerégulière.Nous ne sommes pas «téléportés»dupoint Aaupoint B, maisnousdevonspasserparuneséquencedelieux intermédiaires.Lesobjetsoccupentunbloc d'espace continu dans le monde. Les points proches dansnotrechampvisuelappartiennentaumême objetetontdoncgénéralementdesnuancesdela mêmecouleur.Lesonaussi,qu'ils'agissed'une chanson ou d'un discours, évolue de façon continue. Les discontinuités correspondent àdes frontières, et elles sont rares.29Pourtant,l’idéeselonlaquellelesmachinesseraient capablesdetoutesttenace.Peut-êtretrouve-t-onun élément de réponse à cette question dans cette définition
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d’EthemAlpaydin lorsque l’auteur avance la relation entre prédictionetimplémentationtechniquedansunmonde vraisemblablementcontinu.Cettecontinuitéfait inexorablement écho au principe de continuitéque Leibniz formule.LamachineutopiquedeTuringestbienune machine fantasmée. Àce titre, Minski rappelle que l’étude des machines dites universelles, même si elles n’existeront jamaispuisquereposantsurdelaspéculationtechniqueà partirderegistresetdemémoiresinfinis,demeuretout aussi importante en ce qu’elle offre une perspective sur les machinescontemporaines,malgrélefaitquecelles-ci soient par définition limitées30. En revanche, l’idée qu’une prédictiondansunespacefinisoitenvisageablen’entre pas en contradiction avec la nature même des programmes.Ilestcertainementvraiquelaprogrammation-le travailconsistantàspécifierlaprocédurequ'un ordinateurdoitexécuter-revientàdéterminerà l'avancetoutcequel'ordinateureffectuera.Ence sens,leprogrammed'unordinateurpeutservirde descriptionpréciseduprocessusquelamachineva exécuter,etdanscemêmesens,ilestsignificatif quetoutcequipeutêtrefaitparunordinateur puisse être décrit précisément.31
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Minskyreprendlaquestiondeladescription,qu’il articule,àpartird’uneanalysedutextede1936de Turing32, avec le langage employé àla description. Anotre sens, il remarque àjuste titre que les questions associées à l’idéedel’algorithme,oudemanièreéquivalenteà l’effectiveprocedure,relèventdelalimite(ounon)dela descriptiondesprocessuspourdélimiterlespotentiels computationnels33.L’auteurnousinviteàpenserles mécanismesdetraitementsderèglesenlesformulant selon deux propositions ;la première est la définition d’un langagecommelemoded’expressiondéclaratifd’unjeu derèglesetlasecondeestl’existenced’unemachinequi interprètelesdéclarationsetexécutelesétapesdu processus déclaratif.Nousretrouvonsbiendanslesproblématiques convergentesentrecellesdutraitementsyntaxiquedu langage,àlafoischezChomskyainsiquedansune certainemesurechezQuineetQueneauaveccellesdestentativesdemécanisationdelapenséeparexécutions d’unprocessusdéclaratifcheràLlull.Danslecasdes structuressyntaxiques,leslimitesdelapermutationpour la sémantique serait la suivante:changer l’ordre des mots dansunephraseenchangeraitdrastiquementlesens,en conséquence, les permutations altérerait la sémantique.
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Réciproquement,silesconceptssontdénombrablesdans desespacesfinis,etsontdefaitlimitésàunnombre définissabledeconcepts,alorsildevientpossible(entout cas,théoriquement)delestraitercommedeséléments d’un système combinatoire. La conséquence pour Llull est qu’ildeviendraitdèslorsenvisageabledetraiter objectivementl’articulationdesconceptsparla mécanisationdeleurlogiquerelationnelle. Autrementdit, lesidéesseraientcomputablesmêmesiellesnesontpas définiesdansdessystèmesutopiques,àl’instardes machinesuniverselles.Sinousreprenonsl’exempledela BibliothèquedeBabeldeJonathanBasile, l’implémentationpermetlerenversementdel’idéede l’épuisementdeBorges.Ici,l’algorithmepermetnonpas d’épuisertouteslescombinaisonspossiblesmaisplutôt, unpeuàl’instardeQueneau,delesoffrirenpotentiel; autrementdit,lorsqu’unusagereffectueunerecherchede page,lapageestgénérée.Laseulechosestockéeen mémoireestl’algorithmequiconvertitlapageenune adresse, et réciproquement. Deux choses notables:1) la questiondel’infiniqueQuinesoulèveestclairement illustrée et la finitude en mémoire de Turing ne pose, pour ainsidire,pasdeproblèmemajeurquantàlagénération des pages 2) la réversibilité du programme, c’est-à-dire
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qu’avec le programme de Basile, il est possible de trouver unepagedelivreenfonctiondesonadresse,et/ou inversementtrouveruneadresseàpartird’unepagede livre.Pasdemagie,riendeplusqu’unefonctionqui permetdeconvertiruneadresseenpageet réciproquement.Laconnaissancen’estdanscecaspasle propos,ellen’estquelarésultanted’unecombinaisonde signes et non une archive universelle.Ilfautcependantajouterqueladéfinitionqui prévautestcelledeconceptsdéfinisintrinsèquement,et nonenfonctiond’unenvironnement.C’est-à-dire,les concepts ne sont, dans notre cas, pas définis par des choses quilesaltèrentdepuisl’extérieur.C’estenoutreundes points de l’argumentaire sur l’incomputabilité proposé par Galloway ;celle-ci relèverait en partie d’agencements d’élémentsextrinsèques,del’ordredurelationnels, commeparexemplelastratégiedujeudelaguerreou encorel’architectureweb34.Nouspouvonspenserqu’il s’agiteneffetd’unelimitedel’autonomisationdu traitementdelaconnaissance.D’autantqueleprincipede contradictionnepermetpas de conjuguer deux valeurs de vérité pour une même entité. C’est en effet sur ce point que Leibnizreprendl’axiomearistotélicienetl’étend,sij’ose dire, à ce qui deviendra le cœur de la pensée de la
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computationencequ’aucunobjet,dufaitdeson implémentationtechnique,nepeutêtrevraietfaux simultanément.Sidureste,ilyavaitunecontradiction, celaprovoqueraituneerreur,dufaitqu’unsystèmede décisionneprovoquepasunchoixautonomeencas d’égalitédevaleurdevérité.Précisonstoutefoisqueles modèlesdécisionnelscontemporainscherchentà contournerleproblèmeenarbitrantlesdécisionspardes modèles statistiques de vraisemblanceou de choix pseudo-aléatoires,commeparexempledanslecasdesvoitures autonomesoudelaprédictiondespronomsauseindes moteurs de suggestions linguistiques.IV Limites ?Ilparaîtévident,qu’enl’étatactuel,toutn’estpas calculable.Pourtant,l’idéeselonlaquellelamachine pourraittoutcalculerrestebienprésente,voire omniprésente. Et celle-ci demeure un idéal àatteindre pour les industries du numérique,malgré les limites, impliquant desimplémentationstechniquesdeplusenplusen capacitéde nousdonneràvoirdesmachinesqui semblent capablesdetout.Cefaisant,ladistinctionentrel’idéal utopique de la machine universelle et la machine concrète
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sembles’amenuiser.Nouspouvonstoutefoisnous questionner,enconclusion,surlesconséquencesd’une modélisationcombinatoiredelaconnaissancelorsque celle-ciconstituelesocletechniquedesvecteursde l’information et des technologies persuasives.Prenonsl’exemplecontroversésuivant:en2013, unarticledeMichalKosinski,DavidStillwell,etThore Graepel35proposedeconsidérerleslikessurFacebook (quisontdoncdesvaleursbooléennes)commesuffisants pourétablir,grâceàuntraitementalgorithmique,des profils psychologiques d’usagers du réseau social. L’étude chercheàdémontrerqu’ilesttechniquementpossiblede réduirelescomportementsindividuelsàunecombinaison d’indicateursdiscrets,etdoncquantifiables,limitésàdes valeurs unaires. La controverse vient du faitque l’enjeu ici estbiendemettreenapplicationdesmodèles combinatoires danslecadre d’exploitation technologique, dans le but de constituer des profils d’usagers et de prédire, statistiquement,leurs comportements.En d’autrestermes, la matrice idéologique sous-jacente est lamodélisation des modesdepenséed’usagersparuntraitement algorithmique, reposant, indirectement, sur les travaux des précurseurscommeceuxdeRamonLlullquifaisaitdes modèles combinatoires des outils de persuasion. Or, c’est
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biensurceterrainquevasedéployerlescandalede CambridgeAnalyticaetsonimpactsurlesélections américaines de 2016 :l’hypothèse d’une prédiction suffisammentpertinentedescomportementspermettrait d’identifierlesprofilsd’usagerssusceptiblesd’êtresujet d’unciblage,autrementdit,d’uneprédictionde comportements à venir sil’usager est soumis à un contenu incitatif.Lamodélisationsevoiticimiseàdisposition d’unepersuasion,théoriquementprochedelaconversion parladémonstrationobjectiveetmachiniqued’une logique de pensée propre aux travaux de Llull.Terminonsdoncsurcesdeuxpoints.Toutd’abord, malgréleslimitesquenousavonssoulevées,lalogique combinatoiren’empêcheenriend’implémenterdes systèmesdetraitementprédictif.Ensuite,enpartantdes prémissesd’untraitementmathématiquedelapensée ayantpourconséquencelapossibilitédelaprédictiondes intentionsàvenir,l’idéed’uneprédictiondes comportementssembleentrerencontradictionavecla naturemêmedulibre-arbitrehumain,confrontantainsile monde de la technologie avec les enjeux philosophique du déterminisme.Ensomme,qu’ils’agissedestravauxde RamonLlull,deGottfriedWilhelmLeibnizouencorede George Boole, tous ont participé à faire émerger, voire
NOTES1Notammentsesdeuxouvragesmajeursdansle développementdel’algèbrebinaireetdel’informatique subséquente:Boole, George, An Investigation of the Laws ofThought,onWhichareFoundedtheMathematical Theories ofLogic andProbabilities,London :Waltonand Maberly,1854.DOI:10.1017/CBO9780511693090et Boole,George,TheMathematicalAnalysisofLogic: BeinganEssayTowardsaCalculusofDeductive Reasoning, London:Macmillan, Barclay,& Macmillan, 1847.2Nous traduisons :«It furthermore, as he points out, permitsustodothissystematicallythroughouttheentire alphabet.Thisisimportant,becauseoneofthewaysin whichLlullconceivedhisArtas"general"wasprecisely initscapacitytoexploreallthepossiblecombinationsof its components.», Bonner, Anthony,«What was Llullup to? », in Bertran,Miquel, Rus, Teodor (eds), Transformation-BasedReactiveSystemsDevelopment. ARTS 1997. Lecture Notes in Computer Science, vol 1231. Berlin : Heidelberg, Springer, 1997, 6.3Nous traduisons :«As Boole later, Llull firmly believed that human thought (logical reasoning) was amenable to
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symbolictreatment,unifiedproceduresandobjective follow-up and control.», Sales, Ton,«Llull as computer scientist orwhy Llull was one of us », in Bertran, Miquel, Rus, Teodor (eds), op. cit., 17.4Boole, George, An Investigation ofthe Laws ofThought, onWhichareFoundedtheMathematicalTheoriesof Logic and Probabilities, op. cit.5Lartigaud,David-Olivier«Retoursurlemanifestede l’artpermutationnel»,dansSacks,Kim,Guégan,Victor (dir.),Systèmes:logiques,graphies,matérialités,Revue DesignArtsMedias,08/2022,(consultéle28/08/2022), URL:https://journal.dampress.org/issues/systemes-logiques-graphies-materialites/retour-sur-le-manifeste-de-lart-permutationnel6Knuth,DonaldE.,TheArtofcomputerprogramming volumeI,FundamentalAlgorithms,(thirdedition), Massachusetts : Addison-Wesley, 1997,1-2.7Nous traduisons:«So this is an algorithm. The modern meaningforalgorithmisquitesimilartothatofrecipe, process, method, technique, procedure, routine, rigmarole, exceptthattheword"algorithm"connotessomethingjust alittledifferent.Besidesmerelybeingafinitesetofrules thatgivesasequenceofoperationsforsolvingaspecific type of problem, an algorithm has five important
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features: 1) Finiteness. […] 2) Definiteness. […] 3) Input.4)Output. […] 5) Effectiveness. », Knuth, Donald E., op.cit., 4-6.8Borges, Jorge Luis,« La Bibliothèque de Babel », Fictions, Traduitdel’espagnolparP. Verdevoye,Ibarraet Roger Caillois, Paris : Gallimard, 1983.9Nous traduisons :« It is interesting,still, that the collectionisfinite.Theentireandultimatetruthabout everything is printed in full inthat library, after all, insofar as it can be put in words at all.», Quine, Willard Van Orman,Quiddities:AnIntermittentlyPhilosophical Dictionary,Cambridge, Massachusetts:The Belknap Press of Harvard University Press Cambridge, 1987, 224.10Nouspourrionsrapprochercetaspectde l’expérimentationdel’épuisementdePerecdansPerec, Georges, Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, Paris : Christian Bourgois, 2003.11Rouffineau, Gilles,«Effets de codes, éprouver le temps », dans Lartigaud, David-Olivier (dir.), Art++, Orléans : Hyx, 2011, 155-177.12Consultable en ligne, https://libraryofbabel.info/ [consulté le 18/09/2022] et http://babelia.libraryofbabel.info/ [consultéle 18/09/2022]
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13Ilenvaainsipourl’œuvredeJohnF.SimonJr.dont nouspouvonstrouveruneanalysedétailléedes combinaisons dans le texte de Rouffineau, Gilles, op. cit.14Chomsky, Noam, Syntactic Structures, Princeton, New Jersey : Mouton and Co., 1957, 24.
15Chomsky, Noam, op. cit., 15.16Noustraduisons:«Theseletters,however,represent constantsandnotvariablesastheyhaveinformallogic sinceAristotle’stime.TheArtasasystem,infact,has nothingtodowithformallogic.Onecouldperhaps consideritakindofmateriallogic,althoughitwould probably be best to treat itas another species entirely. Llull himselfwasquiteclearaboutit,differentiatingitclearly from both logic and metaphysics. », Bonner, Anthony, The ArtandLogicofRamonLlull:AUser’sGuide,Studien Und Texte Zur Geistesgeschichte Des Mittelalters, Leiden, Boston : Brill, 2007, 18.17Bonner, Anthony,The Art and Logic of Ramon Llull: AUser’s Guide, op. cit., 188-256.18A ce sujet, nous renvoyons aux travaux de Vilém Flusser, particulièrement letextesuivant:Flusser, Vilém, « Programme (Tes père et mère honoreras) », Multitudes, vol. 74, no. 1, 2019, 190-193.
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19Nous traduisons:«The ultimate absurdity is now staringusintheface:auniversallibraryoftwovolumes, one containing asingle dot and the other a dash. Persistent repetitionandalternationofthetwoissufficient,wewell know,forspellingoutanyandeverytruth. Themiracleof thefinitebutuniversallibraryisamereinflationofthe miracleofbinarynotation:everythingworthsaying,and everything else as well, can be said with two characters. It isaletdownbefittingtheWizardofOz,butithasbeena boon to computers.»,Quine, Willard Van Orman, op. cit., 225.20Boole, George, An Investigation of the Laws of Thought, onWhichareFoundedtheMathematicalTheoriesof Logic and Probabilities, op. cit., 47.21Nous traduisons :«[...] the success of Boole’s innovationwasdueinlargeparttoitsabilitytomarrythe twotypesofcomputationthatareexemplifiedinLlull’s andLeibniz’sworks:computationasrule-based manipulationofconceptsandcomputationasarithmetic calculation. », Uckelman, Sara L.,«Computing with Concepts,ComputingwithNumbers:Llull,Leibniz,and Boole », in Ferreira, Fernando, Löwe, Benedikt, Mayordomo,Elvira,MendesGomes,Luís(eds), Programs, Proofs, Processes. CiE 2010. Lecture Notes in
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Computer Science, vol 6158, Berlin, Heidelberg, Springer, 2010, 428.22Noustraduisons :«Boole’salgebrascanbeseen as synthesizingtheinsightsofbothLlull,whotreated conceptsinanextensionalfashion(speaking anachronistically)butwithoutexploitinganyarithmetic tools,andLeibniz,whosawtheutilityofassociating arithmeticpropertieswithintensions,butwenttoofarthe otherdirectionintryingtomaparithmeticproperties directly onto the properties of intension », Uckelman, Sara L., op. cit., 435.23A ce sujet, nous renvoyons àla lecture du chapitre « From One toTwo »dans l’ouvrage suivant :Galloway, Alexander R., Uncomputable: Play and Politics inthe Long Digital Age, New York :Verso, 2021.24Noustraduisons:«Probablythemajordrivingforceof thecomputingtechnologyistherealizationthatevery pieceofinformationcanberepresentedasnumbers.This inturnimpliesthatthecomputer,whichuntilthenwas usedtoprocessnumbers,canbeusedtoprocessalltypes of information.», Alpaydin, Ethem, Machine Learning: The New AI, Cambridge, MA: The MIT Press, 2016, 2.25Nous traduisons :« Diagrams, clearly, arenotsurrogates for linguistic statements, nor are they mere representations
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offormalknowledgealreadygained.Theyaregenerative systemscomposedofunambiguouselementsthatcanbe used tomodel and articulate proofs. », Drucker, Johanna, Graphesis:VisualFormsofKnowledgeProduction, Cambridge Massachusetts :Harvard University Press, 2014, 106.26Drucker, Johanna, op. cit., 95-105.27Nous traduisons:«By contrast to trees, knowledge generators are combinatoric. », Drucker, Johanna, op. cit., 107.28Knuth, Donald E., op.cit., 308-348.29Nous traduisons:«Machine learning, and prediction, is possiblebecausetheworldhasregularities.Thingsinthe worldchangesmoothly.Wearenot“beamed”frompoint AtopointB,butweneedtopassthroughasequenceof intermediate locations. Objects occupy acontinuous block ofspaceintheworld.Nearbypointsinourvisualfield belongtothesameobjectandhencemostlyhaveshades ofthesamecolor.Soundtoo,whetherinsongorspeech, changessmoothly.Discontinuitiescorrespondto boundaries, and they are rare. », Alpaydin, Ethem, op. cit., 40.
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30Minsky, Marvin,Computation: Finite and Infinite Machines, Englewood Cliffs NJ:Prentice-Hall, 1967, 114-116.31Nous traduisons :«It is certainly true that programming –thejob ofspecifyingtheprocedurethatacomputeristo carry out –amountstodetermining inadvanceeverything thecomputerwilldo.Inthissense,acomputer’s program canserveasaprecisedescriptionoftheprocessthe machinewillcarryout,andinthissamesenseitis meaningfultothatanythingthatcanbedonebya computer can be precisely described.», Minsky, Marvin, op. cit., 103-104.32Turing, Alan,«On Computable Numbers with an Application to the Entscheidungsproblem», Proceedings oftheLondonMathematicalSociety, Volumes2-42,Issue 1, 1937, 230–265.33Minsky, Marvin, op. cit., 104-105.34Galloway, Alexander R., op.cit.35Kosinski, Michal,Stillwell, David, Graepel, Thore, «Privatetraitsandattributesarepredictablefromdigital records of human behavior», in Proceedings ofthe National Academy of Sciences, 110/15, 2013.
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Ouvrirn’importequeljournal—académique, quotidien,etc.—etl’IntelligenceArtificielle(IA)faitpaniquer.Àl’avenir,personnen’apprendraplusàbien écrire,l’IAs’enoccuperaavecChatGPT.Oubien,c’est lafin de Google, grâce à Open AI. Tant ilest vrai que cette nouvelletechnologieauraunimpactimportantsurquoi, presquetout,ilestaussi vraiquecettetechnologiesortde l’esprithumain.Celaveutdirequecen’estpasune technologiesuper-humainecapabledeprendrechargede touteactivitéhumaine.DanscenumérodeFormules,les contributeurs reconnaissent l’importance des algorithmes
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àlabasedel’IAtoutentenantcompte nonseulementdes dangersmaisaussidesonutilité.Cesontlesartistes (écrivain·esetautres)quiœuvrentsuretavecl’IAetles résultats sont comme toutes les œuvres d’art :parfois incroyables, parfois médiocres, parfois des échecs. Devant nouscetavenirquiannonceàvoixhaute:àvous!En allons-nousêtremanipulé·esoubienallons-nous manipuler?EnlisantletextedeWolff,deviennentclairsles premierspasversl’écrituredigitalechezl’Oulipo.La sensibilitéetlaprécisiondesmembresdel’Oulipovis-à-visdesobjectifsd’unetelletentativepermettentaux lecteurs·tricesdesaisiruneapprochemodulairedela construction des machines (ordinateurs)à écrire des textes littéraires. Wolffmetenjeuleterme«programmeur·euse littéraire», une personne capable de créer des textes littérairesgrâceaucalcul.Cequiensortseraitnonpas ‘vers ouprose’ mais plutôt des textes à «contraintes fortes»oubien des textes «amorphes». Wolff précise les momentsoùsedéfinitunensembled’élémentsformels capablesdegénéreruntextelittéraire.Detelsmoments nous intéresse pour deux raisons:1) s’ouvre undébat concernantquelsélémentsformelssontnécessairespour qu’on puisse déclarer qu’un texte est « littéraire »2) si
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l’algorithmequirésulteestbeletbienlasourcedela création dela littérature.Enmême temps, Wolff s’adresse àcequ’ilappelleleséchecsdecettetentativenumérique etalgorithmiqueencequiconcernelaproductiondes textes littéraires.NatalieBerkman,danssonessai,étudiel’emploi d’un algorithme dans UnConte àvotre façonde RaymondQueneau, qu’elletrouvedupeur. Elle met en évidence non seulementcommentleschoixoffertsauxlecteurs·trices danslapoursuitedesnarrationsvariablessebasesur l’agencementdesalgorithmes,maisaussicommentle contecommuniqueuneleçon(morale?). Avoirlechoix danslavie,est-ceuneréalité?Oubien,sommes-nous programméstelsqueleconteprésentéàlalecture? Berkman avance son analyse de cette notion de choix dans lejeuvidéoDetroit:BecomeHumanoùelleretrouvedes élaborationsalgorithmiquessophistiquées.Sichez Queneaulaquestiondelibertéestsous-entendue,ellene l’est pas dans le jeu vidéo où les côtés morales et politiques fontpartiedelaprogrammationetdonnentnaissance alchimique non àla liberté elle-même mais àunsimulacre de celle-ci.Dans l’article de Dominique Raymond, on ne peut qu’apprécier l’art numérique qu’elle présente. Non
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seulements’agit-ild’uneœuvreinéditemaisaussi hallucinante,fluideetd’unespécularité paraissantinfinie. Raymondmetl’accentsurlecôtéalchimiquede l’algorithmetoutenfournissantcetexempleoù, alchimiquement,leslettressetransformentencouleurs fondantes.Onal’impressiondelasynesthésie baudelairienne.Jean-JacquesThomasmetenavantunebelleétude dujeuvidéoAssassin’sCreed.Pourcommencer,prenons au sérieux l’amalgame menaçant des mots:l’objectif du jeu c’est l’appréciation d’une forme de vie (crédo : principes?Religion?)d’unassassin?Ajoutonsàcette recettealchimiquelesalgorithmesgraphiqueshautde gammepermettantauxjoueur·euseslechoixdeschemins versunperfectionnementdecetteviecriminellequia commebutdemettrefinauxviesdesautres.Ajout supplémentaire :les faits historiques concernant la naissance des États-Unis, le détournement de la réalité des autochtones et toute fable qui embrouille des «vérités »de l’Histoire.Cette étudenecraintpas demettreenévidence les dangers culturels des algorithmes.Quant àKim Sacks, sonpropos révèle une structure depremièreimportanceenalchimie,unOuroboros argumentatif qui rejoint l’illustration de Nikita Itziev en
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couverturedecenuméro.Enallantpuiseràlasourcedes réflexionssurletraitementmachiniquedelapenséeetsa modélisation combinatoire chez le philosophe mystique et théologienduXIIIesiècle,RamonLlull,Sacksfaitla démonstrationquelamatièreessentielledestravauxsur les modèles décisionnels se regénère et se transforme sans cesse,lesdébatsetcontroversescontemporainsreposant enbonnepartiesurlesmêmesprémissesqu’auMoyen Âge.L'œuvre numérique qui agrémente notre couverture estdeNikitaIzievaplusdesignificationqu’onn’en soupçonne.VusursonsiteInstagram (https://www.instagram.com/nikitaiziev/?hl=en),lebrin d'ARNestenmouvementperpétuel.Commentmieux représenterl’évolutionhumaine?Lalibertédeschoix, seloncertainsarticlesdecevolume,estl’orproduitde l’alchimiedesalgorithmes.Maislaliberté,toutcourt, existe-t-elle?Cebrind’ARNquitourneettourneet tourne,commentyrépond-il?Biologiquement,nousne sommespaslibres.Nousnesommesquel’entierdenos cellules,enévolutionoui,maislibres?Libresdenepas êtrehumain?Denepasêtredescréaturesd’habitudeset deroutines?Huisclos,toutrenfermésquenoussommes et en même temps à la recherche de la liberté, nous ne
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créonsquedessimulacresdeliberté,nousnecessons d’imaginerdesidéaux,noussommesdesêtreshumainsà la recherche d’uneliberté denepas être qui nous sommes, nospropresprisonniersenfermésàl’intérieurdes habitudes,guidéséternellementparunbrind’ANR.C’est peut-êtrepourquoinousrecréonsl’intelligence, artificielle cette fois-ci.11. Voir l’image de l’Ouroboros ici : https://static.wikia.nocookie.net/vsdebating/images/8/8a/ Ouroboros_Maia.png/revision/latest/scale-to-width-down/1000?cb=20200205065717.
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NOTICES BIOGRAPHIQUES NatalieBerkmanestunespécialistede l'enseignementsupérieur.Chercheurprimé,travaillanten tantqueResponsabled’ingénieriepédagogique (InstructionalDesignManager)àl'ESSECBusiness School.Forméeàlafoiscommespécialistelittéraireet comme mathématicienne, Natalie acomplété son doctorat en littérature française àl'Université de Princeton avec une thèsesurlesméthodesmathématiquesdel'OuLiPo (OuvroirdeLittératurePotentielle),sélectionnécomme lauréatduPeterLangYoungScholarsCompetitionpour lesÉtudesFrançaises(2019)sarechercheaétépubliélié parPeterLang(Oxford-avril2022).Elleapubliéde nombreux articles dans des revues de premier plan : ModernLanguageNotes(JHUPress),Genesis,Digital HumanitiesQuarterlyetÉtudesLittéraires(Université Laval)etintervientrégulièrementdanslescongrès professionnelsdelittérature,d'humanitésnumériqueset d'histoiredessciences.Sontravailaétéparrainéparle PrincetonCenterforDigitalHumanities,lePrinceton Institute for International and Regional Studies, la Modern LanguageAssociation,legroupederechercheANR DifdePo et l'École Normale Supérieure.PeterConsensteinestprofesseurdefrançaisdans deuxfacultésdelaCityUniversityofNewYork.Il enseigne dans le département de langues modernes au
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BoroughofManhattanCommunityCollegeetdansle Ph.D.PrograminFrenchauCUNYGraduateCenter.Ila publiédenombreuxarticlesacadémiquesportantsurla poésiefrançaisedelafinduXXesiècleetsurlegroupe Oulipo.SatraductiondeSonblancduundeDominique Fourcade sort au mois de mars 2023 aux Éditions VVV.NikitaIzievestundessinateuretréalisateur interdisciplinairebaséàLondresquitravailleà l'intersectiondelaforme,delatypographieetdel'image en mouvement.DominiqueRaymondestprofesseureassociéeau Départementdemathématiquesetd’informatiqueet chargéedecoursauDépartementdelettreset communication sociale de l’Université du Québec àTrois-Rivières.Sesrecherchesportent surla contrainte littéraire àl’Oulipo et dans la littérature québécoise, la math-fiction, lenumériqueetlafigurefractale.Elleapubliéen2021 Échafaudages,squelettesetpatronsdecouturières.Essai surlalittératureàcontraintesauQuébec,lauréatduprix Gabrielle-Roy.KimSacks,enseignant-chercheurenDesign, Arts, Médias. Sa recherche porte sur les systèmes de coercitions desfoules,surledesigndescomportementsetsurles technologiespersuasives.IlestactuellementMaîtrede Conférences en Design à l'Université de Strasbourg et
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chercheur-associé à l'Institut Acte au sein de l’École des Arts de la Sorbonne, Université Paris, Panthéon Sorbonne.Jean-Jacques Thomasest Distinguished Professor àl’Universitéd’État deNew York(SUNY).Il aenseigné lalinguistique,lalittératureetlasémiotiqueàParis-8,à l’UniversitéduMichigan,àColumbia,àDukeetà l’UniversitédeCalifornieàSantaBarbara;ilaété professeurassociéàl’UniversitédeParis-7età l’Université duQuébec à Montréal. Il apublié une dizaine d’ouvragescritiques,destraductionsainsiqu’unedizaine d’éditionsspécialesderevuesoudevolumesspécialisés. SesplusrécentsouvragessontPerecenAmérique (Bruxelles :Les Impressions Nouvelles), Oulipo : Chroniques des années héroïques(New Orleans :PUNM), ContinentalTheory(Albany/NewYork:SUNYPress), JoëlDesRosiers:l’échappéelyriquedesdamnésdela mer(Montréal:NotaBene).Ilestéditeurenchefdela revueFORMULESenplusd’avoirétééditeurassociédes revues SubStanceet Poetics Today.MarkWolffestprofesseurd'étudesfrançaiseset internationales.Ildirigeledépartementdelangues modernesauHartwickCollege(Oneonta,NewYork, États-Unis). Ses recherches portent sur l'utilisation d'outils informatiques pour le traitement du langage naturel afin de générer des textes littéraires. Voir markwolff.name.
TABLE DES MATIÈRES
ArgumentaireJean-Jacques THOMASPeter CONSENSTEIN ································ 5 D'AgrotexteàL'Arpenteur : processus alchimique de Bleu diode sur l'œuvre de Jean-Yves FréchetteDominique RAYMOND ··························· 19 Algorithms, Structures, Complexity: Oulipian Efforts toExplore Language with ComputationMark WOLFF ········································ 49 A Theory of Arborescent Literature: Raymond Queneau’s Un conte à votre façon (1967) and Detroit: Become Human(2018)Natalie BERKMAN ································ 99 Algorithmes ludiques :le simulacre du sacré au cœur de l’Histoire
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Jean-Jacques THOMAS ··························· 143 Dutraitement machinique de la pensée et de l’épuisement algorithmique des combinaisonsKim SACKS ········································ 217 Conclusion Peter CONSENSTEINDominique RAYMOND ·························· 257 Notices biographiques ···························· 265